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Œuvre
Les Hébrides, Ouverture op. 26
Felix Mendelssohn-Bartholdy
Carte d’identité de l’œuvre : Ouverture Les Hébrides (La Grotte de Fingal) de Felix Mendelssohn-Bartholdy |
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Genre | Musique symphonique |
Composition | 1830-1831 à Rome (révisions en 1832 et 1833) |
Dédicataire | Prince héritier de Prusse (plus tard Roi Frédéric Guillaume IV) |
Création | 14 mai 1832 à Londres, sous la direction du compositeur |
Forme | Ouverture de concert |
Instrumentation | Bois : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons Cuivres : 2 cors, 2 trompettes Percussions : timbales Cordes frottées : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Une grotte inspiratrice
L’archipel des Hébrides, situé à l’ouest des côtes écossaises, abrite une merveille géologique : la grotte de Fingal. Elle perce les falaises de Staffa, une île minuscule et sauvage restée inhabitée. Il faut donc prendre le large pour découvrir la grotte et admirer ses colonnes basaltiques incroyables que les Celtes disaient sculptées par des géants. La mer s’y engouffre dans un couloir étroit avoisinant les 70 mètres de longueur : l’écho y démultiplie le clapot des vagues et crée un phénomène sonore qui valut à la grotte le surnom de « caverne musicale ». Au cours des siècles, le charme mystérieux de la grotte de Fingal fit naître légendes et œuvres d’art. On la découvre dans les écrits de James Macpherson(1736-1796) Poète écossais de la période classique, Walter Scott(1771-1832) Écrivain écossais de la période romantique. La grotte est évoquée dans le poème Le Seigneur des îles, dont une édition est illustrée par Turner. ou Jules Verne(1828-1905) Écrivain français de la période romantique. Jules verne a d’abord brièvement évoqué cette grotte dans le roman d’aventures maritimes Le Chancellor, puis il y a situé une scène de son roman Le Rayon vert., dans les tableaux de William Turner(1775-1851) Peintre anglais de la période romantique ou Thomas Moran(1837-1926) Peintre états-unien de la période romantique, dans la chanson « Fingal’s Cave » des Pink FloydGroupe de rock britannique, formé en 1965. Mais l’hommage le plus célèbre de l’histoire des arts est sans doute l’ouverture op. 26 de Felix Mendelssohn, baptisée successivement Les Hébrides, L’Île solitaire et La Grotte de Fingal.
Contexte de composition et de création
Entre 1829 et 1832, Mendelssohn, jeune musicien allemand, entreprend un long voyage à travers l’Europe à partir de son Allemagne natale. Il s’embarque pour le Royaume-Uni et visite Londres avant de poursuivre son périple en Écosse : durant l’été 1829, il traverse les Hébrides et y esquisse le thème de son futur opus 26. C’est toutefois à Rome qu’il écrit la majeure partie de l’œuvre, au cours de l’hiver 1830-1831. Un an plus tard, Mendelssohn, encore insatisfait, confie à sa sœur Fanny : le développementDans une forme « allegro de sonate », il s’agit de la section centrale dans laquelle les thèmes principaux sont soumis à diverses mutations, c’est aussi une zone d’exploration libre où le compositeur peut proposer de nouveaux éléments. sent davantage le contrepointart d’agencer ensemble des mélodies, à l’intérieur d’une polyphonie que les mouettes et la morue salée, et ce devrait être le contraire…
Il remanie l’ouverture, lui donne son titre définitif Les Hébrides et en dirige la création à Londres, le 14 mai 1832. Le succès de l’œuvre, immédiat, perdure aujourd’hui.
Déroulé de l’œuvre
L’ouverture Les Hébrides constitue une marine musicale particulièrement évocatrice. Malgré l’abstraction du medium sonore, la mer s’y découvre à chaque instant, dans les flux et reflux de l’orchestre, dans les déferlements abrupts ou dans les accalmies tout aussi soudaines. La représentation du monde marin véhicule une charge émotionnelle conséquente, propre au langage romantique. Dès lors, s’immerger dans l’œuvre de Mendelssohn revient à effectuer une traversée psychologique, doublée d’un voyage imaginaire dans l’archipel des Hébrides.
L’exécution des Hébrides couvre une dizaine de minutes et nécessite un orchestre symphonique traditionnel, avec boisflûtes, hautbois, clarinettes et bassons par deux, cors, trompettes et timbales. À l’époque de la composition, le genre de l’ouverture de concert désigne une pièce orchestrale autonome d’un seul mouvement, souvent sous-tendue par une inspiration extra-musicale. Cependant, Mendelssohn ne suit pas ici une trame narrative définie. Il privilégie l’évocation libre des mers écossaises et constitue ainsi ce que certains musicologues qualifieront de premier « tableau marin » de l’histoire de la musique. Aucune narration n’imposant son déroulé formel, Mendelssohn choisit d’agencer sa composition selon le modèle de l’« allegro de sonate »Forme musicale très courante à partir de la période classique (environ 1750–1820). Dans ses grandes lignes, elle agence une exposition (elle-même constituée d’une première zone tonale, d’un « pont », d’une deuxième zone tonale), un développement, une réexposition, puis une coda.. Schématiquement, deux thèmes principaux constituent l’« exposition », ils sont soumis à des mutations pendant le « développement », puis sont repris lors de la « réexposition ».
Comme la mer toujours mouvante, le mouvement mélodique ne s’interrompt jamais dans les Hébrides. Le premier thème, construit à partir d'un motif principal – six notes exposées par le basson et les altos et en partie par les violoncelles –, forme une vague inlassablement répétée. Bientôt, il évolue vers les aigus des violons et gagne en intensité avec l’adjonction du contrechantMélodie secondaire houleux des basses.
Le second thème s’élève avec grâce aux violoncelles et aux bassons. Bien qu’il apparaisse plus chantant que le précédent, il appartient au même univers, comme le soulignent les remous des violons en accompagnement.
D’ailleurs, le premier motif est vite réintroduit et s’enfle en quelques mesures : sonneries de cuivres, martèlement des bois, roulements de timbales, cordes véloces… le tumulte orchestral pourrait être celui d’un orage marin. Cette section tempétueuse amorce le développement, une partie où, traditionnellement, le compositeur retravaille les thèmes précédemment exposés. Mendelssohn subdivise le sien en trois épisodes : la figuration orageuse d’après le premier thème, une accalmie à partir du second puis du premier, la mutation chevaleresque et de nouveau fracassante du premier… Si la réexposition ramène les deux thèmes dans des configurations semblables à celles d’origine, la mer imaginée par Mendelssohn reste changeante, puisqu’un dernier orage trouble l’ouverture : l’orchestre rugissant de la codasection terminale d’une œuvre musicale ne s’apaisera qu’avec les ultimes mesures.
Pour compléter cette étude, n’hésitez pas à rencontrer Monsieur Onde.
Références
- Chion, Michel, Le Poème symphonique et la musique à programme, Fayard, 1993
- François-Sappey, Brigitte, La Musique dans l’Allemagne romantique, Fayard, 2009
- François-Sappey, Brigitte, Felix Mendelssohn, Fayard, 2003
- Tranchefort, François-René (direction), Guide de la musique symphonique, Fayard, 1986
Auteure : Louise Boisselier