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Erik Truffaz (1960-)
C’est en 1997 qu’Erik Truffaz a trouvé sa voix et s’est, par la même occasion, révélé aux oreilles d’un public plus large que les seuls amateurs de jazz. Avec l’album The Dawn, le trompettiste jurassien imposait un son qui fit bientôt école : un jazz tout acoustique qui se réinventait à l’aune des rythmiques surgies de la sphère électronique. Drum’n’jazz, jungle acoustique, les néologismes ne manquent pas pour qualifier cette formule insaisissable, aux lisières des catégories bien définies.
Des débuts prometteurs
Avant d’en arriver là, le trompettiste a été à bonne école : enfant, son père saxophoniste l’emmenait au bal ; adolescent, il s’est branché sur la pop et le rock ; jeune adulte, il a intégré le conservatoire classique puis les ateliers jazz de l’AMR à Genève. Entré dans le circuit professionnel, il se distingue en obtenant le prix spécial du jury, au très courtisé concours de La Défense en 1993, avec le quintette classique qui officie sur son premier disque, Nina Valeria. Dans la foulée, il signe un premier album sur Blue Note, Out of Dreams (1996), tout en s’invitant régulièrement dans le groupe de rap Silent Majority et en jouant dans le club londonien Blue Note, phare de la mouvance drum’n’bass. Autant dire que son parcours suggérait déjà entre les lignes une esthétique qui traverse les frontières stylistiques, suivant en cela son mentor, Miles Davis, dont il eut la révélation grâce à Bitches Brew.
De nouvelles explorations culturelles et sonores
C’est d’ailleurs à l’alchimiste trompettiste qu’on compare régulièrement Erik Truffaz. Même sensibilité dans le phrasé, plus proche du murmure que des brillantes interventions, même désir de réunir une équipe de fidèles à l’instar des groupes de rock, mais aussi constante envie d’aller voir plus loin. Après plusieurs albums et tournées qui ont consacré son esthétique, le trompettiste décide de changer de formule, intégrant de nouveaux éléments à son dispositif. La guitare devient de plus en plus présente, incarnée par Manu Codjia, le chant « oriental » de Mounir Troudi indique d’autres pistes à venir pour le sociétaire du label Blue Note. Tout comme Miles Davis, il part aussi à la rencontre d’autres idiomes : il enregistre ainsi avec Christophe, chanteur référence de la nouvelle génération, après avoir été remixé par Pierre Henry, homme lige de la musique électroacoustique.
Je ne fixe aucune limite à mes emprunts, je ne m’interdis aucune exploration culturelle ou sonore
, confiait-il à l’occasion de la parution du double album en concert Face-à-face, en 2006. En un objet, il réunit les deux projets qu’il dirige alors : son quartet historique et la formation Ladyland, élaborée à partir des années 2000. Voilà sans doute pourquoi on le retrouve en 2008 à la tête d’un Indian Project, qui l’associe cette fois au pianiste Malcolm Braff, et aux frère et sœur Mukherjee (Apurba aux tabla et Indrani à la voix), tous deux rompus aux arcanes de la musique classique indienne. Quoi de plus normal quand on sait que le trompettiste cite comme guides spirituels le flûtiste Hariprasad Chaurasia et le trompettiste Jon Hassell.
Auteur : Jacques Denis