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Le zeybek de Turquie
Une danse rituelle
L’Ouest anatolien est généralement réputé pour des danses d’homme seul dont la forme cyclique présente des figures complexes semblant figurer l’exploit. Elles sont toutes construites sur des cycles mélodiques à 9 temps lents groupés 3+2+2+2, ou plus rapides, groupés 2+2+2+3. Ces danses sont nommées zeybek et, dans les fêtes de mariage, elles sont parfois chorégraphiées par deux, quatre hommes ou davantage, évoluant en cercle, dans le sens contraire au soleil.
Dans les régions d’Izmir, d’Aydin, et jusqu’aux contreforts du Taurus, ces danses connaissent également une grande fortune dans le cadre de groupes folkloriques associatifs, tout comme dans les collèges et lycées, où l’on forme des « équipes de zeybek ». Le président Mustafa Kemal Atatürk a même songé en faire la danse nationale de la Turquie républicaine.
La danse de zeybek est vécue avec un état d’esprit particulier, non sans théâtralité ; elle est ritualisée. On a pu voir ainsi s’affronter deux « théories » du zeybek chez les folkloristes de Turquie : soit cette danse était rapportée à des origines centre-asiatiques et chamanistes, soit elle était la rémanence d’un culte initiatique apollinien.
Bandits d'honneur
Un Zeybek, c’est tout d’abord un homme, appelé aussi Efe, un « bandit d’honneur » vivant dans les régions montagneuses de l’Ouest anatolien. Les voyageurs qui traversaient les montagnes devaient se faire assister d’un ou plusieurs Zeybek, contre les dangers que font encourir les autres « bandits », ceux de grands chemins... Il existe ainsi une sorte de biographie-type du zeybek, jeune homme qui pour l’amour ou l’honneur d’une femme, pour la défense des paysans contre les abus des aghasLe terme agha signifie « seigneur », c'est-à-dire un riche propriétaire terrien. ou tout autre noble motif, commet un crime. Puis il prend le maquis, entraînant avec lui des partisans ou des compagnons, avec qui il vivra dans une résistance justicière contre les autorités. Il s’agit bien des mêmes personnages que les Haïdouks roumains (du turc haydut « bandit »), Robin des Bois, etc. Ces zeybeks ont pu être également employés comme mercenaires. Ils ont disparu après la seconde guerre mondiale – époque où la situation des campagnes anatoliennes finit d’être normalisée et policée.
Outsiders
Zeybek, en tant que danse, représente un état d’esprit fait de bravoure, de posture virile, c’est aussi une certaine allure de la démarche. Une des situations où cette danse est vécue comme la plus authentique est la réunion d’amis, à l’écart, éventuellement dans la montagne, bien arrosée de raki et où chacun, à tour de rôle, danse son zeybek, solitaire. Cette danse prend alors, dit-on, sa vraie valeur : c’est en effet une danse d’outsider, dont l’esprit associe étroitement la grandeur de l’exploit viril et guerrier à la fragilité de l’homme ivre. Les zeybek étaient également célèbres dans les milieux du rebetikoLe rebetiko est une musique urbaine des années 1920-1930, jouée à Salonique et Athènes, par les populations grecques originaires d'Asie Mineure. Très imprégnée de la nostalgie de l'Orient perdu et du contexte sociologique, cette musique est une sorte de « blues » oriental, héritier des derniers feux de la musique populaire urbaine de l'empire ottoman finissant., chez les Grecs originaires d’Asie Mineure.
Auteur : Jérôme Cler