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La musique classique dans le jazz
Jazz et musique savante européenne
Le jazz est un genre musical qui s’est développé au XXe siècle. Il vient de la communauté noire du sud des États-Unis, en particulier de La Nouvelle-Orléans, et puise ses origines notamment dans le blues et le negro spiritual. Bien qu’il reste porté par la population afro-américaine, le jazz est né de la rencontre de sa musique avec la musique européenne. À l’exception du saxophone et de la batterie, les instruments utilisés (contrebasse, piano, trompette, trombone, clarinette, etc.) viennent de la musique classique occidentale. Bon nombre de jazzmen, en particulier les pianistes, connaissent la théorie musicale et les œuvres classiques européennes dont ils cherchent à briser les règles, promulguées par la culture blanche dominante, et à renverser la hiérarchie : ainsi, ce n’est plus le compositeur qui est au centre de la création, mais bien l’interprète.
Les innovations du jazz résident principalement dans :
- un rapport au temps caractérisé par une pulsation rythmique très souple appelée le swing (balancement) ;
- une spontanéité permise par l’improvisation, centrale en jazz ;
- un enrichissement des accords qui agrandit la palette des couleurs.
En dépit de ces différences essentielles, le ragtime est la forme la plus « européenne » de la musique afro-américaine. Il est issu d’un croisement entre ses figures rythmiques balancées et les marches et polkas de compositeurs comme Frédéric Chopin et Franz Liszt. Dès 1890, un groupe de musiciens (dont font partie Scott Joplin, Joseph Lamb, Tom Turpin et un musicien blanc, James Scott) commence à bâtir un répertoire de ragtimes, essentiellement pour le piano et parfois pour le banjo.
Dans les années 1950 et 1960, des musiciens de jazz (notamment les pianistes Don Shirley et Cecil Taylor) tentent de lancer un courant musical alliant jazz et musique classique européenne. Élevé dans un milieu bourgeois de New York et diplômé du Conservatoire de Boston (chose plutôt rare pour un musicien noir, Nina Simone n’aura pas ce privilège), Taylor essaie de fondre les techniques des compositeurs européens avec les musiques traditionnelles afro-américaines afin de créer une énergie nouvelle – sans succès, la principale difficulté étant l’incompatibilité des deux univers rythmiques.
À l’inverse, des compositeurs européens d’avant-garde ont invité le jazz dans leurs œuvres : Maurice Ravel (la Sonate pour violon, le Concerto en sol), Igor Stravinski (Ragtime, Piano-rag music, Ebony Concerto), Kurt Weill (L’Opéra de quat’sous), Chostakovitch (les Suites pour orchestre de jazz), pour ne citer qu’eux.
Reprises d’œuvres classiques européennes dans le jazz
Nombreux sont les jazzmen à citer, arranger, transformer des œuvres du répertoire classique européen en y ajoutant une touche personnelle. Ainsi, Duke Ellington arrange Peer Gynt de Grieg et Casse-Noisette de Tchaïkovski. Il reprend la marche funèbre (Sonate pour piano n° 2) de Chopin à la toute fin de Black and Tan Fantasy. Phil Woods écrit Rights of Swing, en référence au Rite of Spring (Sacre du printemps) de Stravinski et dont le thème principal est repris et transformé dans le presto final. Des extraits de Carmen de Bizet sont cités par Charlie Parker (surnommé « Bird »), Barney Kessel, Peter Lipa… On n’oubliera pas non plus les œuvres de Beethoven, telles la Sonate op. 27 n° 2 « Clair de lune » qui sera métamorphosée sous les doigts du guitariste Marcus Miller, et la Symphonie n° 7, dont John Kirby et son orchestre offrent une version aussi dansante qu’enthousiaste du deuxième mouvement. Citons également la reprise du Concerto de Aranjuez de Rodrigo par Miles Davis dans son album Sketches of Spain ou les reprises de Bach par les Swingle Singers.
Sources principales
- Joachim-Ernst BERENDT (dir.), Une histoire du jazz, Paris, Fayard, 1976
- Paul F. BERLINER, Thinking in Jazz: The Infinite Art of Improvisation, Chicago, The University of Chicago Press, 1994
- Philippe CARLES, André CLERGEAT et Jean-Louis COMOLLI, Le Nouveau dictionnaire du jazz, Paris, Robert Laffont, 2011
- Julien DELLI FIORI, Le Jazz, Paris, Le Cavalier bleu, collection Idées reçues, 2010
- Michel YVES-BONNET et Alain STOLTZ, Jazz’n’Jazz : une histoire du jazz, Paris, L’Instant, 1987
Suggestions d’écoute
- Écouter les suites extraites de Peer Gynt de Grieg et comparer avec la version jazz de Duke Ellington.
- Écouter la suite de danses extraites de Casse-Noisette de Tchaïkovski et comparer avec la version jazz de Duke Ellington.
- Écouter le premier mouvement de la Sonate op. 27 n° 2 « Clair de lune » de Beethoven et comparer avec la version jazz de Marcus Miller
Auteure : Lisa Petit