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Le Carnaval des animaux
Camille Saint-Saëns
Carte d’identité de l’œuvre : Le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns |
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Sous-titre | Grande Fantaisie zoologique |
Genre | musique pour ensemble instrumental |
Composition | février 1886 dans un petit village autrichien près de Vienne |
Création | 9 mars 1886 à l’occasion du Mardi gras, à Paris chez le violoncelliste Charles Joseph Lebouc |
Forme | 14 mouvements : Introduction et Marche royale du Lion Poules et Coqs Hémiones (animaux véloces) Tortues L’Éléphants Kangourous Aquarium Personnages à longues oreilles Le Coucou au fond des bois Volière Pianistes Fossiles Le Cygne Final |
Instrumentation | 1 flûte (également piccolo), 1 clarinette, 1 xylophone, 2 pianos, 1 célesta (ou bien 1 glockenspiel)La partition est écrite à l’origine pour un harmonica de verre., 2 violons, 1 alto, 1 violoncelle, 1 contrebasse |
Contexte de composition et de création
En 1886, Saint-Saëns est un compositeur admiré et reconnu en France et à l’étranger. Pianiste virtuose, organiste, il a déjà de nombreuses compositions à son actif. Après une tournée de concerts (Berlin, Cassel, Prague...) peu favorable à sa musiqueLes tensions politiques de cette époque créent un climat de défiance mutuelle entre les musiciens des deux rives du Rhin, caractérisé en France par un anti-wagnérisme (attitude hostile à la musique du compositeur allemand Richard Wagner) parfois virulent., il compose Le Carnaval des animaux dans les environs de Vienne, en Autriche. À l’exception de quelques pièces (Le Cygne, Aquarium), c’est l’humour et la légèreté, peut-être même la moquerie et l’ironie qui caractérisent l’œuvre. Avec l’écriture de cette réjouissante pochade musicale, Saint-Saëns semble s’être octroyé un moment de détente joyeuse (il refuse d’ailleurs la publication de l’œuvre de son vivant, à l’exception du Cygne !).
Langage musical
Saint-Saëns grandit sous l’influence des compositeurs romantiques tels que Berlioz, Mendelssohn ou encore Liszt. Il adopte le langage musical de son temps jusqu’à la guerre de 1870 qui le marque profondément et détermine de nouvelles orientations musicales. Guidé par un nationalisme ardent, il s’engage pour la défense de la musique française avec notamment la création de la Société Nationale de Musique. Se faisant désormais le partisan d’une tradition plus classique (celle de Rameau), il rejette tout type d’innovation que l’on peut entendre à l’époque chez Debussy ou Richard Strauss par exemple.
Saint-Saëns écrit dans tous les genres de la musique du XIXe siècle (des symphonies, concertos, poèmes symphoniques, musique de chambre, opéras…). Les facéties du Carnaval des animaux, ainsi que ses qualités festives et caricaturales associées à l’idée de carnaval, font donc figure d’exception dans l’œuvre très sérieuse du compositeur. La dérision et l’humour sont au cœur du discours musical mais Saint-Saëns donne néanmoins un caractère plus émouvant voire introspectif à certaines pièces.
Déroulé de l’œuvre
Introduction et Marche royale du Lion
Dès les premières mesures, les trillesbattement en alternance de deux notes consécutives de la gamme des deux pianos nous plongent dans un tourbillon sonore à travers lequel on devine le pas du roi des animaux : ce sont les trois noires en mouvement ascendant dans un tempo modéré (indiqué andante maestoso) jouées par les cordes. La musique s’anime petit à petit jusqu’au glissando des pianos en mouvements contraires (l’un en mouvement ascendant, l’autre en mouvement descendant) : le rideau s’est levé et le lion apparaît au son des « trompettes » qu’imitent les deux pianos dans un rythme de marche très cadencé. Plusieurs passages chromatiquesLes notes s’enchaînent à distance d’un demi-ton les unes après les autres. évoquent le rugissement du lion.
Poules et Coqs
Le caquètement est ici évoqué par des sons staccato (détachés) joués forte (fort), en imitation (le second violon imite le premier violon qui imite le piano) : les poules sont dans la basse-cour (ou ailleurs). Le « cocorico » du coq les interrompt avec autorité mais le caquetage reprend de plus belle. Lorsque le coq pousse de nouveau son cri haut perché, les poules s’apaisent alors, sans doute apeurées mais ce n’est que pour reprendre de plus belle ! Le fier « cocorico » fait alors place à un cri mou et sans conviction, à la clarinette cette fois. Les poules ont gagné ! Pour finir, elles semblent même se moquer du coq avant qu’un coup brutal assené aux deux pianos n’interrompe la pièce.
Hémiones (animaux véloces)
Les hémiones courent bien vite. Les deux pianos jouent à l’octave l’un de l’autre dans une parfaite coordination des mains qui se croisent sur le clavier : ces hémiones font la course, se dépassent, se doublent, se doublent encore…
Tortues
Se moquerait-on dans ce mouvement ? Et de qui, de quoi ? Le cancan d’Offenbach est extrêmement ralenti car les jeunes filles ne sont pas lestes, ce sont des tortues ! Tiens, comme le lion, les tortues sont majestueuses (indication andante maestoso).
L’Éléphant
La tendresse et la grâce de l’éléphant – eh oui ! – joué à la contrabsse, ont imprégné momentanément le discours très affirmatif des deux pianos. L’animal songe : peut-être se voit-il danseur étoile à l’opéra, léger dans ses ballerines (élan de notes ascendantes, sons legato) et faisant des pointes (notes staccato). Lorsqu’il revient à lui, il est le même qu’avant bien sûr, mais il a capté l’admiration de toutes et tous. La beauté et la grâce ne sont pas forcément là où on les attend !
