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Johannes Brahms (1833-1897)
Une jeunesse bercée de musique et de littérature
Le père de Johannes Brahms, Johann Jakob (1806-1872), apprit à jouer de plusieurs instruments : flûte, cor, violon et contrebasse. En 1830, il intègre une fanfare locale comme corniste. Il intervient également comme flûtiste et contrebassiste dans l’orchestre de la Philharmonieassociation musicale d’amateurs ou de professionnels de Hambourg, destinée à donner des concerts. Les conditions de vie de la famille Brahms sont précaires mais celle-ci vit dans le quartier respectable de la classe moyenne. Le jeune Johannes reçoit d’ailleurs un solide enseignement. Il étudie l’histoire, les mathématiques, le français, l’anglais et le latin. En outre, c’est un avide lecteur. Cet amour des livres ne quittera jamais Brahms dont la bibliothèque, à la fin de sa vie, contient plus de 800 volumes. Parallèlement à ses journées d’écolier, Johannes apprend les premiers rudiments de la musique avec son père puis il prend des leçons particulières de piano et de violoncelle. La famille dispose déjà d’un piano et fait l’acquisition d’un violoncelle pour l’occasion. Après quelques années, un professeur de renom l’accepte comme élève. Johannes continue donc l’étude du piano, complétée par un apprentissage théorique de la musique. Dans cette classe, il découvre Johann Sebastian Bach (1685-1750) et les compositeurs classiques viennoisHaydn (1732-1809), Mozart (1756-1791) et Beethoven (1770-1827).
Un caractère romantique passionné et réservé
La vigueur et la fougue dont fait preuve le jeune Brahms au piano répondent à son enthousiasme pour la poésie romantique allemande qui donne vie aux rêves mais laisse aussi s’épancher la nostalgie de l’être. C’est l’époque de la valorisation du folklore tant littéraire que musical, des contes et légendes germaniques et des danses et mélodies populaires. FaustHéros de nombreuses œuvres littéraires, musicales, picturales, Faust vendit son âme au diable en échange du savoir et des plaisirs terrestres. et Siegfriedhéros mythique des peuples germaniques, symbole de ruse et de force font partie des figures auxquelles les artistes s’identifient. Ces personnages sont porteurs de valeurs, d’idées fortes que la musique peut, elle aussi, incarner. Ainsi, la Symphonie n° 5 de Beethoven, que Brahms étudie et admire, illustre le caractère implacable du destin dans son premier mouvementUn mouvement est une partie d’une œuvre musicale. La symphonie, œuvre pour orchestre, compte généralement quatre parties, donc quatre mouvements.. Une autre œuvre marque le jeune musicien, qui met en scène un personnage légendaire : c’est l’opéra Don Giovanni de Mozart. Ce caractère passionné de Brahms pour la littérature et la musique et son talent de musicien n’en font pas moins quelqu’un de timide et réservé. Sa modestie, combinée à son exigence au travail, le poussera toute sa vie à détruire des partitions qui ne lui semblent pas satisfaisantes.
Une carrière pleine de promesses
1853 est une année charnière dans la vie de Johannes Brahms. Sa vingtième année est consacrée à une tournée de concerts en Allemagne. Il rencontre les grands compositeurs de son temps : Franz Liszt, Hector Berlioz, Robert et Clara Schumann. Fait remarquable, Robert Schumann, suite à cette rencontre, écrit dans son journal à la date du 30 septembre : Brahms est venu me voir, un génie.
Encouragé par son aîné, Brahms persévère dans la composition mais n’en approfondit pas pour autant l’étude. Il apprend le contrepoint, explore le répertoire de la musique ancienne et compose pour l’orchestre deux Sérénades (l’Opus 11 et l’Opus 16) et le Concerto pour piano n° 1 dont le deuxième mouvement (Adagio) serait un « portrait délicat » de Clara Schumann.
