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Maurice Ravel (1875-1937)
Un enfant créatif
Né le 7 mars 1875 à Ciboure, près de Saint-Jean-de-Luz, Maurice Ravel grandit à Paris où sa mère, basque, et son père, un ingénieur suisse, s’installent dès son enfance - la culture hispanique de sa mère et l’esprit minutieux et inventif de son père transparaîtront d’ailleurs dans son œuvre future. Ravel débute le piano à sept ans, sous l’œil attentif d’un père enchanté de voir l’un de ses deux fils se destiner à la musique. Ses professeurs successifs remarquent son esprit vif et créatif, particulièrement Charles-René, son professeur d’harmonie dès l’âge de douze ans. De 1889 à 1895, il suit des cours de piano et d’harmonie au Conservatoire de Paris et ses premières œuvrescomme, en 1895, une mélodie intitulée Un grand sommeil noir, le Menuet antique pour piano et la Habanera pour deux pianos révèlent déjà une personnalité originale et affirmée. Il orchestrera d’ailleurs, bien des années plus tard, l’une de ses premières compositions, la Habanera, sans en changer une seule note pour l’intégrer à sa Rapsodie espagnole (1908). Néanmoins en 1897, il choisit de continuer à suivre des cours dans la classe de composition de Gabriel Fauré ainsi que dans celle de contrepoint et fugue et d’orchestration de Gédalge.
Une carrière prometteuse
Maurice Ravel produit donc dès ses débuts des œuvres achevées au style accompli, comme la Pavane pour une infante défunte (1899), Jeux d’eau (1901) ou son Quatuor à cordes (1903), qui suscitent l’admiration de ses pairs. Un scandale éclate d’ailleurs après les échecs consécutifsIl obtient un second prix de Rome en 1901, seule récompense qu’il aura jamais. de Ravel au prix de Rome entre 1900 et 1905. Le directeur du Conservatoire de cette époque, Théodore Dubois, se voit contraint de démissionner, remplacé alors par Gabriel Fauré. Ce scandale a pour conséquence d’accroître encore la popularité du jeune Ravel. Il connaît une période de production intense de 1905 jusqu’aux débuts de la guerre. Il surprend aussi bien avec les Histoires naturelles (1906), mélodies composées sur des textes de Jules RenardMaurice Ravel à Jules Renard : Je n’ai pas l’intention d’ajouter, par ma musique, à la valeur des paroles, je peux simplement les interpréter. Je sens et je pense en musique, et je voudrais penser les mêmes choses que vous. Il y a la musique intellectuelle : d’Indy. Il y a la musique sentimentale, instinctive : la mienne.
, aussi bien qu’avec L’Heure espagnole (1907), opéra inspiré d’une comédie légère traitée à la manière d’un opéra-bouffe. Ravel abandonne le concept du chant lyrique hérité du romantisme. Il recherche une mélodie au dessin proche de l’intonation naturelle de la langue, et le texte en devient parfois plus déclamé que chanté.
D’autre part, la danse occupe une place centrale dans la production de Ravel. En 1912, la collaboration avec Diaghilev et les Ballets russes donne naissance à l’un de ses chefs-d’œuvre, Daphnis et Chloé. C’est également pour un ballet, à la demande de la danseuse Ida Rubinstein, que Ravel composera en 1928 son œuvre la plus célèbre, le Boléro.
Les sombres années de guerre
Pendant la Première Guerre mondiale, bien que réformé, Ravel tient à se faire engager. Admis dans le corps ambulancier, il part pour Verdun jusqu’à l’automne 1916. En 1917, après la mort de sa mère, qui l’affecte fortement, il reprend la composition et produit une œuvre en hommage à ses camarades disparus au front, Le Tombeau de Couperin (1917).
