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L’Espagne et la musique française
L’éveil de la musique espagnole
En Espagne, le folklore a toujours été très présent dans la musique. À partir du XIXe siècle, les compositeurs nationaux vont y puiser l’essentiel de leur matériau, plus particulièrement dans le flamenco, l’un des chants les plus caractéristiques du sud de l’Espagne. Né en Andalousie, il est l’une des principales manifestations de l’art populaire espagnol. Avec l’éveil des nationalités, la prise de conscience du génie musical espagnol, issu d’une longue transmission entre générations, dépasse les frontières et inspire des compositeurs aussi différents que Franz Liszt, Mikhaïl Glinka ou encore Emmanuel Chabrier. Trois musiciens vont particulièrement offrir à leur pays un renouveau musical de grande importance. Isaac Albéniz, Enrique Granados et Manuel de Falla symbolisent à eux trois un nouvel âge d’orLe premier âge d’or remonte au XVIe siècle avec des compositeurs comme Cristóbal de Morales, Francisco Guerrero ou Tomás Luis de Victoria. de la musique espagnole.
Les premières influences
Dans le dernier quart du XIXe siècle, les compositeurs français commencent à s’enthousiasmer pour le folklore espagnol. En réaction à la domination musicale wagnérienne, une grande partie des musiciens a soif de créer une musique inspirée des traditions musicales populaires. Georges Bizet est un des premiers à suggérer l’Espagne dans sa musique. En inventant un folklore imaginaire, il parsème son opéra Carmen, dont le drame se déroule à Séville, d’effets musicaux exotiques. Son célèbre air « L’amour est enfant de bohème » en est le meilleur exemple.
À son tour, Camille Saint-Saëns compose quelques années plus tard une Havanaise très appréciée des violonistes. De son côté, Edouard Lalo s’approprie les traits caractéristiques qu’il pense être du folklore espagnol pour évoquer la péninsule ibérique dans sa Symphonie espagnole. Il ne faut pas voir dans ces influences un travail de recherche musicologique établi par les compositeurs français pour leur permettre d’imiter au mieux la musique de leurs voisins. Leurs œuvres sont plutôt le pur reflet de la forte attirance des français pour l’Espagne. Pour l’essentiel, c’est une Espagne « idéalisée » que ces compositeurs ont recréée, la plupart n’y ayant jamais mis les pieds !
Charmé par les rythmes et les couleurs de l’Andalousie, Emmanuel Chabrier écrit en 1883 : La musique nationale en Espagne est d’une richesse incomparable
. Lors de son séjour en Espagne, il est si enchanté par la musique traditionnelle qu’il compose dès son retour España, une rhapsodie pour orchestre, inspirée des rythmes et des mélodies andalouses. Il n’y a pas qu’en musique que l’Espagne inspire les artistes français. Si en littérature, l’Espagne est déjà présente depuis longtemps, le peintre Édouard Manet, fasciné par une troupe de danseurs hispaniques venue à Paris, peint Le Ballet Espagnol et Lola de Valence.
L’école espagnole à Paris
Vers la fin du XIXe siècle, des liens de plus en plus forts s’exercent entre musiciens français et espagnols. Paris, capitale de la musique, attire de nombreux compositeurs étrangers. Il s’y forme d’ailleurs une école espagnole « de Paris ». À côté de peintres comme Juan Gris, Pablo Picasso ou Joan Miró, on y rencontre Isaac Albéniz et Manuel de Falla. Ce dernier est lui-même introduit dans les milieux musicaux parisiens où il fréquente Claude Debussy, Maurice Ravel ou encore Paul Dukas.
Le premier compositeur à influencer la nouvelle génération est Isaac Albéniz. Son œuvre Iberia, douze impressions pour piano, composée de 1905 à 1909, inspire de nombreux musiciens. Claude Debussy, le premier conquis, compose lui-même des Images pour orchestre, dont le mouvement central s’intitule également Iberia. Cette œuvre ébahit Manuel de Falla qui dira : Debussy a prétendu, non pas faire de la musique espagnole, mais bien traduire ses impression d’Espagne, d’une Espagne qu’il ne connaissait guère ou pas, et qu’il imagine avec une exactitude incroyable.
De son coté, Maurice Ravel est également séduit par le charme musical d’Albéniz. Il reprend même le titre Rhapsodie espagnole utilisé par son confrère catalan pour l’une de ses œuvres. Comme son aîné Debussy, Ravel saisit toute l’essence du folklore espagnol, utilisant librement les rythmes et les mélodies populaires propres à la péninsule ibérique.
Auteur : Jean-Marc Goossens