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Symphonie n° 6 « Pathétique » Piotr Ilitch Tchaïkovski
Carte d’identité de l’œuvre : Symphonie n° 6 « Pathétique » de Piotr Ilitch Tchaïkovski |
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Genre | musique symphonique |
Composition | en 1893 à Klin |
Dédicataire | Vladimir Davydov (neveu de Tchaïkovski) |
Création | le 28 octobre 1893 à Saint-Pétersbourg, sous la direction de Tchaïkovski |
Forme | symphonie en quatre mouvements : I. Adagio-Allegro non troppo II. Allegro con grazia III. Allegro molto vivace IV. Finale. Adagio lamentoso |
Instrumentation | bois : 3 flûtes (dont 1 aussi piccolo), 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres : 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, 1 tuba percussions : timbales, cymbales, grosse caisse, tam-tam cordes : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Tchaïkovski et ses symphonies
C’est dans le domaine de la musique symphonique que Tchaïkovski trouve un accomplissement à la mesure de son romantisme. Comme il l’écrit lui-même, le compositeur exprime dans sa musique ses sentiments de joie, de souffrance, bref, il épanche son âme à la manière d’un poète lyrique
(Lettre du 5 décembre 1878 à Mme von Meck, son mécène).
Avec le grand orchestre symphonique, il trouve la palette de couleurs et de timbres variés qui lui convient. Son œuvre pour orchestre recouvre tous les genres : symphonie classique, à programme, suite symphonique, poème, ouverture, sérénade, pièce libre… L’écriture de ses six symphonies s’étale de 1866 à 1893 : ce sont les premières symphonies romantiques russes, aux dates où d’autres compositeurs comme Dvořák, Bruckner, Brahms composent eux aussi l’essentiel de leurs symphonies. Les trois dernières symphonies sont écrites en 1877, 1889 et 1893. Elles sont composées avec l’idée d’un programme où le destin apparaît musicalement important. Tchaïkovski y transcrit son drame personnel. Dans ses symphonies, le compositeur s’est souvent reproché de n’avoir pas su garder l’équilibre des formes : il peut en effet amplifier démesurément certains mouvements, suivant son inspiration.
La composition de la Symphonie n° 6
Cette dernière symphonie essentiellement composée à Klinà 85 kilomètres de Moscou, résidence du compositeur, est sa dernière grande œuvre. Il explique lui-même, dans ses lettres, comment le désir de commencer l’écriture d’une symphonie lui est venu : Au cours de mes voyages, j’ai eu l’idée d’une autre symphonie, une symphonie à programme cette fois-ci, mais dont le programme restera secret pour tout le monde. Qu’on le devine.
(Lettre de Tchaïkovski du 11 février 1893) Ce programme est profondément empreint de sentiments subjectifs, et maintes fois (…), en la composant mentalement, j’ai beaucoup pleuré.
Il dédie cette œuvre à son neveu Bob Davydov, qui manifeste peu d’intérêt au travail de créateur de son oncle. J’ai parfois l’impression que tu t’intéresses peu à moi et que tu n’éprouves pour moi aucune sympathie véritable.
(Lettre du 11 février 1893) Le premier mouvement est écrit d’un jet, en cinq joursdu 4 au 9 février 1893 seulement.
Puis le compositeur s’absente de Klin pour un de ses nombreux voyages. De retour un mois plus tard, il écrit ensuite le finale, le second puis le troisième mouvement. Après avoir écrit les esquisses de cette symphonie, Tchaïkovski termine l’ensemble en écrivant cette fois l’orchestration, en juillet de la même année. Sur ses manuscrits, à la fin de l’été, il conclut : Fin de la symphonie. Klin, 19 août 1893
. La mention « pathétique » semble voulue par le compositeur lui-même, bien que celle-ci n’apparaisse pas sur les programmes de concert lors de la création de la symphonie, le 16 octobre 1893. Le véritable « programme » – que le compositeur a voulu garder secret – semble être celui de sa propre existence, à un moment très difficile pour lui. Il meurt peu de temps après, cette dernière symphonie résonnant comme son testamentLes circonstances de sa mort restant obscures, l’hypothèse d’un suicide est envisageable. musical.
