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Alexandre Dumas père (1802-1870)
Les années de jeunesse
Alexandre Dumas naît le 24 juillet 1802 à Villers-Cotterêts, dans l’Aisne à deux lieues de la Ferté-Milon, où naquit Racine, à sept lieues de Château-Thierry, où naquit La Fontaine
. (Alexandre Dumas, Mes mémoires). Fils d’un général (disparu prématurément) et d’une fille d’aubergiste, petit-fils par son père d’une esclave (ou affranchie) de Saint-Domingue, il est donc issu d’un double-métissage fondateur, social et ethnique. Enfant, il montre un goût plus prononcé pour le maniement des armes que pour le latin et, autodidacte, apprend davantage par ses lectures personnelles que sur les bancs de l’école. Adolescent, il est engagé comme saute-ruisseaucoursier chez un notaire et développe son goût pour la littérature, surtout au contact d’Adolphe Ribbing de Leuven, un jeune homme de son âge qui l’initie aux vers de vaudeville et à l’art dramatique. C’est lui encore qui le convainc en 1822 de partir à la conquête de Paris, tel D’Artagnan sur son bidet du Béarn, plein de fougue et d’ambition.
Grâce à son tuteur, le jeune Alexandre obtient une place de clerc avant d’entrer très rapidement dans les bureaux de Louis-Philippe duc d’Orléans. En parallèle, il n’a de cesse de poursuivre son éducation par les livres mais aussi par la fréquentation des salons littéraires impériaux et libéraux, rompus au classicisme. Très vite, un glissement s’opère vers le romantisme à travers les modèles allemands (Goethe, Schiller), anglais (Scott, Byron), américains (Cooper). Il rencontre les grands noms du romantisme à la française que sont Nodier, Musset, Lamartine, de Vigny.
Consécration du dramaturge
En 1828, il découvre la Comédie-Française. Après un premier refus essuyé avec Christine de Suède, une tragédie encore trop classique, l'institution le consacre le 10 février 1829 lors de la création de son drame romantique en prose Henri III et sa Cour. Au même moment, il se lie d’amitié avec Alphonse de Lamartine, et surtout Victor Hugo. La révolution de 1830Frère de Louis XVI et de Louis XVIII, Charles X devient roi de France en 1824. Face à une opposition grandissante à la Chambre des députés, il tente un coup de force en signant le 25 juillet 1830 quatre ordonnances visant à restreindre certaines libertés (notamment la liberté de la presse et le droit de vote). Cette tentative provoque l’insurrection du peuple parisien trois jours durant (appelés les « Trois Glorieuses », les 27, 28 et 29 juillet 1830), et se solde par l’abdication de Charles X le 2 août. est l’occasion pour Dumas de mûrir sa conscience politique à travers son engagement pour la république, et surtout contre les BourbonsLa maison des Bourbons est une grande et ancienne lignée, de laquelle sont issus de nombreux rois de France, dont Charles X., malgré une amitié savamment entretenue avec les princes.
Le double échec politique (conservation d’une monarchie constitutionnelle) et littéraire (celui du romantisme à la Comédie-Française) pousse le dramaturge à se tourner vers le théâtre privé des Grands Boulevards : en 1831, il crée à la Porte Saint-Martin son drame en cinq actes Antony, pièce phare de la génération romantique.
Genèse du romancier
Alternant succès et échecs, Alexandre Dumas se détourne peu à peu de l’écriture théâtrale, à laquelle il ne reviendra que par la mise en scène de ses romans en 1847. Cependant, malgré ce que la postérité a retenu à son propos, il s’est toujours considéré comme un auteur dramatique, ce qui se traduit dans l’écriture romanesque par la fréquence et la maîtrise des passages dialogués.
En 1832, la monarchie de JuilletSuite aux Trois Glorieuses et à l'abdication de Charles X, c’est Louis Philippe d’Orléans qui prend les rênes du pouvoir. Le 9 août 1830, il est proclamé roi des Français sous le nom de Louis-Philippe 1er, à la tête d’une nouvelle monarchie constitutionnelle appelée la « monarchie de Juillet ». lui fait quitter Paris. Il part en voyage à travers l’Europe et en écrit le récit, prétexte à toutes les expérimentations narratives. De retour à Paris, il écrit des chroniques historiques et nourrit le projet, suite au succès de celles-ci, d’écrire une suite de romans couvrant une large période, allant du règne de Charles VI (1380-1422) à celui de Charles X (1824-1830). Mais c’est à la lecture du feuilleton Les Mystères de Paris d’Eugène Sue qu’il décide de se lancer dans la voie romanesque.
Le succès
À partir de 1844, ses romans historiques paraissent en feuilletons dans différents journaux, attendus chaque semaine par des milliers de lecteurs. C’est le cas des Trois Mousquetaires (1844), du Comte de Monte-Cristo (1844-1846) et de bien d’autres encore.
