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Steve Reich (1936-)
Né le 3 octobre 1936 à New York, un an après La Monte Young et Terry Riley, Steve Reich appartient à cette génération de compositeurs américains qui vont chambouler les catégories esthétiques dès les années 1960.
Il ne retiendra pas grand-chose des cours de piano de son enfance. Sa première éducation musicale provient bien plus de l’écoute de disques : les Concertos brandebourgeois de Johann Sebastian Bach, Le Sacre du printemps d’Igor Stravinski, le jazz bebop de Kenny Clarke et surtout le saxophoniste John Coltrane. À cette époque, il entame l’apprentissage des percussions, tournant décisif de son identité de compositeur.
Après un diplôme en philosophie, Steve Reich s’oriente vers la faculté de musique au Mills College de San Francisco, où il rencontre Luciano Berio. Le compositeur italien, foncièrement opposé à toute forme de dogmatisme, l’accompagnera dans sa recherche sonore personnelle. Il lui aurait dit en ce sens : si tu veux écrire de la musique tonale, pourquoi pas ?
Steve Reich accumulera alors toutes sortes d’expériences sonores et humaines qui lui permettront d’imaginer des œuvres à chaque fois nouvelles, basées sur des processus et mécanismes novateurs. De sa fréquentation du San Francisco Tape Music CenterFonfé en 1962, le San Francisco Tape Music Center est une institution culturelle dédiée au développement de la musique utilisant des bandes magnétiques., naîtront It’s gonna rain et Come out (1965-66), où le décalage de plusieurs bandes magnétiques crée des illusions acoustiques en déphasage graduel, le phasing, une technique qu’il exploitera ensuite dans la musique instrumentale (Piano Phase, Violin Phase, etc.)
À l’été 1970, il étudie les percussions africaines à l’Université du Ghana, une expérience qui alimentera Drumming (1971-72), œuvre majeure pour percussions et voix. Le langage musical de Steve Reich est alors celui d’une musique pulsée, jouant sur la répétition de courts motifs dans un vocabulaire modal, bien éloigné des préoccupations musicales européennes le plus souvent héritées des musiques sérielles germaniques (Schönberg, Webern). Cette économie de moyens revendiquée par le compositeur a mené à la constitution du vocable « minimalisme », terme associé aujourd’hui à nombre de musiciens américains (Philip Glass, John Adams, Tom Johnson, Terry Riley, etc.) et européens (Louis Andriessen).
Dans le courant des années 1970, l’étude du gamelan balinais (dont on retrouve des traces dans Music for Eighteen Musicians en 1976) comme de la cantillation des textes sacrés hébraïques (exploitée dans Tehillim en 1981) témoignent de la curiosité sans borne de Steve Reich, toujours avide d’expérimentation. En ce sens, l’œuvre documentaire Different Trains (1988) lancera toute une série de compositions basées sur des échantillons de fragments de paroles et de sons du quotidien (City Life en 1995 ; WTC 9/11 en 2011). Renouant alors avec la voix, Steve Reich compose plusieurs formes de créations multimédias, incluant voix chantée, échantillons pré-enregistrés, actions scéniques, vidéos (The Cave en 1989-93 ; Three Tales de 1998 à 2002).
Compositeur engagé, Steve Reich donne à entendre l’actualité contemporaine et passée dans ses œuvres (Three Tales et les dangers de la technologie ; les attentats du World Trade Center dans WTC 9/11 ; les déportations des juifs d’Europe dans Different Trains). Héraut d’une musique sans frontière et non clivante, il travaille régulièrement avec des artistes issus des scènes de musique actuelle tels que Radiohead et The National, signe encore une fois d’une ouverture et d’une curiosité sans borne qui ont décidé de sa place singulière et inaltérable dans le panorama de la création sonore depuis 1965.
Auteur : Clément Lebrun
(2020)