Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : juillet 2005)
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Laurent de Wilde (1960-)
La carrière de Laurent de Wilde s’est longtemps partagée entre les États-Unis et la France, avant de prendre une tournure esthétique très différente. Un temps considéré comme l’un des pianistes les plus prometteurs, très ancré dans la tradition du trio et accompagnateur prisé pour son sens mélodique, il a radicalement réorienté sa musique au bout d’une décennie de carrière, en s’intéressant aux sonorités issus des musiques électroniques, aux possibilités de la programmation, tout en adoptant synthétiseurs et boîtes d’effets.
Premiers enregistrements aux États-Unis
Né le 19 décembre 1960 à Washington de parents français, Laurent de Wilde (qui a grandi en France à partir de l’âge de quatre ans) a d’abord suivi le chemin d’un élève brillant qui intègre en 1981 l’École normale supérieure, section philosophie. Mais l’attrait de la musique est plus fort et dès cette époque, le pianiste envisage son avenir sous le sceau du jazz. Une bourse d’étude lui permet de faire un séjour à New York l’année suivante, où il est étudiant sur le campus de Brooklyn de la Long Island University. Il s’y lie d’amitié avec son confrère Joey Calderazzo. Six mois après son arrivée, à l’expiration de sa bourse, il décide de s’installer aux États-Unis. Bénéficiant des conseils et encouragements de ses aînés, Jim McNeely, Mulgrew Miller ou Kirk Lightsey, il connaît ses premiers engagements professionnels d’importance auprès de Reggie Workman, Ralph Moore, Junior Cook et, principalement, le trompettiste Eddie Henderson avec lequel il nous une relation de confiance durable. En 1987, le pianiste réalise, en compagnie de musiciens américains, le premier d’une série de quatre disques pour la label Ida Records, tous salués pour leur qualité : Off the Boat, avec Eddie Henderson et Ralph Moore ; Odd and Blue avec Ira Coleman à la contrebasse et Jack DeJohnette à la batterie (1989) ; Colors of Manhattan en quartet (1990) et Open Changes en trio (1992).
Retour en France
À son retour en France et à la parution du dernier des quatre albums, le talent de Laurent de Wilde est reconnu par l’académie du Jazz qui lui attribue le prix Django-Reinhardt, récompensant le « musicien de l’année ». Sa carrière en France se partage entre l’accompagnement de solistes de passage (Joshua Redman, Harold Land, Tom Harrell…) et un travail plus régulier auprès de quelques figures majeures de l’Hexagone (Barney Wilen, Dee Dee Bridgewater, Aldo Romano, André Ceccarelli…) sans oublier son propre parcours en leader jalonné par la parution des albums The Back Burner (1995) et Spoon-a-Rhythm. Entre standards et compositions personnelles, il confirme son sens de la construction, des développements spontanés et du phrasé. En 1996, toutefois, il dévoile un autre talent à l’occasion de la parution d’un essai biographique sur Thelonious Monk, qui rencontre un succès immédiat et sera traduit et publié aux États-Unis.
Nouvelle orientation
À partir de 1997, Laurent de Wilde opère une remise en cause de sa pratique et donne une orientation nouvelle à sa musique. S’intéressant à des groupes underground (Cosmik Connection, Smadj) qui évoluent à la confluence de la techno, du jazz, de la funk, il découvre les musiques électroniques, écoute les productions de Amon Tobin, Aphex Twin et Roni Size, et s’intéresse à l’exploitation des nouvelles technologies. Transitant par le Fender Rhodes, il s’initie à l’usage des synthétiseurs et autres claviers électriques ainsi qu’à la programmation musicale, persuadé que le caractère acoustique du jazz est désormais obsolète. Il en résulte une série d’albums en rupture avec les précédents qui s’éloignent de plus en plus de la tradition : Time 4 Change (2000), Stories (2003) et Organics (2004). Le pianiste disparaît derrière « L2W », l’organisateur sonore qui pilote un ordinateur en même temps qu’il manipule boucles et sampleurs numériques. Le groupe s’amplifie, se branche sur effets, accueille un DJ et apparaît sur scène devant un public rajeuni plus habitué à la trip-hop et à la jungle qu’au swing d’un trio acoustique. En 2004, cependant, Laurent de Wilde se produit et enregistre de nouveau dans un contexte traditionnel avec son ancien mentor Eddie Henderson et apparaît sur l’album Carte blanche du batteur André Ceccarelli. L’amorce d’un retour à d’anciennes amours.