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Enfant terrible du jazz français pendant plusieurs années, Denis Badault a pris de la distance – tant géographique qu’artistique – par rapport à la place qu’il occupait, au début de sa carrière, dans le paysage musical. Prolifique et investi dans la défense et l’illustration du jazz en grande formation, le pianiste et compositeur a incarné les aspirations d’une génération de musiciens doués, désireux d’embrasser la musique comme tout, hors des logiques de styles, avec une conscience de l’héritage, un bagage académique, un goût prononcé pour l’expérimentation et un attrait pour l’improvisation. Directeur musical de l’Orchestre national de jazz de 1991 à 1994, Denis Badault a développé depuis une importante activité de pédagogue et de compositeur qui, pour être moins visible n’en est pas moins conséquente.
La Bande à Badault
Né le 24 mai 1958 à Versailles, formé au conservatoire de Boulogne-Billancourt et à l’université (musicologie), Denis Badault a reçu l’enseignement du Conservatoire national supérieur de Paris, un cursus interrompu en 1979 par son désir de se consacrer au jazz. Primé au Concours de La Défense cette même année, il s’intéresse au jazz en grande formation, participant au Youth Jazz Orchestra à Londres (1981) et créant, en 1982, la Bande à Badault auquel pendant plusieurs années, hormis son poste de pianiste dans le premier Orchestre national de jazz dirigé par François Jeanneau en 1986, il consacre l’essentiel de son temps en dehors d’un trio avec le contrebassiste Yves Torchinsky et le batteur François Verly. À la tête de cette formation de treize musiciens, il affirme ses talents d’orchestrateur, proposant un répertoire généreux et coloré, éclectique et en prise sur son époque, selon une démarche comparable à celle d’Antoine Hervé (leurs deux orchestres ont plusieurs instrumentistes en commun). Plusieurs commandes permettent à son talent de s’exercer : Sur les marches de la piscine pour l’ONJ 86, Paprika et Libellule pour l’Orchestre de l’Union européenne de la Radio, L’Atelé pour l’ONJ 87, Jazz pour longtemps pour le Symphonic Orchestra de la radio danoise, Brazz Band Junior pour l’Ensemble de cuivres de Franche-Comté, etc. En 1988, il compose Paris 88 pour la Bande à Badault et deux invités, Louis Sclavis et Toots Thielemans, et enregistre un premier album, En vacances au soleil.
Pianiste, compositeur et pédagogue
En 1991, Denis Badault devient pour trois saisons le quatrième directeur artistique de l’Orchestre national de jazz, proposant un répertoire dans lequel coexistent des arrangements de Thelonious Monk, Charles Mingus et Duke Ellington, et nombre de ses propres pièces. Trois albums témoignent de cette importante période de créativité. L’une des originalités de l’orchestre réside dans son instrumentation qui, au sein d’un big band, accueille violon et violoncelle. Le saxophoniste Johnny Griffin est soliste invité en 1993.
Au terme de son mandat, Denis Badault reprend son parcours de musicien de jazz, compositeur et improvisateur réunis, assumant les responsabilités de président de l’Union des musiciens de jazz (UMJ) de 1994 à 1996. Sollicité pour des commandes d’écriture, il compose régulièrement, autant pour des formations de chambre (L’Eté du sax pour quatuor de saxophones en 1996) que de œuvres spectaculaires mobilisant en grand nombre musiciens professionnels et amateurs : La Reine des neiges (1996), Dix vagues éphémères et Six cents sens et sans souci (1998), Berry, mille voyages et un monde (2000), Ligeti’s Life et Médofolies (2002). Parallèlement, quittant la scène parisienne au profit de résidences dans différents lieux d’enseignement en région, il développe une importante activité de pédagogue, engageant une réflexion sur la transmission en matière d’improvisation, de jeu collectif et d’interprétation. En tant que pianiste, il anime différentes petites formations avec de nouveaux compagnons de route : duo avec le saxophoniste Simon Spang-Hanssen (1995) ; Trio Bado avec Olivier Sens (contrebasse) et François Merville (batterie) qui est enregistré en public au Duc des Lombards (2001) ; BadOrtiColl avec Médéric Collignon et Guillaume Orti ; Trois claviers avec Emmanuel Bex (orgue) et Andy Emler (synthétiseurs) ; duo improvisé avec le batteur Bruno Tocanne… Certaines prennent une dimension transdisciplinaire comme Reflex avec le comédien et poète Eric Lareine ou le duo avec le danseur Loïc Touzé. En 2002, il participe, à Montréal, à un hommage à Roland Topor en compagnie du collectif de musiciens lyonnais imuZZic.
Auteur : Vincent Bessières