Auteure : Marie Zalczer
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Hector Berlioz (1803-1869)
N’est pas un enfant prodige…
Son père en a décidé ainsi : Hector Berlioz sera médecin. Parallèlement à ses études classiques, le jeune garçon apprend la musique – chant et flûte. Doué, il compose ses premières partitions à douze ans, puis reçoit en cadeau une flûte, un flageolet et une guitare. Le baccalauréat en poche, il est inscrit en faculté de médecine à Paris. Mais l’appel de la musique est plus fort : contre la volonté de ses parents, Berlioz quitte la faculté et poursuit ardemment ses études musicales avec Jean-François Lesueur et Anton Reicha. Berlioz fait feu de tout bois, passe ses soirées à l’Opéra où il découvre de nombreux compositeurs – Gluck et Weber notamment, qui auront une influence déterminante sur son œuvre – et montre dès 1824, avec des œuvres chorales et symphoniquessa Messe solennelle notamment, une écriture musicale remarquable d’invention sonore et d’originalité. Cela explique certainement ses échecs répétés au concours du prix de Romeconcours de composition offrant au lauréat la possibilité d’aller étudier à la Villa Médicis, Académie de France à Rome où il déconcerte le jury, mais qu’il finira par obtenir en 1830.
Une rencontre et une œuvre déterminantes
Berlioz découvre le Faust de Goethe qui lui inspire en 1828 les Huit Scènes de Faust. La même année, il entend deux symphonies de Beethoven qui lui font forte impression. Mais plus important encore : lors d’une représentation d’Hamlet de Shakespeare au théâtre de l’Odéon par une troupe britannique, Berlioz tombe passionnément amoureux d’Ophélie, incarnée par l’actrice irlandaise Harriet Smithson. Il n’ose l’approcher, se contentant de lui écrire des mots enflammés, sans réponse. Son amour fantasmé et torturé, caractéristique de son tempérament, lui inspire le programme de son chef-d’œuvre absolu de 1830, la Symphonie fantastique op. 14 , qui inaugure la musique à programme et provoque autant l’admiration de quelques-uns – dont Liszt qui transcrira l’œuvre pour piano seul – que l’incompréhension de tous les autres. Lauréat du grand prix de Rome avec sa cantate Sardanapale, Berlioz part pour la Villa Médicis à Rome. Son voyage lui inspire Lélio ou le Retour à la vie, conçu comme un complément de la Symphonie fantastique, Le Roi Lear, et surtout Harold en Italie, pour alto et orchestre, que le virtuose Paganini lui a commandé. À son retour, il épouse Harriet Smithson.
Une décade intensément créatrice
Berlioz poursuit dans les années suivantes sa double carrière de compositeur et de critique musical. Si ses partitions reçoivent la reconnaissance de l’intelligentsia musicale – Liszt, Wagner et Paganini en tête, ce dernier le voyant comme la réincarnation de Beethoven –, le public parisien rejette son opéra Benvenuto Cellini. Malgré l’opposition de Cherubini, son Requiem à l’effectif mégalomane a plus de chance, tout comme Roméo et Juliette pour voix, chœur et orchestre. Mais c’est grâce à son emploi de conservateur-adjoint à la bibliothèque du conservatoire et à ses critiques pour Le Journal des débats qu’Hector et Harriet parviennent à vivre correctement.
Voyages en Europe
Le manque de reconnaissance dont souffre Berlioz le pousse à entamer une nouvelle carrière : sitôt le cycle de mélodies Les Nuits d’été sur des poèmes de Théophile Gautier terminé, Berlioz débute en tant que chef d’orchestre une série de tournées où il dirige ses propres œuvres : en Belgique, Allemagneoù il rencontre Mendelssohn, Schumann, Wagner, Autriche, Hongrie, Russierencontre importante avec Glinka. Partout, il reçoit l’estime du public, mais Paris continue de lui résister. Seul son Grand Traité d’instrumentation et d’orchestration modernes de 1844, révolutionnaire dans la connaissance et l’approche des instruments de l’orchestre et témoignant de l’originalité et de la maîtrise de l’écriture orchestrale de Berlioz, est perçu rapidement comme une référence incontournable par tous les compositeurs. Inventeur de l’orchestre moderne, Berlioz fera école partout en Europe. Mais La Damnation de Faust, dans laquelle seront intégrées les Huit Scènes de Faust remaniées, est un nouvel échec lyrique.
Une reconnaissance tardive
Benvenuto Cellini est produit avec succès à Weimar, grâce à Franz Liszt. Puis Béatrice et Bénédict, créé à Baden-Baden, comble la critique, tout comme Les Troyens, un monumental grand opéra en cinq actes tiré de l’Énéide de Virgile : Berlioz a enfin conquis Paris ! Surtout, lui qui dans toutes ses œuvres propose les conflits intérieurs en un constant souci dramatique, voilà qu’il réussit enfin au théâtre. À soixante ans, Berlioz est néanmoins plus estimé que célébré. Marqué par la disparition de proches – son père, Marie Recio, son fils, etc. –, et malgré quelques voyages à succès, il décline peu à peu. Il meurt le 8 mars 1869. Conscient que sa personnalité excessive et contradictoire avait directement participé à ses revers de fortune, que ses propositions sonores – originales car peu marquées par l’académisme – ne pouvaient aboutir avec les moyens de son époque, et sûr que les générations futures seraient à même de comprendre son message musical, Berlioz aurait déclaré sur son lit de mort : Enfin, on va jouer ma musique.