Accueil / Instruments / Histoires d’instruments / Le trombone dans le jazz : lèvres et coulisse
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Un instrument à vent
Le trombone est un instrument à vent : le son produit est le résultat d'une mise en vibration de la colonne d'air contenue dans un conduit, appelé la perce. À la différence de la famille des anchesDans la famille des anches, c'est l'anche mise en mouvement par le souffle du musicien qui provoque l'excitation de la colonne d'air., sur le trombone, le souffle fait vibrer les lèvres de l'instrumentiste appliquées à l'embouchure, provoquant l'excitation de la colonne d'air.
Si l'on prend en compte ce principe d'émission, on classera le trombone dans la famille des trompes, la classification dans la famille des cuivres faisant référence au matériau de fabrication de l'instrument, un alliage cuivreux dont on fait également les saxophonesqui sont cependant apparentés à la famille des bois.
Les partiels
Sur les instruments à embouchure les plus rudimentairestrompes, clairons, cors de chasse ou des Alpes, la sélection des notes se fait par simple modification du « masque » du musicien destinée contrôler la tension des lèvres, leur pression sur l'embouchure et le débit de l'air. À partir d'un son fondamental donné, une tension croissante permet d'obtenir une série de notes appelées partiels. Ces notes se répartissent selon la progression des harmoniques qui résulte de lois physiques régissant le comportement des corps sonores.
Fonction de la coulisse
L'échelle de partiels obtenue uniquement par les lèvres étant très incomplète, il convenait d'y remédier. Sachant que plus la colonne d'air en vibration est longue, plus la note fondamentale obtenue est basse, on a imaginé modifier la longueur de la colonne d'air de différentes manières. L'une des plus simples consiste à équiper l'instrument d'une coulisseslide en anglais. Cette pratique est attestée au XVe siècle sur des instruments qui portent en France le nom de sacqueboutedu nom d'une arme d'assaut selon certains ; plus sûrement des verbes « sacquer » (tirer) et « bouter » (pousser), en Allemagne celui de posaune, ou encore trombonerespectivement dérivés des mots latins buccina et tromba, tous deux désignant la trompette en Italie. Sur le trombone ténor actuel, on a recours à sept positions de coulisse.
Le tromboniste combine ainsi deux modes d'action : les lèvres (les trombonistes disent alors qu'ils jouent sur les flexibilités) et la coulisse.
L'articulation
Lorsque l'on choisit d'utiliser la coulisse pour passer d'une note à l'autre, l'instrumentiste masque le glissando qui donnerait à la phrase musicale un aspect « sale », en fermant momentanément le débit d'air avec la langue contre le palais, puis en projetant celle-ci en avant comme pour prononcer « tu ». L'attaque peut aussi être atténuée en un « du » qui permet un jeu legato.
Avant chaque nouvelle attaque, la langue doit retrouver sa place initiale, ce qui limite considérablement la vélocité du phrasé. C'est pourquoi au fil du temps on a recherché d'autres articulations : on a obtenu une double articulation permettant un aller et retour naturel de la langue et une vélocité plus aisée en alternant les consonnes « tu » et « ku ». Celle-ci peut-être adoucie par un « du gu ». Elle se transforme aussi à grande vitesse en une triple articulation souvent désignée sous le nom de doodle et dont Carl Fontana fut le pionnier.
Pour remédier à la vélocité très limitée du coup de langue, le tromboniste (également tubiste) Dave Bargeron a inventé un dispositif placé après l'embouchure et actionné de l'index de la main gauche, le BravoBargeron Rapid Articulating Valve Option qui ferme le tuyau et offre une alternative à l'articulation linguale lors d'un changement de position. Mais il s'agit là d'une pratique isolée, tout comme le Superbone du trompettiste Maynard Ferguson, avec des pistons à main droite et une coulisse à main gauche.
Le jeu sur les flexibilités
Les différents styles de phrasé du trombone sont ainsi conditionnés par l'usage préférentiel de la coulisse (et donc de la langue) ou des flexibilités (les lèvres). Très économe de l'usage de la coulisse, le jeu sur les flexibilités entraîne parfois un jeu contre-nature qu'on appelle « contre-coulisse » (against the grain en anglais) : on raccourcit la coulisse pour descendre vers le grave et on l'allonge pour monter vers l'aigu.
Phrasé, sonorité, expressivité
Qu'il privilégie la coulisse ou les flexibilités, le tromboniste doit passer par l'apprentissage d'une combinatoire longue à assimiler qui fait du trombone un instrument dont la vocation première n'est pas la vélocité. On lui réserve souvent des rôles de coloration orchestrale ou lyriques. Le jazz et son approche virtuose de l'improvisation ont quelque peu malmené cette nature et contribué à faire évoluer la technique de l'instrument. Certains trombonistes de jazz modernes restent pourtant attachés aux contraintes et à l'inertie qui font la spécificité de l'instrument. De leur point de vue, c'est plus sur le plan du son et de l'expressivité que le jazz a contribué à l'évolution de l'instrument.
Auteur : Franck Bergerot