Charles Spencer Chaplin, dit Charlie Chaplin, est né le 16 avril 1889 dans le sud de Londres et grandit à Kennington, dans le boroughsubdivision administrative de Londres de Lambeth. Suite à la séparation de ses parents alors qu’il est encore très jeune, il vit d’abord auprès de sa mère qui souffre de psychose (probablement provoquée par la malnutrition et la syphilis), puis demeure quelque temps avec son père avant que celui-ci, alcoolique, ne décède prématurément. En dépit de cette grande misère sociale, les parents de Chaplin, tous deux artistes de music-hall, ont légué à leur fils un héritage considérable, décisif pour la suite de son extraordinaire existence. Le jeune garçon est en effet bercé toute son enfance dans l’univers du spectacle et fait sa première apparition sur scène à l’âge de 5 ans pour remplacer sa mère. Celle-ci l’encourage dans cette voie et, en imitant les passants à la fenêtre, lui apprend à observer les gens. À l’âge de 10 ans, Chaplin se produit dans les music-halls britanniques avec une troupe de danseurs, grâce aux relations de son père. Enfin, en 1908, grâce à son frère SydneySydney est le demi-frère de Chaplin, né en 1885 de père inconnu., il intègre la troupe du célèbre comique Fred Karno au sein de laquelle il fait ses armes dans le burlesque. Sydney devient par la suite son agent artistique.
Les Feux de la rampe (1952), film largement autobiographique, fait référence à l’enfance de Chaplin et à ses parents.
Influences et processus de création
Le théâtre
Chaplin vient du monde du théâtre (dès ses débuts en 1903, les critiques soulignent son pouvoir comique) et du music-hall. Ses années passées dans la compagnie de Fred Karno ont un effet formateur sur sa carrière d’acteur et de réalisateur. Il y développe le jeu burlesque, apprend l’art de l’absurde et l’association du tragique à la comédie. Tous ces éléments seront caractéristiques de sa filmographie.
Le phénomène Chaplin/Charlot
Au début de sa carrière, l’apparence frêle et timide de Chaplin le dessert, ce qu’il compense largement avec ses performances. Dès son deuxième court-métrage (L’Étrange Aventure de Mabel)Mabel's Strange Predicament en version originale. En réalité, le public découvre le personnage de Charlot dans le film Charlot est content de lui (Kid Auto Races at Venice, Cal.), sorti en salles deux jours avant mais tourné juste après., il adopte le costume de Charloten anglais the Tramp, qui signifie « vagabond », avec lequel il se fait connaître.
Je voulais que tout soit une contradiction : le pantalon ample, la veste étriquée, le chapeau étroit et les chaussures larges… J’ai ajouté une petite moustache qui, selon moi, me vieillirait sans affecter mon expression. Je n’avais aucune idée du personnage mais dès que je fus habillé, les vêtements et le maquillage me firent sentir qui il était. J’ai commencé à le connaître et quand je suis entré sur le plateau, il était entièrement né.
Dès lors, la « chaplinite » se propage en Amérique (produits associés, chansons, bandes dessinées…), grâce aux attributs constants de son personnage (costume, chapeau, canne, moustache). Il devient, et reste encore aujourd’hui, par sa force iconique et son indéniable génie, une figure tutélaire de la culture mondiale. Chaplin est bien entendu indissociable de Charlot, si bien que, lorsque le personnage n’apparaît pas dans un film du réalisateur, par exemple dans L’Opinion publique (1923), celui-ci est un échec.
La réalisation
Un peu comme un magicien, Chaplin s’est très peu livré sur ses techniques de réalisation. On rapporte qu’il ne commençait jamais un tournage avec un scénario achevé. À la manière de la commedia dell’ arte, il commence avec quelques idées de départ et improvise avec ses acteurs des effets comiques tout au long du tournage, en affinant progressivement le scénario. À ses débuts, il enchaîne les courts-métrages (il en réalise plus d’une quinzaine rien qu’au cours de l’année 1914), mais son perfectionnisme le pousse à ralentir le rythme progressivement afin de soigner davantage la construction de ses films, en particulier l’intrigue et la réalisation.
Le comique
Les effets comiques sont soigneusement travaillés : le comique de situation est centré non pas sur l’action en elle-même mais sur l’attitude de Charlot face à ce qui lui arrive. Le comique de geste, même s’il emprunte chutes et coups de bâton burlesques (slapstick) à la commedia dell’ arte, peut se révéler gracieux, subtil, comportant souvent une dimension chorégraphique.
