Auteur : Thierry Lepin
(mise à jour : juin 2005)
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Barry Guy (1947-)
Personnalité incontournable de la scène européenne, le contrebassiste Barry Guy, leader depuis 1970 du London Jazz Composers Orchestra, a su prolonger et fédérer les énergies fondatrices de la free music au sein d’une grande formation, menant la réflexion la plus aboutie parmi ses contemporains sur le rapport de l’improvisation à l’écriture.
La découverte du free
Né le 22 avril 1947 à Londres, Barry Guy débute à la trompette dans l’orchestre militaire de son école, puis s’essaie au tuba, au trombone à pistons… et adopte finalement la contrebasse dans une formation dixieland. Au début des années 1960, il travaille dans un cabinet d’architecture tout en suivant des cours de musique au Goldsmith College. C’est par la composition qu’il entre dans le mouvement naissant de la free music : recherchant des interprètes pour un travail de fin d’étude (une cadence pour trombone et saxophone alto), il rencontre Paul Rutherford et Trevor Watts ; ces derniers l’invitent au Little Theater Club, centre d’expérimentation animé par le fondateur du Spontaneous Music Ensemble, le batteur John Stevens. Il y côtoie le pianiste Howard Riley (qui l’intègre à son trio en 1966), le guitariste Derek Bailey (partenaire d’Iskra 1903 avec Paul Rutheford à partir de 1970), ou encore le saxophoniste Evan Parker, futur compagnon de route. De plus en plus engagé dans l’improvisation libre, il poursuit ses études à la Guildhall School of Music, où la découverte de compositeurs contemporains sera décisive (Stravinski, Penderecki, Xenakis…).
Avec le London Jazz Composers Orchestra
En 1970, il fonde le London Jazz Composers Orchestra. Parmi les nouveaux big bands européens (le Globe Unity Orchestra d’Alexander Von Schlippenbach dès 1966, le Celestrial Communication Orchestra d’Alan Silva en 1969), Barry Guy est sans doute celui qui trouve la correspondance la plus juste entre vision d’ensemble et fulgurance du geste improvisé. La spécificité de la scène anglaise (l’exploration du son pour le son) le conduit à composer pour des musiciens précis mais surtout à privilégier les scénarios où improvisation et écriture participent d’un même processus organique. Du précurseur Ode (1972) jusqu’aux œuvres de maturité Portraits (1994) ou Double Trouble II (1998), les mouvements orchestraux ont gagnés en fluidité, les contrastes de textures en finesse. Entre-temps, le leader n’a eu de cesse d’impliquer davantage les musiciens, notamment grâce à des partitions graphiques (suite à sa collaboration avec le peintre Alan Davie en 1992) qui offrent des indications de jeu optionnelles, et laissent la place aux initiatives dans une combinaison de structures.
Du big band au tentet
Reconnu par ses pairs contemporains (en 1974, Pierre Boulez dirige l’une de ses pièces, D, à la tête du BBC Symphony Orchestra), Barry Guy mènera aussi une double carrière d’interprète classique (pendant douze ans avec l’Academy of Ancient Music de Christopher Hogwood, ou encore le London Sinfonietta). En 2000, en alternative au big band, il créé un tentet euro-américain, le New Orchestra, autour de deux trios saxophone/contrebasse/batterie : l’historique avec Evan Parker et Paul Lytton, et le plus récent avec Mats Gustafsson et Raymond Strid. La pianiste Marilyn Crispell est au centre d’un dispositif d’une puissance hypnotique qui prolonge la luxuriance du London Jazz Composers Orchestra avec une légèreté incisive, que ce soit dans l’ivresse ou le recueillement, des tensions suggérées ou exacerbées. À l’instar de son jeu de contrebasse à la fois charnel et précis, lyrique et abrupt, Barry Guy sculpte la matière sonore avec une rare intuition formelle.