Au-delà de la stratégie éditoriale visant à élargir le lectorat, cet écrivain prolifique, au croisement du métissage social dont il est issu et de ses convictions politiques, se donne pour mission non seulement d’amuser une classe […] qui sait, mais encore d’instruire une autre qui ne sait pas
, et de rendre justice au peuple, dépossédé jusqu’alors de son histoire
(Alexandre Dumas, Mes mémoires). Ce projet foisonnant de « drame pour la France » n’est pas sans rappeler l’entreprise de Balzac dans La Comédie humaine.
Dumas acquiert très vite une popularité immense doublée de la rançon du succès, à savoir l’accusation de pratiquer une « littérature industrielle », qu’il ferait de surcroît écrire par d’autres. Il s’agit en réalité d’une interprétation malveillante d’une pratique fréquente à l’époque : l’écriture collaborative, ici avec Auguste Maquet, un professeur d’histoire que lui a présenté le poète Gérard de Nerval. Se crée alors sous la plume, tenue à une ou deux mains, un nouveau genre : le roman théâtral historiquecaractérisé par de nombreuses scènes dialoguées, un contenu historique dense dont, selon Jules Michelet, le peuple aura appris plus d’histoire que de tous les historiens réunis
. Durant ces années fastes, Dumas fait construire son « château de Monte-Cristo » en 1844, puis en 1846, il fonde le « Théâtre-Historique », son propre théâtre situé à Paris boulevard du Temple. Il y accueille les pièces de plusieurs auteurs européens (Shakespeare, Goethe, Calderon, Schiller...) avant de faire faillite en 1850.
L'échec sous toutes ses formes
En 1848, Alexandre Dumas tente un engagement en politique. Contrairement à Hugo, Sue ou Lamartine, il ne parvient pas à se faire élire, jugé trop extravagant. Lors des journées révolutionnaires de 1848En proie à de nombreuses difficultés économiques et sociales, la monarchie de Juillet ne parvient pas à apaiser le mécontentement général du peuple parisien, toujours menaçant depuis les Trois Glorieuses. Le 23 février 1848, une manifestation qui tourne en fusillade remet le feu aux poudres et déclenche une nouvelle insurrection dans la ville de Paris. Refusant l’usage de la force contre son peuple, Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils, le comte de Paris. Mais les révolutionnaires rejettent une nouvelle monarchie constitutionnelle et proclament la Seconde République le 25 février., il opère un retournement radical en se rapprochant du parti de l’OrdreLe parti de l'Ordre est un parti conservateur, regroupant essentiellement des royalistes légitimistes (favorables au comte de Chambord, petit-fils de Charles X) et orléanistes (favorables au comte de Paris).. Cet échec politique n’est qu’une partie d’un déclin aux aspects multiples. Ruiné, principalement à cause de la crise des théâtres qui le force à fermer le sien, il doit vendre son château et s’exiler en Belgique en 1851.
Sur le plan littéraire, ce n’est plus lui mais son filsFascinant les femmes par son physique métissé et son intelligence, Dumas collectionne les conquêtes dans le milieu du spectacle et ailleurs. De ces liaisons naîtront plusieurs enfants, dont Alexandre Dumas fils en 1824, que son père ne reconnaîtra que sept ans plus tard, à la naissance de sa fille Marie-Alexandrine. qui désormais occupe le sommet avec, en 1852, le succès de l’histoire tragique de Marguerite Gautier, plus connue sous le nom de La Dame aux camélias. Les deux revues qu’il a créées (Le Mousquetaire et Le Monte Cristo) sont un fiasco, à l’image de sa seconde collaboration romanesque (cette fois avec Gaspard de Cherville). Dans cette situation peu valorisante à tout point de vue, il décide de repartir en voyage grâce à l’argent de l’exploitation de ses œuvres.
Les dernières années
En 1860, après un voyage à bord de sa goélette, Dumas débarque en Sicile et s’engage pour l’unification de l’Italie au côté de GaribaldiÀ la tête d'une troupe de volontaires appelés les « Chemises rouges », Giuseppe Garibaldi prend part à un grand nombre de campagnes militaires visant à unifier l'Italie. En 1860, il part à la conquête de la Sicile lors de l’expédition des Mille, puis entre victorieux dans Naples, achevant ainsi l'unification du pays. Victor-Emmanuel II est proclamé roi d'Italie l'année suivante. qui, après son entrée triomphale dans Naples, nommera l’écrivain au poste honorifique de directeur des musées et des fouilles. Même après le départ du père de la patrie italienne, Dumas continuera de militer pour la Première République, notamment par l’écriture du roman La San Felice, en 1864.
Remotivé par le succès de son « roman italien », l’écrivain tente un retour glorieux à Paris, en vain : projets journalistiques, écriture de romans, conférences sur sa vie à travers la France et l’Europe, autant de tentatives ratées qui, associées à la maladie, le précipitent vers le déclin. Il meurt le 5 décembre 1870, près de Dieppe, dans la maison de son fils.
Auteure : Caroline Heudiard