Kangourous
Les kangourous sautent bien sûr : leurs bonds sont traduits par plusieurs mouvements ascendants puis descendants, joués staccato aux deux pianos avec appoggiaturesNotes ornementales étrangères à l’harmonie, rapidement jouées. Sur une partition, elles sont notées en plus petit., en accélérant et retenant le son. Puis ils s’arrêtent. Que font-ils alors ? Peut-être que leur regard se perd dans l’infini et c’est un moment de grâce offert par les accords aux pianos.
Aquarium
Dans ce mouvement, une féerie liquide émerge de la superposition de plusieurs plans sonores joués pianissimo (très doux) : dentelle des deux pianos (notes rapides jouées en mouvements contraires), dialogue magique de la flûte et de l’harmonica de verre (ou glockenspiel) doublés par les cordes (violons et alto), et enfin pédalenote tenue dans le grave du violoncelle. Un peu plus loin, les couleurs du tableau (eau, poissons, algues…) se transforment en pur moment de grâce : une figure musicale descendante aux deux pianos se superpose à une nouvelle pédale au violoncelle.
Personnages à longues oreilles
C’est un spectacle très vivant et rempli d’imagination auquel on assiste. Malgré l’aspect imitatif de cette pièce, le braiement des ânes est vraiment cocasse. Les « hi » et les « han » sont très contrastés : le « hi » se perche dans le registre très aigu des deux violons qui jouent en alternance, et le « han » dans leur registre grave. Les deux ânes poussent leurs hi-han à qui mieux mieux dans un chassé-croisé de notes qui ressemble à une valse, avant de terminer leur dialogue bien fatigués !
Le Coucou au fond des bois
L’ambiance sombre du fond des bois est traduite musicalement par les notes des deux pianos qui jouent dans des registres différents et par un tempo lent. La clarinette fait entendre son chant, deux notes à distance de tierce majeureintervalle de deux tons entre deux notes : c’est le coucou au fond des bois ! On l’entend vingt-et-une fois ! Peut-être qu’il a pondu vingt-et-une fois dans le nid des autres oiseaux !
Volière
Orfèvrerie et virtuosité caractérisent cette volière. La flûte égraine ses notes rapidement et l’évocation des oiseaux est nette. Les cordes l’accompagnent : trémolosnote répétée rapidement des violons et de l’alto, et pizzicatosnotes produites en pinçant les cordes du violoncelle et de la contrebasse. Puis les deux pianos s’en mêlent. La volière nous offre alors le spectacle d’un lieu animé et chantant.
Pianistes
Les pianistes « débutants » (l’épithète est de l’éditeur Durand qui l’écrit sur la partition) semblent être pour Saint-Saëns de drôles d’animaux : leurs premiers pas dans le monde de la musique sont hésitants et malhabiles, les doigts tombant de temps en temps sur les mauvaises touches. Les deux mains sont à l’octave et le déroulement des doubles croches dans le tempo allegro moderato est plus un exercice pour les doigts qu’une pièce de concert ! Après le do majeur initial, voici le ré bémol majeur, puis le ré majeur, le mi bémol majeur. Les modulations au demi-ton s’enchaînent ! À la fin, lorsque les cordes s’en mêlent, le discours des pianistes s’est simplifié, l’ordre pianistique est rétabli !
Fossiles
On reconnaît dans ce mouvement les notes du xylophone extraites de la Danse macabre du même Saint-Saëns. Les défunts ne sortent pas ici de leur tombeau mais sont des fossiles dont on imagine les os qui s’entrechoquent au cours de leur danse endiablée ! Musicalement, il se passe beaucoup de choses. Ce sont d’abord des mélodies traditionnelles que l’on reconnaît : J’ai du bon tabac traité ici en canonProcédé imitatif qui consiste à jouer une voix puis une autre mais décalé dans le temps. aux deux pianos, la seconde voix en mouvement miroirLes sons montants deviennent descendants et vice versa. Sur la partition, la lecture des notes est inversée comme si un miroir était placé à l’horizontal., Ah vous dirai-je maman traité en bref fugatoentrées des différentes voix par imitation toujours aux deux pianos, auquel se superpose Au clair de la lune à la clarinette. Après ce florilège de culture traditionnelle traitée musicalement de manière savante, on entend un extrait d’un air de l’opéra Le Barbier de Séville de Rossini : « Una voce poco fa » (J’ai entendu une voix).
Le Cygne
Cette pièce est plus méditative et dramatique que la précédente. C’est le violoncelle qui nous fait voir le cygne évoluant paisiblement sur l’eau : fluidité des arpèges du premier piano, ondelettes des accords arpégés du second.
Final
C’est un pot-pourri musical où l’on reconnaît beaucoup d’éléments entendus précédemment : les trilles des pianos ont conquis le domaine des vents (flûte et clarinette) et du xylophone, et le lion pointe sa tête. Un joyeux air de cancan joué à la flûte et à la clarinette s’invite à la fête, puis c’est le tour des hémiones toujours aussi virtuoses (accompagnées cette fois-ci par une pulsation lourde des cordes), des poules, des kangourous (cette fois accompagnés par une pulsation énergique des cordes) et enfin du braiement des personnages à longues oreilles. Il n’est plus l’heure de se moquer ou de s’attendrir. L’œuvre s’achève dans un esprit festif.
Auteur : Frédéric Lagès
Histoire animée
La course d'après Le carnaval des animaux (1886) de Camille Saint-Saëns
Une histoire pour percevoir les tempos.
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