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Canzon I Giovanni Gabrieli
Carte d’identité de l’œuvre : Canzon I de Giovanni Gabrieli |
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Genre | musique pour ensemble instrumental |
Composition | probablement entre 1597 et 1612 à Venise (publication posthume en 1615 dans le recueil Sacrae Symphoniae II) |
Forme | pièce en un seul mouvement |
Instrumentation | à cinq voix, instrumentation variable, non précisée à l’époque du compositeur |
Genèse de l’œuvre : la canzon et son histoire
Une canzonLe mot canzon dérive de la canso provençale, forme strophique superposant au texte en langue d’oc une ou plusieurs parties instrumentales, non notées dans les chansonniers. Exemples : Can vei la lauzeta mover de Bernard de Ventadour ou bien Lan can li jorn de Jaufré Rudel, tous deux troubadours du XIIe siècle. est une composition purement instrumentale (comme le sont les ricercari et les toccatas) associée aux transcriptions que firent beaucoup de musiciens italiens du XVIe siècle des chansons polyphoniques françaises très en vogue à cette époque. Ces transcriptions firent évoluer l’écriture de la canzon d’un style populaire à un style plus savant. Lors de la transcription, le compositeur a le souci de laisser la part belle à la vocalité (on doit pouvoir chanter les parties mélodiques).
Dans ses Canzone, Gabrieli adopte une écriture à plusieurs voix égalesLes cinq voix sont homogènes, chacune prenant en charge à différents moments les éléments de la polyphonie. en mettant l’accent sur les contrastes, les dynamiques, la spatialité…
Techniquement, la canzon au temps de Gabrieli se caractérise par les éléments suivants :
- Rythme dactylique au début (long-bref-bref)
- Écriture en imitationLes motifs musicaux sont entendus successivement à différentes hauteurs.
- Passages homorythmiquesToutes les voix sonores font le même rythme. fréquents
- Plusieurs thèmes ou motifs possibles
- Sections contrastantes rythmiquement (binaire/ternaire par exemple)
- Spatialisation, permise par exemple par le dialogue entre deux groupes d’instrumentistes
- Possibilité d’ornementation par le biais de diminutionsLa diminution consiste à reprendre le motif en écourtant les valeurs de notes. improvisées, créant de la virtuosité
- Égalité des voix dans l’écriture polyphonique
La date de composition de l’œuvre est inconnue. Conformément aux exigences de l’époque, la nomenclature instrumentale n’est pas précisée et son interprétation est laissée au libre arbitre des interprètes qui peuvent utiliser les instruments qu’ils veulent. C’est ainsi qu’on peut entendre cette œuvre indifféremment par un ensemble de flûtes à bec, un ensemble mêlant les cornets, les trombones et les cordes (violons, violes), un ensemble de cuivres modernes (trombones et trompettes par exemple), un quintette de cuivres, etc., les instruments étant en plus ou moins grand nombre.
Caractéristiques et description de la Canzon I
La Canzon I à cinq voix commence par un bref motif mélodiqueLe motif mélodique constitue le début d’une phrase musicale qui s’épanouit différemment selon les voix au sein de la polyphonie. au rythme dactyliqueLe rythme long-bref-bref (dactyle) caractérise l’écriture de la forme canzon. caractéristique ; successivement, chacun des instruments le prend à son compte au gré des différentes entrées en imitation entendues au fur et à mesure en mouvement ascendant.
Ce motif se divise en deux parties : le rythme dactylique proprement dit suivi de quelques notes plus souples et sinueuses
Les cinq voix donnent alors naissance à une polyphonie souple et aérée que les transformations rythmique, mélodique et harmonique successives du motif colorent de savoureuses sonorités. Un changement très net s’opère lorsqu’un rythme pointé à l’allure dansante associé à un nouveau motif en mouvement conjoint s’insinue discrètement dans la texture et contamine rapidement toutes les voix ; ce nouveau motif est échangé entre les instrumentistes créant des effets d’écho. Gabrieli est un compositeur sensible à l’aspect harmonique de l’écriture et ses modulations sont fréquentes, ainsi, pour signifier l’élan festif caractérisant ce passage, Gabrieli module-t-il dans des tonalités majeures, la tonalité de base de l’œuvre étant la mineur.
Un autre effet d’écho se fait entendre un peu plus loin, opposant de manière concertante l’un des instruments aux quatre autres.
À la faveur d’un bref passage homorythmique donnant l’image d’une respiration, d’un repos, le motif principal retrouve son chemin dans la polyphonie et s’impose de nouveau, cette fois-ci dans le registre aigu.
Tout au long de l’œuvre, la diversité du discours musical se conjugue à l’éclat instrumental pour produire une musique (é)mouvante et richement colorée.
Suggestions d’écoute
- En lien avec la genèse de l’œuvre :
- Fantaisie, Canzone, etc. pour luth de Francesco da Milano (1497–1643)
- Can vei la lauzeta mover, canso provençale de Bernard de Ventadour - En lien avec les caractéristiques et la description de l’œuvre :
- Début du Chant des oiseaux de Clément Janequin (chanson polyphonique dont le début est en rythme dactylique)
- S’andasse amor a caccia tiré du Livre II des madrigaux de Claudio Monteverdi
Auteur : Frédéric Lagès