Le désir d’indépendance
Dès le début de sa carrière, Charlie Chaplin souhaite contrôler le plus possible le processus de fabrication de ses films. Ce désir d’indépendance se traduit tout d’abord par la polyvalence de Chaplin quant aux métiers du cinéma : à l’image de Molière qui, dans le domaine du théâtre, cumulait les rôles d’auteur, acteur et metteur en scène, Chaplin est très vite à la fois scénariste, acteur, réalisateur et producteur. Cela le conduit également, après avoir travaillé pour différents studios, à fonder avec des collègues (parmi lesquels Douglas FairbanksSurnommé « the King of Hollywood », Douglas Fairbanks est un célèbre acteur de films de cape et d’épée muets.) sa propre société de distribution, United Artists, en janvier 1919. Il peut ainsi financer personnellement ses œuvres et avoir un contrôle total sur elles.
Focus sur La Ruée vers l’or (1925)
Ce film doit être une épopée. Quelque chose de très grand ! (Charlie Chaplin, Histoire de ma vie, 1964)
Premier film comique diffusé par sa compagnie United Artists, La Ruée vers l’or devient à sa sortie la comédie la plus longue et la plus coûteuse de l’ère du cinéma muet. Le film a pour cadre les grandes expéditions des chercheurs d’or dans le Klondike à la fin du XIXe siècle, en particulier l’expédition Donner, dont Chaplin a lu le récit. Charlot y incarne un prospecteur solitaire confronté à la rudesse du climat et des gens qui l’entourent. Ce film comporte des scènes d’anthologie, dont le repas du godillot et la danse des petits pains. La première est une parfaite illustration de la transposition comique, maîtrisée à merveille par Chaplin, qui donne l’illusion de se régaler avec les clous et les lacets de sa chaussure. Le film fut un grand succès ; on raconte qu’à l’occasion de la première à Berlin, le projectionniste fut sommé par la salle de rembobiner la scène de la danse des petits pains pour un bis immédiat !
Au moment de l’avènement du cinéma parlant (1927), Chaplin refuse de renoncer à ce qui, jusque-là, a fait sa réussite. Persuadé que faire parler Charlot priverait celui-ci de son universalité, il tourne un nouveau long-métrage muet, Les Lumières de la ville, qui remporte une fois de plus l’adhésion enthousiaste des spectateurs. Malgré l’absence de dialogues, c’est néanmoins le premier film sonore de Chaplin qui en compose la musique et utilise des effets sonores.
Focus sur Les Lumières de la ville (1931)
Ce film est une comédie lyrique dans laquelle le personnage de Charlot s’imprègne d’une dimension romantique : il s’éprend d’une jeune fleuriste aveugle qui le confond avec un milliardaire. Charlot cherche alors des moyens de gagner de l’argent afin de financer l’opération qui fera recouvrer la vue à la jeune femme. On peut de nouveau citer deux scènes d’anthologie du cinéma de Chaplin : l’ouverture, lorsqu’on dévoile une statue et que l’on découvre Charlot endormi sur ses genoux ; la seconde, magnifique scène finale dans laquelle la fleuriste, qui voit à présent, reconnaît Charlot en lui touchant la main. Le tournage de ce film a été long et houleux : scène de la première rencontre tournée plus de 400 fois, conflits avec les acteurs dont certains ont été remerciés… En revanche, le résultat est un succès aux États-Unis, puis dans le monde entier. Chaplin effectue dans ce cadre une tournée d’un an et quatre mois, au cours de laquelle il rencontre Winston Churchill, H.G. Wells, Albert Einstein, le Prince de Galles et Gandhi.
Il est intéressant de souligner que, si Chaplin prit la – bonne - décision de persister dans le cinéma muet, ce ne fut pas le cas de ses pairs : en passant au parlant, Buster Keaton et Harold Lloyd mirent fin à leur période de succès.
Une vie privée houleuse
La vie privée de Chaplin est émaillée de frasques, indissociables de sa création artistique : relations récurrentes avec de très jeunes actrices, éphémères mariages, accusations et démêlés avec la justice. Ce pan de sa vie trouve des échos dans sa production cinématographique à l’image du film Le Kid (1921) qui, bien qu’inspiré par l’enfance de Chaplin, fait également référence à la paternité à laquelle il a été confronté – furtivement car l’enfant n’a pas survécu. Chaplin a cependant formé un couple éphémère mais heureux avec l’actrice Paulette Goddard (qui a joué dans bon nombre de ses films), avant de rencontrer en 1943 Oona O’Neill avec laquelle il fonde une famille et passe le reste de sa vie.