Pour gagner sa vie, il donne des concerts en tant que pianiste puis comme chef d’orchestre. Sa renommée sur le continent traverse les frontières et même l’océan puisque jusqu’aux États-Unis, le musicien allemand est admiré. Afin d’être libre de composer à sa guise, Brahms refuse des postes importants à la tête d’institutions musicales. Toutefois, en 1862, il accepte le poste de directeur de l’Académie de chant de Vienne puisque celui de la Philharmonie de Hambourg, qu’il brigue depuis un moment, lui échappe. Il élargit le répertoireensemble des œuvres qu’a l’habitude de jouer un musicien ou un groupe de musiciens du chœur de l’Académie à la musique ancienne et à ses propres œuvres.
En 1872, il devient directeur des concerts de la Société des Amis de la Musique de Vienne et en rénove le fonctionnement. En effet, il remplace les musiciens amateurs de l’orchestre par des professionnels et augmente le nombre d’heures de répétition. Là-encore, il enrichit le répertoire de musique ancienne mais également de pièces de ses contemporains.
C’est dans la ville de Vienne qu’il fait la rencontre de Richard Wagner, compositeur dont il admire et défend la musique, bien que la réciproque ne soit pas vraie. En 1870, à Munich, il assista d’ailleurs aux premières de deux opéras de Wagner : L’Or du Rhin et La Walkyrie.
La musique de Johannes Brahms est enracinée dans la tradition et il compose selon les formes musicales employées par ses prédécesseurs. Mais il est aussi un musicien de son temps. C’est pourquoi, animé par l’esprit romantique, il amplifie ces formes. De plus, il y insuffle le sang neuf de matériaux populaires. En effet, en 1848, l’Europe est le théâtre de soulèvements populaires à caractère social mais aussi - c’est le cas en Hongrie - national. Le peuple hongrois aspire à l’indépendance vis-à-vis de l’Autriche. Suite à l’écrasement de cet embrasement populaire, des réfugiés politiques hongrois font escale à Hambourg d’où ils s’embarquent pour fuir aux États-Unis. Le jeune Johannes est ainsi exposé à la musique hongroise, à ses rythmes irréguliers et à son rubatoDe l’italien « temps volé », consiste à faire fluctuer le tempo, la vitesse d’exécution d’une mélodie, en fonction du sentiment qui s’en dégage, tout en gardant la basse bien régulière. qui forment certains des ingrédients typiques des thèmes d’Europe de l’est.
L’imagination créatrice contenue
Brahms ne renouvelle pas les formes classiques de la musique, il compose selon les formations et les modèles existants. Mais ce moule formel classique est investi par son approfondissement du développementfaculté de faire durer la musique, comme le romancier qui ne se contente pas de quelques phrases pour raconter son histoire tel qu’inventé par Beethoven. À peine énoncée, chaque idée thématique est commentée, variée, notamment à partir des outils du contrepoint hérité de Bach. Cela donne sa densité polyphonique à la musique brahmsienne et rappelle les brumes à la fois légères et épaisses du Schleswig HolsteinLe Schleswig Holstein est un des länder composant l’Allemagne. qui en font tout le charme et le mystère. Il ne s’adonne pas au genre alors en vogue de la musique à programme, qui adopte la forme de l’histoire « racontée » : les contrastes sont le reflet des rebondissements contenus dans le récit et les personnages sont représentés par un thème joué par un instrument particulier et dont les nuances précisent l’humeur et l’évolution tout au long de la partition. Brahms n’a pas composé d’opéra non plus. En revanche, nombreuses sont ses œuvres lyriquesautrement dit : œuvres vocales et que l’on nomme lieder ou cantates par exemple composées d’après un texte littéraire. À celles-ci s’ajoutent les pièces instrumentales dont le thème est tiré d’un lied.
À l’automne de sa vie
À la fin de sa vie, Johannes Brahms se retire de la vie publique. Sa rencontre avec le clarinettiste Richard Mühlfeld revêt une importance particulière. En effet, cette amitié et la redécouverte d’un instrument au timbre velouté, la clarinette, stimulent l’imagination du compositeur. Il écrit en hommage à cet ami plusieurs pièces de musique de chambre empreintes d’une profonde mais sereine mélancolie. De cet esprit sont à rapprocher ses dernières pièces pour piano, miniatures qui signent elles aussi le testament musical de l’Allemand du nord tombé amoureux de l’Italie et de la lumière des Alpes autrichiennes.
Auteure : Elsa Siffert