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Le conte
Présentation
Le conte Poucette est paru pour la première fois en 1835 au Danemark sous le titre original Tommelise, au sein d’un recueil publié par les éditions Reitzel. Il s’agit d’un des premiers contes écrits par Andersen. Le personnage de Poucette lui a été inspiré notamment par l’une de ses amies, Henriette Wulff, toute petite et bossue.
Résumé - Schéma narratif
Situation initiale | Une femme en mal d’enfant voit un jour son souhait se réaliser en la - petite - personne de Poucette, née d’une fleur. |
Élément perturbateur | Un soir, Poucette se fait enlever par un crapaud qui veut l’offrir en mariage à son fils. |
Péripéties | À l’aide de petits poissons qui ont pitié d’elle, Poucette parvient à s'échapper. |
Un hanneton l’aperçoit et la fait prisonnière. S’il la trouve à son goût, ce n’est pas le cas de ses pairs qui le poussent finalement à s’en débarrasser. | |
Lorsque l’hiver arrive, Poucette trouve refuge chez une souris, en échange de travaux ménagers. La souris tente « d’arranger » un mariage entre Poucette et son voisin la taupe. | |
Entre-temps, Poucette soigne une hirondelle malade et lui permet de s’envoler pour les pays chauds. | |
Près d’un an plus tard, le mariage avec la taupe doit finalement avoir lieu. Poucette, qui s’y refuse, s’envole sur le dos de l’hirondelle vers les pays chauds. | |
Élément de résolution | Choisissant pour demeure une jolie fleur, Poucette y rencontre un petit homme couronné qui s’avère être le génie de la fleur. |
Situation finale | Le génie demande Poucette en mariage. Celle-ci accepte et devient alors la reine des fleurs, rebaptisée Maïa. |
Comme tous les héros/héroïnes de conte, Poucette vit un parcours initiatique rythmé par de nombreuses péripéties. Ce voyage suit à la fois un mouvement ascendant et cylique : née dans une fleur, Poucette devient la reine des fleurs à la fin du conte. Entre-temps, elle aura découvert le monde, allant de lieu en lieu, forcée ou de son propre gré, apprenant à chaque fois un peu plus sur elle-même et sur les autres.
Les personnages
Personnage principal de l’histoire, Poucette possède des caractéristiques physiques et morales propres à une héroïne de conte, parfois ancrées dans les stéréotypes féminins :
- la petite taille : le prénom de l’héroïne comporte un suffixe à valeur de diminutif ; l’adjectif « petite » est régulièrement utilisé dans les périphrases désignant Poucette ;
- la beauté : tout au long du conte, de nombreux adjectifs faisant référence à la beauté qualifient Poucette : « charmante », « jolie », « belle », « ravissante ». Seuls les hannetons la trouvent laide, du fait de sa ressemblance avec les humains. Poucette sera d’ailleurs très affectée par ce rejet, prêtant foi aux paroles des hannetons ;
- la douceur et la gentillesse : à l’image de sa voix « douce et mélodieuse », Poucette est constamment guidée dans ses actions par sa gentillesse et sa générosité : elle s’occupe de l’hirondelle blessée, puis refuse de la suivre pour ne pas causer de chagrin à la souris, elle s’attire l’amitié des poissons qui la libèrent du crapaud...
- la vulnérabilité : l’adjectif « pauvre » est utilisé à de nombreuses reprises. Souvent en pleurs ou effrayée, Poucette est régulièrement entravée dans ses déplacements, souvent assignée à résidence (par le crapaud, le hanneton, la souris, la taupe), toujours avec la finalité de la marier !