L’engagement politique
Par l’intermédiaire du cinéma, mais parfois plus directement, Charlie Chaplin prend politiquement position à différents moments-clés de l’histoire. Pour commencer, bien que critiqué par la presse britannique pour ne pas avoir participé à la première guerre mondiale, il prend part à l’effort de guerre et entreprend une tournée pour lever des fonds. Il produit également un court-métrage de propagande pour le gouvernement américain et se met en scène dans les tranchées, quelques semaines avant l’armistice, dans Charlot soldat (1918). Quelques années plus tard aux États-Unis, le capitalisme et l’avènement des machines dans l’industrie suscitent des craintes chez Chaplin, craintes qui sont l’élément déclencheur d’un de ses long-métrages les plus célèbres, Les Temps modernes (1936), satire de certaines situations de notre vie industrielle selon son réalisateur. Il reçoit un accueil mitigé de la critique, qui désapprouve son message politique.
Focus sur Les Temps modernes (1936)
Dans ce long-métrage, dernière apparition du personnage de Charlot à l’écran, Chaplin s’inspire de l’actualité économique et sociale. Déjà en 1923, il avait pu visiter l’usine fortement mécanisée de Ford à Detroit. Puis, durant le tour du monde qu’il effectue après la sortie des Lumières de la ville, le réalisateur a l’occasion d’observer les conséquences de la crise et décide, dans son nouveau film, de traiter des sujets aussi graves que les grèves, les émeutes, le chômage, la pauvreté et la tyrannie de la machine. Tentant de survivre dans un monde sur-industrialisé, Charlot est employé sur une chaîne de montage et tombe en dépression nerveuse. Devenu chômeur, il est accusé, sur un malentendu, d’avoir pris la tête d’une manifestation communiste et est emprisonné. Il sort de sa geôle, là encore sur un malentendu, et rencontre alors la Gamine (interprétée par Paulette Goddard, alors compagne de Chaplin). Tous deux vont encore connaître des difficultés, sans cesser de croire à une vie meilleure vers laquelle ils marchent désormais ensemble. Ce film comporte de nombreuses scènes ayant marqué l’histoire du cinéma : le parallèle entre le troupeau de moutons et les ouvriers sortant de l’usine, la perte de contrôle de Charlot sur la chaîne de montage, la chanson en charabia au restaurant (première fois que l’on entend la voix de Chaplin au cinéma), et la scène finale où Charlot et la Gamine marchent main dans la main vers l’horizon.
Les séjours de Chaplin à l’étranger (Europe de l’Ouest, Japon) éveillent également en lui un intérêt pour les questions internationales. Il écrit d’ailleurs un roman-feuilleton sur ses voyages dans l’idée d’en faire un film. Les tensions politiques, ainsi que la montée des mouvements nationalistes en Europe dans les années 1930, lui inspirent Le Dictateur (1940) dans lequel le réalisateur fait le choix du parlant afin de livrer un message politique clair. Jugé là encore politiquement incorrect, le film est nommé aux Oscars, mais ne remporte aucune statuette.
Focus sur Le Dictateur (1940)
Premier film parlant de Chaplin, Le Dictateur fait explicitement référence au régime nazi et à son dirigeant Adolf Hitler, dont la ressemblance physique avec Chaplin est troublante. Ce dernier y incarne tout à la fois le dictateur allemand, nommé ici Adenoïd Hynkel, et un barbier juif, sosie de Hynkel. Chaplin commence le tournage au moment où la seconde guerre mondiale vient d’éclater. À la fin du film, dans une scène d’anthologie, le barbier juif, confondu avec le dictateur, se retrouve propulsé sur une estrade sur laquelle il improvise un discours de 6 minutes contenant toutes les convictions politiques de Chaplin. Une autre séquence célèbre de l’histoire du cinéma est la danse de Hynkel avec le globe terrestre dans son bureau.
Dans l’ensemble de ses films, à travers le personnage de Charlot, Chaplin s’engage politiquement en se faisant le représentant des défavorisés. En effet, Charlot est souvent contraint à faire des efforts dans une société qui lui est hostile, et s’oppose de façon récurrente aux figures de l’autorité.
