Auteur : Vincent Cotro
(mise à jour : mars 2010)
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Laurent Cugny (1955-)
Si la notoriété de Laurent Cugny est principalement attachée à ses activités d’arrangeur et de chef d’orchestre, notamment à la tête de son big band Lumière ou de l’Orchestre National de Jazz (1994-1997), elle n’éclipse ni l’auteur d’ouvrages et d’articles de référence, ni son rôle croissant aux avant-postes de l’enseignement et de la recherche sur le jazz en France.
Chef d’orchestre
Né le 14 avril 1955 à La Garenne-Colombes, Laurent Cugny débute des études de piano en 1965, puis forme plusieurs groupes amateurs parallèlement à des études menées hors du champ musical (sciences économiques puis études cinématographiques). 1979 voit la création, sous sa direction, du big band Lumière, en même temps que l’obtention d’un prix de piano solo au Concours national de jazz de La Défense. Le travail de cet orchestre, ponctué par six albums jusqu’en 1994, sera profondément marqué par la rencontre de son leader avec Gil Evans à l’occasion de l’écriture d’un livre. Devenue musicale, leur collaboration sera à l’origine de plusieurs concerts et enregistrements, et notamment d’une tournée européenne (1987).
Peu après l’écriture d’un second ouvrage consacré cette fois à la période électrique de Miles Davis, Laurent Cugny succède à Denis Badault pour diriger l’Orchestre National de Jazz. La formation s’appuie essentiellement, par son effectif, sur les plus fidèles de ses partenaires au sein de l’orchestre Lumière (Pierre-Olivier Govin à l’alto, Lionel Benhamou à la guitare ou encore Stéphane Huchard à la batterie). Quatre albums naissent de cette aventure brève et intense, parus sur le label Verve.
Compositeur et arrangeur
Laurent Cugny se consacre ensuite, outre à la remise sur pied intermittente du big band Lumière (un album paru en 2001), à une activité en petite formation puis à l’écriture d’un opéra-jazz, La Tectonique des nuages (à partir d’une pièce de José Rivera, mise en scène de François Rancillac). L’œuvre sera créée en version concert en 2006 et reprise au théâtre de la Ville (Paris) en 2007. Entre-temps, Laurent Cugny signe de nombreux arrangements pour Lucky Peterson, Abbey Lincoln, David Linx, Juliette Gréco, Ricardo Teté, Viktor Lazlo, parmi d’autres.
Laurent Cugny n’a conservé que peu de traces du free jazz, par lequel il a pourtant commencé. À la différence de nombreux musiciens français de sa génération, il assume un ancrage solide dans une certaine tradition du jazz et du blues (en témoigne la tournée réalisée avec Lucky Peterson et l’O.N.J.). Sans prôner pour autant le retour en arrière, il appuie pour sa part son œuvre de compositeur et d’arrangeur sur les acquis combinés de Miles Davis, Gil Evans et Wayne Shorter. C’est ainsi qu’il oscille entre l’exploitation de la dissonance et un statisme harmonique proche de la modalité ; entre des textures acoustiques aux alliages sophistiqués et l’énergie des instruments électrifiés ; entre de longues péroraisons soutenues par des ostinatos et des constructions formelles plus ambitieuses et contraignantes. Pianiste et claviériste, il joue à l’économie en proscrivant tout effet de virtuosité, procédant par petites touches (à la façon de Gil Evans, là encore) ou alimentant en arrière-plan le tissu collectif par des formules rythmiques brèves et répétées. Il a su repérer et mettre en valeur des solistes d’exception tels Stéphane Guillaume, Stefano di Battista, Julien Lourau ou Stéphane Belmondo.
Professeur
Particulièrement actif pour promouvoir la diffusion du jazz sous toutes ses formes (fondateur et directeur de la Maison du Jazz entre 2000 et 2004), Laurent Cugny reprend le chemin de l’université à la fin des années 1990 et soutient en 2001 une thèse de doctorat consacrée à l’analyse de l’œuvre de jazz (publiée aux éditions Outre Mesure). Après y avoir exercé diverses activités d’enseignement, de pratique collective et de recherche, et publié de nombreux articles, il est nommé professeur de musicologie en 2006 à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV).