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Ludwig van, « Hommage à Beethoven » Mauricio Kagel
Carte d’identité de l’œuvre : Ludwig van, « Hommage à Beethoven » de Mauricio Kagel |
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Genre | musique de film |
Composition | en 1969-1970 |
Première du film | le 28 mai 1970 à Vienne |
Instrumentation | effectif au choix |
Kagel et l’objet cinématographique
Mauricio Kagel se lance dans la réalisation d’objets cinématographiques dès 1970. Avec le film Ludwig van, Kagel célèbre cette année-là le bicentenaire de la naissance de Beethoven1770-1827. Ce film est constitué d’une série de scènes, sans connexion entre elles. Au début, grâce à une vue subjective, le spectateur est à la place d’un Beethoven quasiment sourd. Ainsi, l’une des séquences consiste en un voyage dans le bureau présumé de Beethoven, où chaque meuble et accessoire est recouvert de partitions. Lors d’une autre séquence dans une salle de bain, on découvre des bustes de Beethoven remplissant la baignoire… Les autres scènes du film prennent justement l’image de Beethoven pour mieux la détourner, la désacraliser, la relativiser. Alors que Beethoven est un compositeur intouchable en Allemagne, Mauricio Kagel impose sa vision du patrimoine musical qui est aussi le sien.
Du film à l’œuvre musicale
La partition de l’œuvre Ludwig van, « Hommage à Beethoven » est extraite du film : chaque page est faite de gros plans sur les murs et les objets de la « chambre de musique » de Beethoven, recouverts de partitions : Pour cette composition, le point de départ d’une telle objectivation des collages musicaux était une séquence dans laquelle la caméra – suppléant les yeux de Beethoven-spectateur – feuillette la chambre avec une extrême lenteur. Le montage muet de cette séquence fut projeté à un orchestre de seize musiciens qui avaient pour tâche d’interpréter la partition "cinétique".
(Mauricio Kagel)
Ludwig van est une partition qui montre que la musique du passé peut être interprétée au présent, et non uniquement dans une recherche d’authenticité, comme le réclament les jeunes interprètes depuis les années 1970 autour des répertoires baroques et classiques principalement : La musique du passé est plus proche de nous dans la mesure où nous l’interprétons d’une façon différente !
(Mauricio Kagel) . Constituée de bribes d’œuvres de Beethoven, dans des collages en juxtaposition ou superposition, Ludwig van laisse la part belle aux exécutants : comme dans la majorité des œuvres de Mauricio Kagel, l’interprète est au centre de la partition. C’est sa manière de lire et de s’approprier les consignes du compositeur qui détermine à la fois la durée, la densité et l’articulation de chaque événement sonore beethovénien lors de l’exécution de Ludwig van.
Promenade dans la tête de Beethoven
Mauricio Kagel explique sa démarche de la façon suivante : L’idéal serait d’interpréter Beethoven comme il entendait, c’est-à-dire "mal". C’est ce que j’ai essayé de composer dans mon film Ludwig van. L’idée de base était de réorchestrer sa musique de façon à ce que certaines régions sonores et certaines fréquences qu’un sourd perçoit à peine, ou encore de manière déformée, soient conséquemment traitées.
Ludwig van n’est pas un hommage à Beethoven, mais un hommage de Beethoven : nous sommes invités par Mauricio Kagel à entrer dans l’intimité du compositeur allemand, comme nous pénétrons dans sa demeure à Vienne dans le film.
Auteur : Clément Lebrun