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Antonio Stradivari (entre 1644 et 1649– 1737)
Portraits de facteurs d’instruments
Héritier d’une tradition de luthiers crémonais qui domine la profession depuis le milieu du XVIe siècle, Antonio Stradivari est considéré unanimement depuis le XVIIIe siècle comme le plus grand des luthiers. En soixante-dix ans environ d’activités, il porte au plus haut point la facture du violon. Entourée de légendes, la perfection de ses instruments a nourri toute une mythologie.
Stradivari ou stradivarius ?
Le nom « stradivarius » est, à l’origine, le patronyme latinisé d’Antonio Stradivari tel qu’il figure sur les étiquettes apposées dans la caisse des instruments que le luthier venait d’achever. Au XIXe siècle, il désigne « un violon fabriqué par Antonio Stradivari ». Qu’il soit employé en tant que nom propre, non commun, patronyme ou substantif, le vocable « stradivarius » est devenu celui de tous les superlatifs et recouvre un concept d’excellence, un savoir-faire exceptionnel. A telle enseigne que l’habitude est prise de baptiser chaque stradivarius d’un surnom qui le caractérise. Quelques exemples parmi tant d’autres : le « Rubis » désigne un violon de 1708 au vernis rouge étincelant ; le « Davidoff » de 1708, le « Provigny » de 1716, renvoient aux noms des propriétaires ; le « Sarasate » de 1724, le « Viotti » de 1709 à ceux des grands virtuoses qui les ont joués.
L’apprentissage à Crémone, centre de lutherie européenne
On ne dispose que de très peu d’éléments sur l’origine familiale d’Antonio Stradivari si ce n’est que son père s’appelait Alessandro. Même sa date de naissance est imprécise : entre 1644 et 1649. Le nom de famille est connu dans les environs de Crémone au XVIe siècle. Crémone, cité lombarde de la vallée du Pô, abrite depuis le XVIe siècle des luthiers de grand renom et est devenue l’un des centres de production de violons le plus prestigieux. Il est très probable qu’Antonio Stradivari ait été formé auprès de Niccolò Amati (1596-1684), fils de Girolamo Amati (1561-1630) et petit-fils de l’illustre fondateur de la dynastie, Andrea Amati (vers 1505-1577). Une étiquette d’un instrument datée de 1666 (le plus ancien connu fabriqué par Stradivari) le mentionne « alumnus » (élève) de Niccolò Amati.
L’atelier Stradivari à Crémone
En 1680, Antonio Stradivari installe sa famille et son atelier piazza San Domenico où il vivra et travaillera toute sa vie. À la mort de Niccolò, en 1684, la renommée de Stradivari s’étend au-delà Crémone. Son ascension sociale accompagne dès lors une production d’instruments régulière et conséquente, qui atteint son « âge d’or » dans la deuxième décennie du XVIIIe siècle.
Les témoignages de la vie de l’atelier Stradivari sont très rares. Aucun document n’atteste la présence d’apprentis ou d’autres luthiers si ce n’est celle de ces fils Francesco (1671-1743) et Omobono (1679-1742) nés d’un premier mariage avec Francesca Feraboschi ainsi que de Giovanni Battista Martin (1703-17...), Giuseppe Antonio et Paolo (1708-1775) nés d’un second mariage avec Antonia Zambelli Costa. Seuls Francesco, Omobono et Giovanni Battista ont été formés à la lutherie par leur père. Jusqu’aux derniers instants de sa vie, le Maître supervise les activités de son atelier : très peu d’instruments portent les signatures de ses fils, toutes postérieures à la mort d’Antonio.
Certains violons richement décorés attestent de l’aisance de sa clientèle (dont la famille Médicis). Stradivari domine l’activité de lutherie de la ville tant par la qualité de son ouvrage que par sa réussite sociale et sa prospérité.
La production de l’atelier Stradivari
S’il est impossible de donner le nombre exact d’instruments fabriqués par Antonio Stradivari au cours des sept décennies de production (de 1667 environ à 1737), quelques six cent cinquante ont survécu dont beaucoup ont été joués par les plus grands virtuoses. Les violons représentent la plus grande partie de sa production mais des violes, des archets, des guitares, des mandolines ainsi que des patrons et des dessins pour les ferrures des étuis, proviennent également de son atelier. Une harpe est même répertoriée. Certains moules auraient été rapportés d’Italie par le collectionneur et marchand Luigi Tarisio (vers 1790-1854) qui les céda au luthier français Jean-Baptiste Vuillaume (1798-1875).
Le Musée de la musique conserve dans ses collections cinq violons, une guitare et une pochette, le cheviller d’une viole d’amour de Stradivari ainsi que cinq moules de l’atelier.
On distingue aujourd’hui plusieurs périodes au sein de la production de l’atelier de Stradivari. Les instruments des premières années restent encore très inspirés par le style de Niccolò Amati. Les années 1690 à 1700 portent traditionnellement le nom de « période des longuets » : le patron des instruments s’affine, leur caisse s’allonge. L’histoire a surtout retenu « l’âge d’or » de sa production entre 1700 et 1720 environ, période de concentration des chefs-d’œuvre. Les instruments de cette époque sont considérés comme représentant la perfection absolue, d’une facture élégante et soignée aux proportions calculées : leurs ouïes sont allongées, leur forme est plus ample et le vernis d’une couleur orangé reconnaissable. Le rythme de la production se maintient dans la décennie suivante, caractérisée par de larges patrons pour des instruments sonores et puissants.
Après sa mort en décembre 1737, son fils Francesco reprend la direction de l’atelier.
Sources
Jean-Philippe Echard, Le violon Sarasate : stradivarius des virtuoses. Edité par : Cité de la musique – Philharmonie de Paris, 2018Charles Beare, Stradivari Antonio, In The New Grove Dictionary of musical instruments. Second Edition. Edité par Laurence Libin. Oxford University Press, 2014