Accueil / Instruments / Histoires d’instruments / Le saxophone soprano dans le jazz : le saxophone soprano en Europe
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L’Europe a produit quelques grands sopranistes. Parti du modèle coltranien et adoptant le soprano comme pour déborder le registre suraigu fréquenté sur son premier instrument, le baryton anglais John Surman (1944) a très rapidement développé dès la fin des années 1960 une intonation lyrique et une plastique sensible qui devait s’épanouir dans les studios du label ECM sur le mode d’un folklore imaginaire marqué par les folklores réels du nord de l’Europe et les musiques baroques. Un parcours que l’on serait tenté de comparer à celui du Norvégien Jan Garbarek (1947), plus visiblement marqué par Ornette Coleman. Dans le prolongement de sa sonorité pincée au ténor, il a tiré parti du côté nasal du soprano dans une espèce de transposition des hautbois extra-européens de tradition modale. Sur des positions diamétralement opposées, le ténor anglais Evan Parker (1944), héritier des textures coltraniennes qu’il semble explorer comme au microscope, accentue au soprano la radicalité d’abstractions sonores monochromes finement hachurées d’un hallucinant staccato.
Avec le nouveau siècle enfin sont apparus en France deux spécialistes du soprano, Jean-Marc Larché et Vincent Lê Quang qui combinent chacun à leur façon l’héritage de Marcel Mule avec celui des grands stylistes que sont Steve Lacy, David Liebman et Evan Parker. Ils portent la précision du phrasé et du contrôle timbral de l’instrument à un niveau peu égalé dans le domaine de la musique improvisée.
Est-ce une nouveau chapitre à l’histoire du soprano qui s’est ouvert avec l’invention de l’aulochrome au tournant du XXIe siècle ? Ce double soprano est révolutionnaire sur de nombreux points, notamment celui du mécanisme. Confié aux mains de Fabrizio Cassol, familier de l’alto et du soprano, le prototype conçu par le facteur François Louis a montré qu’il permettait tout autre chose que le seul jeu à deux voix. Non seulement, les deux mains peuvent agir indépendamment sur la totalité de la tessiture des deux colonnes, mais le jeu des différentiels entre les notes jouées simultanément fait apparaître des notes supplémentaires, même au-delà du grave extrême de l’instrument. C’est donc un tout nouvel instrument qui semble être né, même s'il demeure pour l'heure encore au stade de prototype.
Auteur : Franck Bergerot