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James Newton (1953-)
Musicien complet et hors mode, James Newton est tout à la fois l’un des rares jazzmen à s’exprimer exclusivement à la flûte, un compositeur réputé, un pédagogue de longue date et l’instigateur de projets musicaux nombreux et éclectiques ignorant des frontières entre les genres. Excellant dans le travail de l’arrangement, auteur de compositions qui s’inscrivent aussi bien dans la tradition savante occidentale que dans celle du jazz dans toute son étendue, il a écrit un nombre important de pièces qui vont d’œuvres pour flûte seule jusqu’à la symphonie en passant par des musiques de ballet et des orchestrations pour formation de jazz.
Le choix de la flûte
Né le 1er mai 1953 à Los Angeles (Californie), James Newton fréquente l’église baptiste et apprend hymnes et spirituals. Adolescent, il joue de la basse électrique dans un groupe de rhythm’n’blues, puis dans un trio influencé par Jimi Hendrix. Il s’intéresse ensuite au saxophone alto, à la clarinette basse et à la flûte, instrument dont il étudie intensivement la littérature classique et pour lequel il bénéficie des conseils de Buddy Collette, ancien compagnon de Mingus (élève et professeur se retrouveront sur disque en 1988). Influencé par Eric Dolphy et Roland Kirk à l’origine, il développe une technique irréprochable qu’il enrichira, tout au long de sa carrière, d’effets empruntés aux musiques ethniques et au champ contemporain.
Fréquentant le Pomona College au début des années 1970 à Los Angeles, il y fait la connaissance de David Murray et, sous l’influence de Stanley Crouch, découvre non seulement les musiciens rattachés à l’avant-garde qui gravitent autour de lui (Bobby Bradford, Arthur Blythe, John Carter, etc.) mais aussi l’histoire du jazz dans sa totalité, de Jelly Roll Morton à Miles Davis. L’influence d’Ornette Coleman est alors prépondérante sur ses conceptions musicales. À 22 ans, il décide de se consacrer exclusivement à la flûte (il fait don de sa clarinette basse à David Murray) qu’il étudie à la California State University (1975-1977). Il travaille des transcriptions des solos d’Eric Dolphy. C’est en duo sur cet instrument qu’avec Murray il se rend en Europe ; il enregistre son premier album, Flute Music. S’installant à New York en 1978, il entame une association fertile avec le pianiste et compositeur Anthony Davis (sur l’album Crystal Textes) qui se prolongera pendant plusieurs années. Il crée un quintet à vent à l’instrumentation originale (flûte, clarinette, basson, hautbois et tuba) et évolue parmi les musiciens de la Loft Generation, enregistrant en abondance dans une période de créativité collective intense.
À la découverte des musiques extra-européennes
De retour sur la Côte Ouest en 1982, il enseigne au California Institute of Arts de Valencia tout en continuant de mener une carrière très active dont le champ d’expression va s’élargissant : il fonde un trio avec un joueur de koto japonais, travaille avec le violoncelliste Abdul Wadud, crée un quartet avec le flûtiste Frank Wess et compose abondamment pour des configurations instrumentales souvent inusitées. En 1985, il consacre un album à une relecture originale du répertoire de Duke Ellington (The African Flower). S’ouvrant à l’influence des musiques extra-européennes, il collabore avec le pianiste d’origine chinoise Jon Jang (African-Asian Sextet, Pan-Asian Arkestra), puis enregistre en duo avec un spécialiste du erhu, violon traditionnel chinois à deux cordes. Il accompagne David Murray en Guadeloupe à la découverte de la tradition créole (1997). Avec le saxophoniste Kadri Gopalnath, il s’intéresse à la fusion du jazz et de la musique classique indienne (1999). En 2000, il dialogue avec le flûtiste Peul, Yacouba Moumouni à la Cité de la musique à Paris et au Niger. Plusieurs enregistrements en solo reflètent sa maîtrise éblouissante des nombreux effets et procédés qui à la flûte servent son propos et élargissent considérablement la variété de son expression : chant simultané, multiphoniques, percussions des clés, micro-intervalles, glissando, circulation circulaire, etc. Il est l’auteur d’un ouvrage sur le sujet publié en 1990. En 1997, il réunit un quartet de flûtistes comprenant Henry Threadgill. Parallèlement, son œuvre de compositeur témoigne d’un bel éclectisme, allant du répertoire de chambre à des pièces pour chœur dont le jazz n’est qu’une composante parmi beaucoup d’autres. Outre ses activités pédagogiques à la University of California, James Newton est depuis 2001, directeur artistique du Luckman Jazz Orchestra basé à Los Angeles, qui célèbre, entre autres, la mémoire de trois musiciens à avoir considérablement marqué le flûtiste : Eric Dolphy, Charles Mingus et Duke Ellington.
Auteur : Vincent Bessières