Les personnages secondaires de l’histoire peuvent être répartis en deux catégories :
Personnages maléfiques (opposants) : ils entravent Poucette | Personnages bénéfiques (adjuvants) : ils libèrent Poucette, lui permettent d’avancer |
Le crapaud : « affreux animal, énorme et tout humide », il séquestre Poucette et lui impose le mariage avec son « hideux » fils. | Les poissons : ils permettent à Poucette d’échapper au crapaud. |
Le hanneton : il capture Poucette puis l’abandonne, influencé par ses congénères. Il est à la fois maléfique et bénéfique, l’abandon de Poucette étant perçu comme une libération pour l’héroïne. | |
La souris : elle se présente d’abord sous les traits d’une sauveuse, proposant à Poucette de l’héberger pour l’hiver. Mais très vite, elle se révèle être manipulatrice et va forcer Poucette à épouser la taupe. | |
La taupe : indifférent au sort de l’hirondelle et des oiseaux en général, cet ennuyeux voisin veut épouser Poucette. Un mariage avec la taupe signifierait malheureusement une vie triste et recluse sous la terre, sans jamais voir la lumière du soleil. | L’hirondelle : personnage providentiel et salvateur, l’hirondelle aide Poucette à échapper à son triste sort. Elle l’emmène dans les pays chauds et provoque la rencontre avec le prince des fleurs. |
Le petit prince des fleurs : en l’épousant, il fait de Poucette une reine. |
Pistes d’analyse : les symboliques du conte
Symbolique spatiale : les lieux
Les différents lieux du conte font chaque fois écho à la situation dans laquelle Poucette se trouve :
- hostiles lorsque l’héroïne est malheureuse : le marais des crapauds et le large ruisseau où Poucette est piégée, le bois ou la grande forêt où Poucette est isolée, le champ de blé ou « une nouvelle forêt à parcourir » qui freine un peu plus l’héroïne, la maison de la souris « sous les pailles » qui deviendra une prison dorée, la demeure obscure de la taupe reliée à la maison de la souris par un « long et sombre corridor » ;
- attrayants lorsque l’héroïne est heureuse : le ruisseau où « tout était beau », la nature magnifique et l’aspect de l’eau que le soleil faisait briller comme de l’or (passage avec les poissons), « les beautés » survolées sur le dos de l’hirondelle, les pays chauds « où mille plantes merveilleuses exhalent leurs parfums », le lac « azuré ».
On remarque que les lieux hostiles sont souvent situés en bas (sous la terre, univers froid et sombre) tandis que dans les airs, Poucette retrouve sa liberté, sur le dos de l’hirondelle. Le milieu aquatique quant à lui peut épouser les deux aspects, malheureux ou heureux : le sombre marais dans lequel est piégée Poucette au début du conte s’oppose d’une part à la rivière par laquelle elle peut s’échapper (grâce aux poissons), d’autre part au lac azuré de la fin du conte.
Symbolique temporelle : les saisons
Comme dans tous les contes, afin de permettre l’universalité du propos, le récit n’est pas ancré dans une époque donnée. En revanche, le changement de saison (et souvent la symbolique qui l’accompagne) correspond à chaque fois à une nouvelle étape du parcours de Poucette :
Saison | Étape du conte |
printemps | naissance de Poucette et premières péripéties |
été/automne | existence heureuse dans la grande forêt |
hiver | manque de nourriture et solitude, vie chez la souris dans une prison dorée |
printemps | départ de l’hirondelle tandis que Poucette reste chez la souris |
été | préparatifs du mariage forcé avec la taupe |
automne | retour de l’hirondelle qui emmène Poucette dans les pays chauds (où c’est toujours l’été) |
Symbolique de la taille
La référence à la taille est récurrente dans les contes traditionnels. Andersen a écrit douze contes dont le titre contient l’adjectif « petit/petite » ou bien une allusion à la petite taille (Poucette). Citons également Le Petit Poucet de Charles Perrault, Tom Pouce et Le Vaillant Petit Tailleur des Frères Grimm. La petite taille concerne systématiquement le personnage principal et comporte une forte valeur symbolique. Tout d’abord, elle est associée à la dimension initiatique du conte : au début de l’histoire, le personnage est jeune, innocent, inexpérimenté, donc « petit » face au vaste au monde qui l’entoure et qu’il va parcourir. D’autre part, à partir du moment où le personnage est caractérisé par sa petite taille, tout le reste du monde semble grand, impressionnant, vaste, aussi bien les lieux que les personnages. Dans Poucette, les animaux que l’héroïne rencontre la dominent par la taille et peuvent la manipuler, au sens propre du terme (le hanneton qui l’enlève par exemple) ou au sens figuré (la souris qui veut lui imposer le mariage). Enfin, la petite taille du héros, par contraste, met en évidence le caractère exceptionnel de son parcours et des ses qualités morales (grand courage, grand esprit, ruse…). Ainsi, dans Le Vaillant Petit Tailleur, le héros va vaincre un géant mal intentionné ; le Petit Poucet parvient à rentrer chez lui et à échapper aux assauts de l’ogre, grâce à son courage et son intelligence.
