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Portrait
Philip Glass
(1937-)
Des débuts entre Occident et Orient
Philip Glass est un compositeur américain cosmopolite et populaire. Né à Baltimore le 31 janvier 1937, il grandit dans une famille de classe moyenne et va à l’école publique. Ses premières expériences musicales viennent à la fois de la pratique de la flûte et du piano, et de l’écoute des vinyles de musique classique que son père, disquaire, rapporte à la maison dans le but d’aiguiser son argumentaire de vente des disques de Schubert, Bartók, ou encore Stravinski. Il entre au lycée à Chicago, ville où il découvre le jazz, puis part étudier à New York dans la prestigieuse Juilliard School of Music. L’obtention d’une bourse lui permet de poursuivre son apprentissage dès 1964 à Paris auprès de Nadia Boulanger1887-1979, pianiste, pédagogue, cheffe d’orchestre et compositrice française. Elle a formé de grandes figures de la musique au XXe siècle, dont beaucoup d’Américains au Conservatoire américain de Fontainebleau qu’elle dirige à partir de 1949. qui lui enseigne les techniques fondamentales de la composition savante : écriture, contrepoint et analyse musicale vont rythmer deux années de labeur. Il fera également à Paris deux autres rencontres déterminantes, celle de Samuel Beckett et du théâtre en composant pour le dramaturge la musique de sa pièce Play (Music for Play, 1965), et celle de Ravi Shankar, joueur de sitar indien qu’il assiste en 1965 pour l’écriture des partitions de la musique du film Chappaqua, et avec qui il noue une amitié durable. La musique indienne et sa philosophie marqueront de leur empreinte l’œuvre du compositeur.
Minimalisme « répétitif »
De retour à New York en 1967 après quelques mois passés en Inde, Philip Glass vit de petits boulots comme plombier ou encore chauffeur de taxi. Il côtoie le compositeur Steve Reich avec qui il crée en 1968 le Philip Glass Ensemble, composé de vents (flûtes et saxophones), de claviers (piano et synthétiseur) et d’une chanteuse. Jusqu’en 1974, il développe sa propre vision du minimalisme en musique. Celle-ci est directement inspirée de la musique classique indienne, et plus précisément de la manière dont elle est structurée rythmiquement, par addition ou soustraction d’unités rythmiques de deux ou trois notes. Il ajoute à cela la répétition qui, elle, n’est jamais stricte. Music in Similar Motion, ou n’importe laquelle de mes premières œuvres, sont intéressantes en ce qu’elles ne se répètent pas. Ne pas le voir, c’est comme aller au théâtre, dormir pendant la pièce et se réveiller pendant les entractes. On rate l’essentiel.
[1] Pour comprendre cela, regardons de plus près la pièce de 1968, 1+1. Écrite pour un interprète et une table amplifiée, elle est constituée de seulement deux unités rythmiques venant s’additionner : a) et b).
Pour réaliser 1+1, le compositeur demande de combiner ces deux unités selon des progressions arithmétiques. Il propose à cet effet plusieurs exemples de combinaisons : 1) a+b a+2b a+3b a+2b a+b etc. ; 2) a+5b 2a+4b 3a+3b 4a+2b 5a+b etc. ; 3) 5b+a 5b+2a 5b+3a 5b+4a etc., à jouer dans un tempo rapide et selon une durée au choix de l’interprète.
Philip Glass poursuit ses recherches avec des pièces comme Music in Fifths (1969) basée sur l’intervalle de quinte, ou encore Music in Contrary Motion (1969) utilisant toujours le principe d’addition et de soustraction de fragments mélodiques dans un mouvement perpétuel. Cette phase expérimentale atteint son sommet avec Music in Twelve Parts (1974), expérience musicale pouvant durer de quatre à six heures, dans laquelle il emploie tous les procédés de répétition développés pour mieux s’en émanciper.
Sa période créative suivante est plus largement consacrée à l’opéra et aux œuvres orchestrales de plus grande envergure. Le succès de Einstein on the Beach (1976) est suivi de Satyagraha (1980) signifiant « étreinte de la vérité » en sanskrit et consacré à Gandhi, puis d’une dizaine d’autres opéras dont certains aux formats originaux comme 1000 Airplanes on the Roof (1988), un mélodrame créé dans un aéroport et intégrant des projections holographiques.
Un compositeur populaire
L’une des forces de Philip Glass est d’avoir exploré tous les genres musicaux. Ayant aujourd’hui vingt opéras à son actif dont le plus connu est sans nul doute Einstein on the Beach, il est le compositeur d’opéra le plus joué au monde. On lui doit aussi des œuvres de musique de chambre, onze symphonies, des concertos et des œuvres pour solistes. Le succès de ses œuvres pour piano seul, depuis l’ouverture de Glassworks (1981) jusqu’aux Études pour piano (1994-2013), va se retrouver dans la bande originale du film The Hours (2002) ou dans le titre Truman Sleeps qu’il interprète lui-même pour le film The Truman Show (1998). Dans cette curiosité sans cesse renouvelée, Philip Glass n’a pas fait l’habituelle distinction entre musique « savante » et musique « populaire », collaborant aussi bien avec Steve Reich qu’avec David Bowie ou encore Aphex Twin. Ses œuvres, souvent critiquées par ses pairs car jugées naïves ou simplistes, ont participé à démocratiser la musique classique et font de lui le compositeur américain le plus connu de sa génération.
Auteure : Nastasia Matignon
Septembre 2023
Références
Sources principales
- Philip GLASS, Paroles sans musique, Paris, Cité de la musique – Philharmonie de Paris, 2017
- Philip GLASS, The Piano Collection, Londres, Wise Publications, 2006
- Nicolas DONIN et Laurent FENEYROU, Théories de la composition musicale au XXe siècle, Lyon, Symétrie, 2013
- Keith POTTER, Four Musical Minimalists, New York, Cambridge University Press, 2000
- Ressources BRAHMS de l’IRCAM
Références des citations
- [1] Glass, Paroles sans musique, p. 205 ↑