Déroulé de l’œuvre
Premier mouvement
Le tout début de l’œuvre commence par une introduction lente, un adagio, dans les profondeurs de l’orchestre. Sur l’assise sonore des contrebasses, un thème sombre et plaintif émerge, joué au basson : cette mélodie lente, sorte de murmure étouffé, présente une progression de trois fois quatre notes s’élevant péniblement vers les aigus. Certains musicologues ont vu dans ce thème la traduction du mot russe « pomoghite », qui signifie « à l’aide », « au secours ». La phrase est répétée, suivie d’une triste plainte des altos, ligne mélodique descendante et ritenuto. À cette courte introduction succède avec contraste un passage plus rapide indiqué Allegro non troppo par le compositeur. Le thème lent du début est repris, mais cette fois dans un climat haletant, avec des traits rapides de doubles croches. L’intensité dramatique va croissant, le dialogue entre le pupitre des bois et des cordes devient de plus en plus tendu, pour aboutir au premier tuttiTout l’orchestre joue. de l’orchestre, avec l’ensemble des cuivres : le premier thème, entendu dans l’introduction, est réentendu cette fois aux trompettes, nuance fortissimo. Après un grand decrescendo, le tempo ralentit.
Apparaît alors le second thème : très sentimentalCharlie Chaplin l’utilise dans son film The Kid, en 1921., chantant, il est joué par les violons et violoncelles avec sourdines, accompagnés par les cors et les bois graves, sur pédalenote continue et répétée des contrebasses.
La partie centrale voit le retour et le développement du premier thème, énoncé d’abord par les violons, fortissimo, et marqué « féroce » sur la partition. Un nouveau thème apparaît au sein de ce développement central : il s’agit en fait d’un extrait de la messe des morts orthodoxe, correspondant aux paroles « Qu’il repose avec les saints ». Après la réexposition des deux thèmes principaux, le mouvement se termine par un choralstyle d’écriture harmonique et homorythmique faisant référence au genre du choral, chant religieux en langue vernaculaire chanté pendant les services liturgiques des vents, sur une gamme descendante des cordes en pizzicatoAu lieu d’utiliser l’archet, les notes sont jouées en pinçant les cordes avec le doigt., qui disparaît progressivement.
Deuxième mouvement
À ce premier mouvement tragique succède un mouvement plus souriant, une valse, écrite en réalité par Tchaïkovski sur un rythme à… cinq tempsCela se retrouve parfois dans la musique populaire russe. Le compositeur l’utilise dans sa Valse op. 72 pour piano. ! Cependant, ici nulle asymétrie n’est ressentie à l’écoute. Le long thème de dix-huit mesures, joué aux violoncelles, est répété aux bois avant d’être repris, puis varié.
La partie centrale retrouve un peu du climat sombre du premier mouvement, notamment avec l’ostinatomotif mélodico-rythmique répété inlassablement des contrebasses et des timbales, qui résonne comme le destin, le fatum cher au compositeur. Tchaïkovski cite ici une chanson populaire estonienne « Kallis Mari » (ce qui signifie « Chère Marie »). Finalement, le premier thème réapparaît, alternant aux bois et aux cordes.
Troisième mouvement
La musique de ce mouvement est d’un élan continu, sans repos, dans un tempo rapideindiqué Allegro molto vivace sur la partition. Il s’agit en fait d’une sorte de danse, un scherzo. Le premier thème, léger et joyeux, est exposé aux violons, agrémenté de quelques échanges avec le pupitre des bois.
Un second thème, qui apparaît en réalité dès le début du mouvement, est un rythme de marche, fondé sur deux intervalles de quartesC’est un intervalle de quatre notes, do-fa, par exemple..
Le premier thème revient avec force et obstination, mais le deuxième l’emporte dans un grand tutti orchestral, nuance fortissimo.
Quatrième mouvement
Tchaïkovski s’est souvent accusé de ne pas réussir à suivre des formes rigoureusement classiques. C’est ici le cas : il termine en effet sa symphonie par un mouvement lent. Le premier thème est joué par les cordes, avec une écriture croiséeLes notes du thème sont échangées entre les deux groupes. entre premiers et seconds violons. Il s’apparente au thème central du deuxième mouvement.
Sur un ostinto rythmique des cors, le deuxième thème, très lyrique, apparaît aux violons 1 et altos dans la tonalité plus lumineuse de ré majeur.
figure>Second thème du quatrième mouvement
Après un grand crescendo qui se termine par un silence soudain et dramatique, le premier thème revient pour mener le mouvement à son point culminant, dans un tutti fortissimo. Puis la tension commence à retomber lentement. Un choral est énoncé par les cuivres dans le grave, puis le second thème est réentendu, dans une tonalité plus sombre. Joué par les cordes avec sourdines, il se dissout dans le registre grave. Ne subsistent plus, finalement, que violoncelles et contrebasses, sur un ostinato mourant évoquant la pulsation cardiaque d’un grand cœur s’arrêtant de battre.
Auteur : Bruno Guilois