Le spectacle musical
L’adaptation littéraire
Édouard Signolet adapte le conte d’Andersen afin d’en faire un spectacle musical. S’il respecte la trame littéraire, il fait de Poucette une héroïne des temps modernes. En effet, l’univers des contes ne rend pas souvent grâce aux personnages féminins, la plupart du temps passifs et secourus par les personnages masculins. Ainsi, l’œuvre originale Poucette, qui met en valeur la passivité de la jeune fille, ne correspond plus à l’air du temps. L’adaptation littéraire de Signolet cherche à créer un personnage plus actif, plus combatif : Poucette est plus piquante, plus vive, avec une certaine insolence qui va à l’encontre des clichés féminins véhiculés par le conte. De même, l’accomplissement ne réside plus dans le mariage, mais dans l’acquisition de la liberté, de l’indépendance.
Analyse comparative du conte et du livret du spectacle
Le conte d’Andersen | Le livret d’Édouard Signolet |
Poucette naît dans une fleur. | Poucette frappe à la porte. |
Elle pleure lorsqu’elle comprend qu’elle a été enlevée. | Elle prend la parole, elle tient tête et garde espoir. Elle se met en colère. |
Les poissons la libèrent. | Elle rejette les poissons (laissez-moi tranquille) et crie sa liberté. |
Le papillon est joli. Poucette a peur, elle plaint le papillon. | Le papillon est fougueux. |
Poucette pleure d’avoir été congédiée par le hanneton à cause de sa laideur. | Poucette résiste au hanneton mais quand elle le voit triste, elle décide de rester. Elle est heureuse de retrouver sa liberté lorsque le hanneton la congédie. Elle profite de ces instants de paix. |
Poucette souffre du froid et mendie. | Poucette est combative (je n’ai pas froid, je vais y arriver). |
Poucette est soumise à la souris, pour le ménage mais aussi en ce qui concerne le mariage avec la taupe. Elle échappe au mariage de justesse, grâce à l’hirondelle. | La souris a, elle aussi, plus de caractère (va pas falloir faire ta princesse). Pendant qu’elle doit confectionner sa robe de mariage, Poucette se révolte sur sa condition ( pourquoi ne suis-je pas partie ?). Elle tente de retarder le moment du mariage en prenant du temps pour tisser sa robe, à l’image de Pénélope dans l’Odyssée d’Homère. Telle Antigone, l’héroïne de tragédie grecque, Poucette se révolte contre le mariage ( je ne veux pas). |
Arrivée au soleil, Poucette rencontre le génie des fleurs et se marie immédiatement avec lui. Elle perd son identité en changeant de nom. | La fin est ouverte : au soleil, Poucette est libre avec son amie l’hirondelle. |
Les créateurs du spectacle musical
Édouard Signolet, livret et mise en espace
Édouard Signolet est un metteur en scène travaillant régulièrement sur des projets musicaux. En effet, il collabore depuis 2006 avec Jeanne Debost pour l’opéra (notamment La Cenerentola de Rossini et La Serva padrona de Pergolèse), mais aussi avec différents orchestres (Les Siècles, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre National d’Île-de-France) pour des concerts pédagogiques. Avant Poucette, Édouard Signolet a déjà créé plusieurs spectacles adaptés de célèbres textes pour enfants : La Princesse au petit pois d’Andersen (2014), Pinocchio de Carlo Collodi (2016), Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll (2016).
Matteo Franceschini, musique
Matteo Franceschini est un compositeur italien, clarinettiste, passionné d’informatique musicale. Il est membre depuis 2006 de l’institut Agon, l’un des plus importants centres italiens d’électroacoustique et d’informatique musicale. Il est régulièrement invité à présenter ses compositions en France, au Conservatoire de Paris, à l’Ircam ou encore au Festival d’Aix-en-Provence. Il a déjà collaboré avec Édouard Signolet pour la création du spectacle musical Alice au pays des merveilles à la Cité de la Musique - Philharmonie de Paris en 2016.
Pistes pédagogiques
- Éducation musicale :
- découverte des familles d’instruments et des tessitures de voix ;
- écoute et identification des instruments et des voix, de leur rôle dans le récit : est-ce qu’un instrument/une mélodie est associé(e) à un personnage ? à une action ?
- après création de saynètes à partir du spectacle musical (voir fiche activité), créer un univers sonore associé à ces saynètes, avec des instruments à disposition dans la classe (notamment des percussions). - Arts plastiques :
- réalisation d’une galerie de portraits des personnages, à la manière de ...
- concours d’affiche du spectacle (mêlant texte et image) ;
- réalisation de costumes pour des saynètes créées à partir du spectacle musical (voir fiche activité). - Sciences : étudier les différents animaux rencontrés dans le conte (les poissons, le rat, la taupe, le hanneton...), puis croiser leurs caractéristiques réelles avec celles dans le conte. Les élèves peuvent pour cela procéder à une recherche documentaire guidée par l’enseignant.
Auteure : Caroline Heudiard