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Antonín Dvořák (1841-1904)
Au cœur de la Bohême
Antonín Dvořák est né en 1841 sur les bords de la Vltava, à Nelahozeves. Ce village tchèque au nord de Prague jouxte le mont Řipville où se serait établit le personnage mythologique Čech, patriarche de la nation tchèque et la ville historique de Mělníkville royale de Ludmila, sainte née vers 860, dont la vie est liée à la naissance du royaume de Bohême et à sa christianisation, deux lieux chargés de symboles forts pour l’identité de la Bohême. Les parents d’Antonín tiennent la boucherie-auberge de ce village et son père est un musicien amateur, comme il en existe tant à cette époque dans les campagnes de Bohême. Quelques années avant la révolution de 1848, Antonín grandit donc plutôt épargné par la germanisation qui pèse sur cette région annexée à l’Empire austro-hongrois depuis plus de trois siècles.
Un mauvais élève, mais avec la complicité de ses professeurs
Antonín débute le violon avec l’instituteur de son village et intègre très rapidement l’orchestre municipal. Mais sa connaissance de la musique se résume à celle qu’il pratique à l’église et aux bals de l’auberge. Son père est loin d’envisager pour lui une carrière musicale et le destine à prendre sa succession à la boucherie. Il l’envoie étudier dans des villes proches, notamment l’allemand, langue alors indispensable à toute activité commerciale. Mais ses professeurs repèrent les dons exceptionnels de l’enfant pour la musique et encouragent leur élève dans cette voie, au grand détriment de son apprentissage de l’allemand… et des projets de son père. Malgré cela, Antonín est contraint de travailler dans la boucherie familiale dès l’âge de quinze ans, jusqu’à ce que ses deux anciens professeurs parviennent à convaincre son père de lui laisser sa chance. À l’automne 1857, il intègre l’école d’orgue de Prague.
Prague, le Théâtre Provisoire et Smetana
À Prague, Antonín obtient aisément son diplôme. Pour gagner sa vie, il joue dans les bals et les brasseries jusqu’à ce qu’il devienne altiste dans l’orchestre qui assure les représentations d’opéras du Théâtre provisoire. La fosse du théâtre devient une véritable école de composition pour le jeune musicien, alors âgé d’une vingtaine d’années. C’est aussi le lieu de sa rencontre avec un compositeur de dix-sept ans son aîné, qui joue un rôle primordial dans le monde musical et politique tchèque, Bedřich Smetana (1824-1884). En plus d’être un modèle, celui qui composera La Moldau devient pour Dvořák un allié de poids qui lui permet de se faire connaître dans les milieux artistiques et culturels de Prague.
De ses premières œuvres aux premiers succès
Dvořák s’essaie déjà à la composition, mais presque en secret. Son perfectionnisme le pousse parfois à détruire une partie de son travail. À travers ses premières œuvresvers 1865 : deux symphonies, un concerto pour violoncelle, un quintette avec clarinette ; en 1870, son premier opéra : Alfred, le jeune compositeur construit son style, influencé par des courants divers, parfois opposés : le romantisme allemand, l’esthétique nouvelle incarnée par la musique de Liszt et de Wagner, le langage de la tradition tchèque et le gigantisme de Smetana. Peu à peu apparaît la sonorité unique de la musique de Dvořák. Enfin, en 1873, il obtient la reconnaissance du milieu musical de Prague avec la création de sa cantate patriotique, Hymnus.
Encouragé, il prend l’initiative de quitter son poste d’alto solo pour celui d’organiste à l’église Saint-Adalbert de Prague, et peut ainsi se consacrer encore davantage à la composition. Cette même année, il épouse la jeune chanteuse Anna ČermákováIls formeront tous deux un couple très uni, duquel naîtront neuf enfants.. En 1874, son opéra Les Têtes dures lui apporte un premier grand succès public et en 1875, Dvořák présente sa Symphonie n° 3 à un concours. Il obtient ainsi une bourse d’État et, plus important, il acquiert la reconnaissance d’un jury constitué des grandes figures du monde musical de Vienne : le critique Eduard Hanslick, le directeur de l’Opéra impérial, Johannes Herbeck, et surtout, le compositeur Johannes Brahms.
Une notoriété qui s’étend au-delà de l’Atlantique
En 1878, il envoie à Johannes Brahms, devenu son ami, treize Chants moravesdont la création fut encouragée par la rencontre de Dvořák avec un autre jeune compositeur épris de son pays, Leoš Janáček que le compositeur allemand confie à son éditeur. La publication de ces chants étend la notoriété de Dvořák à travers toute l’Europe et marque le début d’une série d’œuvres imprégnées des rythmes et de l’esprit slaves.
Mais ces années correspondent aussi à une période douloureuse pour le couple Dvořák. Trois de leurs jeunes enfants décèdent. Dvořák achève justement en 1877 un Stabat Mater, oratorio qui devient un lieu d’expression de son propre vécu. Cette œuvre composée dans un contexte tragique est couronnée d’un succès international. La réputation du compositeur s’étend progressivement jusqu’en Angleterre - pays où il effectue plusieurs tournées dès 1884 - et en Amérique. Le jeune villageois tchèque, initialement destiné au métier de boucher, est même nommé en 1892 directeur du Conservatoire national de New York.
Le message de Dvořák
Dvořák est un compositeur fécond qui a su intégrer son identité slave à l’héritage musical du romantisme allemand. Sa musique, même celle qu’il compose au « Nouveau Monde » (la Symphonie n° 9 dite « Du nouveau monde » ; le Quatuor « américain » ; le Te Deum ; le Concerto pour violoncelle) alors qu’il s’intéresse au folklore de ce pays, est riche des couleurs de sa terre natale, traversée des rythmes pointés et syncopés des danses de Bohême et de Moravie. Par ses mélodies naturelles, ses atmosphères et ses harmonies, elle évoque la nature, la culture tchèque et slave. L’âme de sa nation et de son peuple semble inhérente au langage de Dvořák. Aux jeunes compositeurs américains venus suivre ses enseignements, il tente de transmettre un message : il leur faut chercher dans les genres les plus populaires et parfois méprisés de leur pays, dans la musique indienne ou les negro spirituals, les trésors qui nourriront leur écriture.
De retour au pays
Après deux années passées en Amérique, il revient à Prague. Malgré sa célébrité, il reste toujours aussi humble, reprenant son travail de composition ainsi que son poste d’enseignant au Conservatoire. Il signe son dernier grand chef-d’œuvre avec l’opéra Rusalka (1900) avant d’être gagné par la maladie. Il peut assister au grand hommage qui lui est rendu lors du premier Festival de musique tchèque de Prague en 1904 avant de succomber, le 1er mai, à une congestion cérébrale. Il est enterré auprès de Smetana sur les bords de la Moldau.
L’essentiel
- Empruntant la voie de l’édification d’une musique nationale tracée par Smetana, Antonín Dvořák (1841-1904) est reconnu de son vivant comme le plus grand compositeur tchèque.
- Son langage, fusion de l’héritage de la musique romantique allemande et de l’âme slave, traduit constamment son attachement à sa terre natale.
- Sa notoriété s’étend jusqu’aux États-Unis où on lui demande de venir diriger le Conservatoire national de New York.
- Même si ses Danses slaves (1878, 1886) sont à l’origine de sa célébrité, sa Symphonie n° 9 « Du nouveau monde » (1893) et surtout son opéra Rusalka (1900) sont ses plus grands chefs-d’œuvre.
Auteure : Aurélie Loyer