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Musique d’Europe centrale
Vers une identité culturelle
Le XIXe siècle est marqué en Europe par l’émergence des nations. Depuis plus de deux siècles, les peuples d’Europe centrale subissent la domination des Habsbourg qui imposent la langue et la culture allemandes à une région majoritairement slave. Mais les idées du Siècle des lumières éveillent la conscience identitaire des peuples. Qu’ils soient de Bohême, de Moravie, de Hongrie ou de Transylvanie, les compositeurs expriment leur engagement nationaliste. Ils retournent aux sources de leur culture respective et redécouvrent le folklore de l’Europe centrale dont l’image était jusque-là restreinte.
Le verbunkos ou danse de recrutement
À partir du milieu du XVIIIe siècle, le verbunkos suscite un engouement certain chez les compositeurs européens. Cette danse, créée par les hussards et les tziganes hongrois, est initialement destinée à l’enrôlement des soldats. Ses rythmes puissants et entraînants ont séduit des compositeurs tels que Haydn, Beethoven, Schubert, Liszt et plus tard Bartók . Mais la musique folklorique de l’Europe centrale est pleine d’autres richesses qui vont successivement se révéler sous l’impulsion des différentes écoles nationales, particulièrement l’école tchèque et l’école hongroise.
L’école tchèque
La République tchèque est formée de la Bohême et de la Moravie. La vie musicale y est très développée depuis le Moyen Âge, et Prague, sa capitale, a attiré de nombreux musiciens de talent. À l’heure de la conquête d’une identité culturelle, Bedřich Smetana (1824-1884), jeune compositeur issu de la bourgeoisie germanophone, devient l’un des personnages principaux de la propagation du nationalisme. Il ouvre la voie de l’école nationale tchèque avec deux opéras emblématiques : La Fiancée vendue (1866) et Dalibor (1868), opéra composé sur le thème de la lutte contre la domination étrangère. Lorsque Antonín Dvořák (1841-1904), originaire d’un village reculé de Bohême, découvre sa musique, elle déclenche chez lui le même élan pour un langage nourri de folklore. De même que son compatriote Leoš Janáček (1854-1828), il va plus loin dans la recherche d’un style national, élargissant sa connaissance du folklore slave et le transposant dans sa musique. Janáček récolte tout au long de sa vie des chants populaires moraves, portant la même attention à la langue qu’à la musique, qu’il estime indissociables. Il compose une dizaine d’opéras dont le plus populaire est La Petite Renarde rusée (1924).
L’école hongroise
À l’aube du XXe siècle, les sentiments nationalistes s’intensifient encore. Béla Bartók (1881-1945) est particulièrement sensible à l’oppression de la Hongrie. Sa réflexion sur la création d’une musique profondément hongroise ainsi que sa rencontre avec Zoltán Kodály (1882-1967) le poussent à étudier avec ferveur la musique folklorique de son peuple. Leur travail presque scientifique révèle la richesse et la complexité de ces mélodies populaires. Chacun à leur manière, ils en imprègnent leur œuvre. Kodály réutilise assez fidèlement les chants traditionnels, mais Bartók s’en inspire pour réinventer un « folklore imaginaire ». Leur esprit patriotique est doublé d’un grand sens de la fraternité humaine et ils étudient aussi bien les chants hongrois que roumains, yougoslaves, turques ou arabes. Plus de dix mille mélodies sont répertoriées. Kodály se consacre assidûment à la pédagogie et devient le personnage central de l’éducation musicale en Hongrie.
Auteure : Aurélie Loyer