Une personnalité indépendante
Malgré la célébrité qui l’amène à se produire à travers l’Europe puis aux États-Unis… où il reçoit le titre de Doctor of Honoris causa de l’Université d’Oxford en 1929, Ravel se refuse à toute complaisance envers lui-même, indifférent aux institutions, toujours fidèle à ses valeurs. En 1920, alors qu’il se consacre tout entier à son poème chorégraphique, La Valse, il refuse la Légion d’honneurce qu'il justifie en empruntant ces mots à Baudelaire : Consentir à être décoré, c’est reconnaître à l’État ou au prince le droit de nous juger.
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Vers plus de solitude
Ravel recherche une tranquillité propice au travail à Montfort-l’Amaury, dans une maison baptisée le « Belvédère ». C’est là qu’il passe la plus grande partie de ses dernières années, marquées par une maladie cérébrale qui l’empêche de coucher sur papier ses derniers projets. Colette, auteur du livret au texte féérique de L'Enfant et les sortilèges (1925) qui inspira à Ravel les fantaisies musicales les plus poétiques, témoigne« Un salon en 1900 », extrait de Journal à Rebours dans Œuvres complètes, Paris, Le Fleuron, Flammarion, 1948-1950 de cette époque : Je n’ai pas eu le chagrin de voir Ravel diminuer. À Monfort-l’Amaury, sa solitude et son étrange « Belvédère » le préservaient d’une publique déchéance. Alors qu’Hélène Morhangevioloniste à qui est dédiée la Sonate pour violon et piano (1923-1927) revenait à Paris, soucieuse […] nous ne voyions pas encore beaucoup la différence entre le Ravel farouchement enfermé au sein de son travail, et le Ravel qui s’enlisait. […] La main qui oublie l’écriture musicale et les autres graphismes, la lèvre que déserte la parole, tous les efforts conscients et vains, Morhange les a vus.
Toujours lucide sur son état durant les quatre années de sa maladie, Ravel s’éteint le 28 décembre 1937 à Paris des suites d’une opération au cerveau.
Un langage audacieux et novateur
Ravel est souvent associé à Claude Debussy. Tous deux attirés par l’Orient, leurs idées musicales reflètent une même verve poétique et, comme son aîné, Ravel s’éloigne en grande partie de la tonalité par la modalitémode ancien, pentatonisme, mode andalou, etc.. Mais là où Debussy joue merveilleusement du « flou », Ravel privilégie la précision classique et la rigueur de la forme. Il manie les timbres avec brio et orchestre une grande partie de ses œuvres initialement composées pour un piano souvent virtuose. Compositeur néo-classique aux multiples influences, séduit à ses débuts par la musique de Chabrier et de Satie, inspiré depuis toujours par l’Espagne de sa mère, curieux autant des musiques du passé que de la musique de Schönberg et du jazz, Ravel s’approprie les langages et sculpte une œuvre personnelle et moderne avec la précision d’un « horloger suisse ».
« L’affaire Ravel »
Je ne conçois pas que l'on s'obstine à garder une école de Rome, si c'est pour en fermer les portes aux rares artistes qui ont en eux quelque originalité, à un homme comme Ravel qui s'est désigné aux concerts de la Société nationale par des œuvres bien autrement importantes que toutes celles qu'on peut exiger à un examen. Un tel musicien faisait honneur au concours. […] C’est le devoir de chacun de protester contre un jugement qui, même s’il est conforme à la justice littérale, blesse la justice réelle de l’art.
Lettre de Romain Rolland à Paul Léon, directeur de l’Académie des beaux-arts, mai 1905. Extrait de Maurice Ravel, Fayard, 1986, p. 162.
L’essentiel
- Né à Ciboure le 7 mars 1875 et mort le 28 décembre 1937, Ravel est l’un des plus grands compositeurs français du XXe siècle.
- Il suscite l’admiration et la polémique dès ses premières compositions et laisse une œuvre remarquable aux multiples couleurs.
- Son Boléro (1928) est l’une des œuvres les plus jouées dans le monde.
Auteure : Aurélie Loyer