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Œuvre
Metamorphosis
Philip Glass
Carte d’identité de l’œuvre : Metamorphosis de Philip Glass |
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Genre | musique pour instrument seul |
Composition | 1988 |
Forme | cinq mouvements |
Instrumentation | piano seul |
Contexte de composition
Metamorphosis est un cycle de cinq pièces pour piano seul composé en 1988. À cette époque, Philip Glass est occupé par différents projets : la tournée de son opéra 1000 Airplanes on the Roof interprété par son ensemble, l’écriture d’une bande originale pour le documentaire de Errol Morris, The Thin Blue Line, et la commande d’une musique de scène pour une adaptation théâtrale de la nouvelle de Franz Kafka, La Métamorphose. La proximité de ces deux commandes a son importance car l’écriture et l’atmosphère qui se dégagent de ces deux partitions, celle du film et celle de la pièce de théâtre, sont très proches et deviendront presque immédiatement le cycle Metamorphosis.
Pour The Thin Blue Line, le réalisateur Errol Morris expliquera avoir utilisé plusieurs titres de Philip Glass, dont ceux de la bande originale de Mishima (1984) en attendant la musique définitive. Accédant à sa demande de retrouver une ambiance similaire, le compositeur livre une partition utilisant les mêmes effets d’écriture, du flux continu de notes à l’utilisation d’arpèges, créant une atmosphère planante caractéristique. Le titre au générique deviendra Metamorphosis II.
Philip Glass décide de poursuivre dans cette voie et propose les Metamorphosis III et IV comme musique de scène de la nouvelle de Kafka, cette fois-ci pour piano seul. Fort de ces dernières compositions – et en bon entrepreneur –, il complète le cycle de deux pièces supplémentaires, Metamorphosis I et V, conçues comme deux parenthèses venant fermer l’ensemble. Il les arrange pour piano, les publie et les enregistre lui-même dans la foulée sur un album intitulé Solo Piano paru chez Sony Music le 1er janvier 1989.
Analyse de l’œuvre
Metamorphosis I à V sont des variations de mêmes formes sonores. L’expérience de l’auditeur est proche de ce que l’on ressent quand on regarde un objet sous différents angles : l’image obtenue est à chaque fois légèrement différente de la précédente, bien que l’objet que nous regardons soit toujours le même. Écouter et comparer : Metamorphosis I ; Metamorphosis II ; Metamorphosis III ; Metamorphosis IV.
L’élément sonore récurrent le plus facile à entendre est l’oscillation autour d’un intervalle de tierce mineure que l’on retrouve dans les cinq mouvements, formant un mouvement perpétuel. Sa première occurrence, dans chacun des mouvements, s’accompagne d’une octave à la basse posée dans le grave du clavier d’un croisement de main (la main droite passe par-dessus la main gauche), faisant apparaître l’image complète d’un accord parfait mineur. Ce croisement de mains, en plus d’être une forme sonore reconnaissable, constitue une forme visuelle qui l’est également.
Les accords qui ouvrent les Metamorphosis I et V se retrouvent au centre des Metamorphosis III et IV, superposés à l’oscillation présentée plus haut.
Glass renouvelle notre écoute sans pour autant introduire de nouveaux objets sonores. En effet, alors que ces accords nous avaient été présentés au tout début du cycle sur une pulsation stable, ils reviennent dans Metamorphosis III en hémioles (un rythme ternaire est inséré dans une structure binaire, les accords sont placés en décalé par rapport à la pulsation indiquée), puis en syncopes (les accords sont à contre-temps des temps forts) dans Metamorphosis IV. L’enchaînement harmonique se resserre progressivement, nous donnant l’impression d’un point culminant au quatrième mouvement.
Enfin, Metamorphosis II incorpore un dernier objet : il s’agit d’une série d’arpèges jouée dans l’aigu du piano à la manière d’un arpégiateur électronique, une fonction développée sur les synthétiseurs permettant de faire entendre toutes les notes d’un accord posé sur le clavier sans avoir à les jouer soi-même. Ces arpèges sont en réalité notre premier objet (l’accord parfait) enrichi de nouveaux paramètres sonores : registre aigu, notes égrainées, vitesse décuplée. Ils se déploient avec plus de vitesse et de force au centre de Metamorphosis IV.
L’architecture de chacun des mouvements est légèrement différente mais toujours basée sur la répétition d’éléments connus. En cela on retrouve bien l’idée de musique répétitive prégnante chez Philip Glass. Bien que le cycle se déploie à partir d’accords parfaits, représentants de la musique dite tonale, le compositeur y privilégie le langage modal en ne retenant que des modes au caractère mélancolique caractérisés par une tierce mineure (le mode de mi, le mode de la et le mode de ré). Exception faite du quatrième mouvement qui est fondé sur l’alternance des modes majeur, mineur et diminué, autour d’une polarité de do mineur. La configuration des registres du piano en trois parties sonores distinctes – basses en valeurs longues, mouvement perpétuel dans le médium, lentes mélodies ou arpèges rapides dans les aigus – apporte une atmosphère planante voire hypnotique au cycle, atmosphère que l’on avait découverte un siècle plus tôt chez le visionnaire Erik Satie dans ses fameuses Gymnopédies.
Auteure : Nastasia Matignon
Sources principales
- Philip GLASS, Paroles sans musique, Paris, Cité de la musique – Philharmonie de Paris, 2017
- Philip GLASS, The Piano Collection, Londres, Wise Publications, 2006
- Nicolas DONIN et Laurent FENEYROU, Théories de la composition musicale au XXe siècle, Lyon, Symétrie, 2013
- Keith POTTER, Four Musical Minimalists, New York, Cambridge University Press, 2000
- Ressources BRAHMS de l’IRCAM