Sa relation conflictuelle avec les États-Unis
Chaplin découvre les États-Unis lors d’une tournée de la troupe comique de Fred Karno. C’est à cette occasion qu’il est remarqué par les studios Keystone, point de départ d’une carrière cinématographique quasi-exclusivement américaine. Mais 40 ans plus tard, en réaction à ses convictions politiques évoquées plus haut, le FBI tente de le déstabiliser, tout d’abord par une inculpation dans une affaire de mœurs, puis par des accusations de communisme : Sa vie à Hollywood est nuisible au tissu moral des États-Unis, s’il est expulsé, ses films répugnants pourront être gardés à l’écart des yeux de la jeunesse américaine. Nous devons l’expulser et nous en débarrasser une bonne fois pour toute. (propos tenus par un représentant au Congrès en 1947). En 1952, Chaplin quitte les États-Unis pour assister à Londres à la première du film Les Feux de la rampe. Sur le paquebot qui l’emmène, il reçoit un message l’informant de la révocation de son visa de retour. Chaplin reste alors en Europe, rompant ses liens avec l’Amérique : il vend ses parts de United Artists en 1955 et sa femme prend la nationalité britannique. De cette histoire résulte le film Un roi à New York (1954). À partir des années 1960, l’hostilité des Américains à l’égard du réalisateur s’efface petit à petit au profit d’un regain d’intérêt pour ses films.
La fin de carrière de Chaplin est marquée tout d’abord par une reconnaissance généralisée, en particulier institutionnelle (il reçoit un doctorat honorifique en Lettres des universités d’Oxford et de Durham). À New York est organisée en 1963 une rétrospective de ses films, contenant entre autres Monsieur Verdoux, qui cette fois reçoit un accueil critique positifMonsieur Verdoux est une comédie noire dans laquelle Chaplin joue un personnage inspiré du tueur français Landru. Le réalisateur y critique le capitalisme, et le film est un échec à sa sortie aux États-Unis en 1947.. En 1964, l’artiste publie ses Mémoires, intitulés Histoire de ma vie, sur lesquels il travaillait depuis de nombreuses années et qui contiennent de nombreux éléments sur sa vie privée. Les critiques déploreront cependant le peu de contenu à propos de sa carrière cinématographique. Chaplin démarre juste après cette publication le tournage de ce qui sera son dernier film, La Comtesse de Hong-Kong (1967), comédie romantique avec Sophia Loren et Marlon Brando. Ce long-métrage, bien différent des précédents par de nombreux aspects (dont le tout petit rôle à l’écran de Chaplin), fut un échec critique et commercial. Mais Chaplin n’en continuera pas moins de travailler : je veux consacrer les dernières années de ma vie à la création, dit-il à cette époque. Entre 1968 et 1976, il compose la musique pour les ressorties de The Circus, The Kid, The Idle Class, Pay Day, A Day’s Pleasure, ou encore Sunnyside et A Woman of Paris, et met énormément d’énergie sur le projet The Freak, film inachevé. En 1974, il publie le livre My Life in Pictures. À bien des égards, Chaplin ressemblait à Charlot le Vagabond, dira son ami Jerry Epstein : comme lui, il refusait de s’avouer vaincu et, comme lui, il nourrissait l’espoir que le lendemain serait un jour meilleur.
Quelques dates-clés
16 avril 1889 : naissance de Charles Spencer Chaplin.
1908 : intègre la troupe comique de Fred Karno avec laquelle il partira en tournées aux États-Unis.
1913 : signe un contrat avec la Keystone Company.
1914 : premiers courts-métrages dont L’Étrange Aventure de Mabel dans lequel il crée pour la première fois le personnage de Charlot. Premiers pas de Chaplin en tant que réalisateur avec le court-métrage Charlot et le chronomètre.
1919 : fonde la société de distribution United Artists, avec Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith.
1921 : Le Kid
1925 : La Ruée vers l’or
1927 : débuts du cinéma parlant.
16 mai 1929 : reçoit un Oscar d’honneur lors de la 1re cérémonie des Oscars.
1931 : Les Lumières de la ville
1936 : Les Temps modernes
1940 : Le Dictateur
1943 : épouse Oona O’Neill, avec laquelle il aura huit enfants.
1947 : accusé de communisme, il fait l’objet d’une enquête par le FBI.
1952 : quitte définitivement les États-Unis (son visa sera révoqué) et s’installe en Suisse.
1972 : revient pour la première fois à Los Angeles afin de recevoir un Oscar d’honneur.
1975 : est fait chevalier par la reine Élisabeth II.
25 décembre 1977 : décède à l’âge de 88 ans.
Des pistes pédagogiques autour de ce contenu sont disponibles sur le portail de la Philharmonie de Paris.
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