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Henri Dutilleux (1916-2013)
Ses débuts
Né le 22 janvier 1916 à Angers, Henri Dutilleux passe son enfance à Douai, dans le nord de la France, où ses parents ont pu revenir s’établir après la fin de la guerre. C’est au conservatoireComme de nombreux autres lieux musicaux en France, l’auditorium du conservatoire de Douai porte maintenant son nom., où il étudie le piano et la théorie musicale, qu’un de ses professeurs repère ses prédispositions à l’écriture. Il poursuit ses études au Conservatoire de Paris dès l’âge de dix-sept ans et y impressionne encore ses professeursHenri Büsser (composition), Noël Gallon (contrepoint et fugue), Maurice Emmanuel (histoire de la musique) et Philippe Gaubert (direction d’orchestre). En 1938, il obtient le grand prix de Romerécompense attribuée aux jeunes compositeurs après un concours de très haut niveau. Cette récompense lui offre quatre années propices à l’approfondissement de son art à la Villa Médicis de Rome où il s’installe en janvier 1939. Mais la guerre interrompt son séjour : en septembre de la même année, il est mobilisé et doit revenir en France.
Pendant la guerre
Sous-officier dans l’armée de l’air, Dutilleux reçoit des ordres de mission qui ne l’envoient pas sur le front. Il revient à Paris en 1942 où il est nommé chef de chœur à l’Opéra pour quelques mois. Parallèlement, il poursuit ce qu’il considère encore comme sa formation à la composition : essais symphoniques, pièces de concours pour le conservatoire, travail en autodidacte. Ses premières œuvres - Quatre Mélodies pour chant et piano en 1943, Geôle pour voix et orchestre en 1944 - le font rapidement remarquer. C’est à la même époque qu’il obtient un poste à Radio France.
Vingt ans à la radio
Au lendemain de la guerre, Henri Dutilleux se retrouve donc à la place idéale pour découvrir et observer les nouvelles tendances musicales. À la radio, il occupe notamment la direction du service des illustrations musicales, puis du service des créations musicales. C’est l’Orchestre de la Radio qui crée sa Symphonie n° 1 en 1951, première d’une série d’œuvres orchestrales qui l’inscrivent dans la lignée des grands symphonistes. Il restera à ce poste jusqu’en 1963, soit pendant près de vingt ans.
Un pédagogue apprécié
Henri Dutilleux est également un professeur très recherché. En 1961, Alfred Cortot lui confie un poste de professeur à l’École Normale de Paris et, en 1970, il devient professeur au Conservatoire de Paris. Il donne des cours et des conférences dans de nombreux autres pays, et enseigne ponctuellement aux États-Unis (à l’université d’été de Tanglewood, en 1995 et 1998). Il se montre toujours bienveillant envers les jeunes compositeurs et aime découvrir de jeunes talents. Toutefois, il quitte son poste au Conservatoire pour se consacrer exclusivement à la composition.
Des œuvres nées d’une longue maturation
Henri Dutilleux est un compositeur qui travaille longuement à chacune de ses œuvres. Son catalogue est assez restreint mais chacune de ses partitions témoigne d’une grande inspiration. Exigent et perfectionniste, il n’hésite pas à détruire toute page qu’il n’estime pas suffisamment aboutie. Sa musique séduit immédiatement le public et il n’est pas rare que ses compositions soient bisséesacclamées par le public, pour faire rejouer l’œuvre dès leur première exécution.
Une renommée internationale
Rapidement après ses premières créations, les commandes affluent : elles viennent de France, comme celles d’une musique de scène pour le ballet Le Loupballet créé par la compagnie de Roland Petit en 1953 ou d’une musique pour le film L’Amour d’une femme, mais aussi du reste du monde. Dutilleux écrit sa Symphonie n° 2 suite à la sollicitation de la fondation KoussevitzkiSerge Koussevitzki (1874-1951) est un chef d’orchestre américain d’origine russe, à la tête de l’Orchestre symphonique de Boston durant 25 ans, compositeur et contrebassiste., grand mécène américain, et les Métaboles suite à une commande pour célébrer les 40 ans de l’Orchestre de Cleveland. Les commanditaires sont prêts à patienter de longues années : le violoncelliste Mstislav Rostropovitch attend neuf ans le concerto Tout un monde lointain, demandé en 1961Composée en 1970, c'est l’œuvre la plus jouée du compositeur., et la Philharmonie de Berlin peut enfin créer le cycle de mélodies Correspondances en 2003, après un délai de plusieurs décennies !
Un artiste de nombreuses fois récompensé
Henri Dutilleux est aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands compositeurs français du XXe siècle et comme celui qui incarne le mieux la continuité de la musique française après Claude Debussy et Maurice Ravel. En 1967, il reçoit le grand prix national de la musique, et ne cesse ensuite d’être honoré de récompenses internationales1983, grand prix international du disque de Montreux ; 1987, prix international Maurice Ravel et prix du Conseil International de la Musique ; 1994, le Praemium Imperiale du Japon et le Royal Philharmonic Society Awards ; 1999, prix de Cannes et grand prix de la presse musicale internationale. En janvier 2004 et 2005, à 89 ans, il obtient encore deux hautes distinctions : la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur et l’un des plus prestigieux prix existant pour les compositeurs, le prix international Ernst von Siemens. Passionné, il poursuit son activité jusqu’à sa disparition, le 22 mai 2013.
Sa musique
Dutilleux s’inspire des différents courants qui se côtoient au XXe siècle, mais évite surtout de se fondre dans un langage institutionnalisé. Sa fascination pour le son en tant que matière le fait longtemps privilégier l’écriture pour orchestre symphonique. Son premier véritable chef-d’œuvre est sa Symphonie n° 2 en 1959. Son répertoire comprend aussi des œuvres de musique de chambre, et pendant la dernière partie de sa vie, la voix s’ajoute aux couleurs orchestrales. Dans sa jeunesse, il découvre la musique de Debussy et de Ravel, et s’inscrit dans la même veine « impressionniste ». Son langage, il le trouve en 1948 dans sa Sonate pour piano composée pour Geneviève Joy, sa femme. Son art tient dans sa capacité à pouvoir créer une musique héritière du style classique tout en employant un langage d’avant-garde. Mais ce qui caractérise le mieux sa musique, c’est la poésie qui se dégage de ses œuvres, jusque dans leurs titres énigmatiques : Tout un monde lointain, titre extrait de La Chevelure de Charles Baudelaire, poète que Dutilleux apprécie particulièrement ; Ainsi la nuit, son unique quatuor à cordes ; La Nuit étoiléesous-titre de Timbres, espace, mouvement, 1978, pour orchestre symphonique, en référence au tableau de Van Gogh ; ou encore L’Arbre des songes, concerto composé pour le grand violoniste Isaac Stern.
Auteure : Aurélie Loyer