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Tony Oxley (1938-2023)
Batteur phare de la scène du free jazz, Tony Oxley compte parmi les musiciens à avoir contribué à l’émergence d’une certaine musique improvisée européenne d’influence britannique par ses nombreuses collaborations au travers du Vieux Continent et ses relations entretenues avec une certaine avant-garde américaine, dont celle avec le pianiste Cecil Taylor est sans doute la plus forte.
Un goût pour l’expérimentation
Né le 15 juin 1938 à Sheffield (Royaume-Uni), Tony Oxley amorce dès 1963, dans sa ville natale, sa curiosité pour la libre improvisation et l’acclimatation des procédés issus du free jazz, dans le trio Joseph Holbrooke avec le guitariste Derek Bailey et Gavin Bryars (alors bassiste et depuis compositeur disciple de John Cage), groupe pionnier de la scène britannique. Cela ne l’a pas empêché de devenir batteur maison du club Ronnie Scott’s à Londres de 1967 à 1969 et d’accompagner un nombre considérable de solistes américains majeurs (Sonny Rollins, Bill Evans, Stan Getz, Joe Henderson…) ni de collaborer avec John McLaughlin (album Extrapolation, 1969). Son intérêt pour l’expérimentation l’amène à développer un set de percussions amplifiées (1969) et à fonder le label Incus avec Derek Bailey et le saxophoniste Evan Parker, ainsi que la Musicians Co-operative (1971) et le London Jazz Composers Orchestra (1972) qui se font les promoteurs de la musique improvisée britannique la plus radicale.
Groupes traditionnels et formations inédites
Les années 1970 le voient devenir l’un des acteurs les plus dynamiques des « nouvelles musiques », sillonnant l’Europe en compagnie de son groupe The Angular Apron (1974-1975) et multipliant les collaborations, puis s’installant en Australie (1976-77) et en Allemagne (1978-1984) où se développe son activité de pédagogue adepte des workshops. Fondateur du Celebration Orchestra en 1984, formation à l’instrumentation inédite (quatre cuivres, six cordes, piano et cinq batteurs) qu’il confronte aux cornemuses du Glasgow Skye Pipe Band, Tony Oxley a accompagné depuis un quart de siècle, un large éventail de musiciens, assumant autant le rôle traditionnel d’un batteur que conversant librement de façon totalement improvisée sur un set de batterie aux éléments peu orthodoxes : il s’est ainsi notamment produit en compagnie d’Enrico Rava (1984, avec Joe Lovano), Didier Levallet (1986), Anthony Braxton (1989, en trio et quartet), Stefano Battaglia (1990), Paul Bley (en trio avec Furio Di Castri) et John Surman (1991), Tomasz Stanko (1993). Il enregistre avec ces derniers pour ECM.
Avec Cecil Taylor et Bill Dixon
Depuis 1988, il entretient une relation féconde avec Cecil Taylor, avec lequel il a donné des concerts dans toutes sortes de format : en duo, avec le Feel Trio (William Parker à la contrebasse), en quartet avec Derek Bailey (avec qui il renoue parallèlement), en quintet, en octet, avec le Workshop Ensemble (onze musiciens) du pianiste... Il joue également depuis 1993 avec le trompettiste Bill Dixon avec lequel il partage une activité de peintre abstrait parallèlement à ses recherches musicales (cinq albums sur Soul Note). En 2002, Oxley, Taylor et Dixon sont réunis pour une série de concerts-happening, où leurs œuvres picturales sont projetées en même temps qu’ils se livrent au jeu de l’improvisation et à l’expérimentation de la densité sonore traitée comme matériau plastique. Cultivant son intérêt pour les percussions amplifiées développées par ses soins, Tony Oxley a constitué en 1999 le BIMP Quartet avec des musiciens issus de l’underground des musiques électroniques, preuve d’une quête d’inédit musical et d’une conviction intactes.
Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : juin 2005)