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Œuvre
Symphonie n° 38 « Prague »
Wolfgang Amadeus Mozart
Carte d’identité de l’œuvre : Symphonie n° 38 « Prague », KV 504 de Wolfgang Amadeus Mozart |
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Genre | musique symphonique |
Composition | achevée en décembre 1786 à Vienne (Autriche) |
Création | 19 janvier 1787 à Prague (Royaume de Bohême, actuelle République tchèque) |
Forme | en 3 mouvements : 1. Adagio, Allegro 2. Andante 3. Presto |
Instrumentation | Bois : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 bassons Cuivres : 2 cors, 2 trompettes Percussions : timbales Cordes frottées : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Contexte de composition et de création
À Vienne où il vit depuis quelques annéesMozart vit à Vienne de 1781 jusqu’à sa mort en 1791, Mozart (1756-1791) s’est libéré de la tutelle du prince-archevêque Hieronymus von Colloredo qui l’oppressait à Salzbourg et de ses fonctions de musicien de la cour. Bien que son talent se soit affirmé au contact des musiciens allemands, italiens et français rencontrés au cours de ses nombreux voyages, Mozart traverse une période contrastée sur le plan artistique. Il devient franc-maçon et compose ses premières œuvres destinées aux réunions de sa loge ; la pensée maçonnique, marquée par un idéal de fraternité et de charité, laissera dès lors son empreinte sur ses convictions et sur sa musique. Mais son succès à Vienne n’est pas aussi éclatant qu’il l’espérait : après lui avoir fait un triomphe pour son opéra L’Enlèvement au Sérail, la capitale accueille avec tiédeur Les Noces de Figaro, dont l’audace des situations et l’originalité de la musique ne rencontrent pas pleinement les faveurs du public.
À 31 ans, Mozart éprouve durement l’indifférence des cercles aristocratiques viennois et traverse de nouveau une situation financière instable. Se sentant incompris, il songe à partir pour l’Angleterre, mais c’est en Bohême qu’il trouvera un peu de joie à l’orée des quatre années qui lui restent à vivre.
En janvier 1787, Mozart est invité à Prague. La ville, alors sous domination des Habsbourg, est un centre culturel important avec une vie musicale très active. Son opéra Les Noces de Figaro y a été accueilli avec enthousiasme, ce dont témoigne une lettre de Mozart du 15 janvier 1787 : Ici on ne parle de rien d’autre que de – Figaro ; on ne joue, ne sonne, ne chante et ne siffle rien que – Figaro ; on ne va voir d’autre opéra que – Figaro et toujours Figaro.
À Prague, Mozart se produit dans un concert où il improvise au pianofortel’ancêtre du piano sous les acclamations du public. Pour l’occasion, il lui offre la primeur de sa trente-huitième symphonie, achevée quelques semaines plus tôt à Vienne et qui porte dès lors le surnom de « Prague ». C’est aussi dans cette ville que Mozart, neuf mois après l’accueil chaleureux reçu par la Symphonie n° 38, connaîtra un autre grand succès avec son opéra Don Giovanni.
Langage musical
Composée dans une période de maturité, la Symphonie n° 38 constitue l’une des grandes réussites orchestrales de Mozart. On y retrouve l’esprit galant illustrant pleinement le style du musicien, et caractérisé par le raffinement, l’équilibre entre les différentes familles d’instruments, la clarté et l’élégance des mélodies. Les « couleurs » des accords restent simples, agréables à l’oreille. Chez les musiciens « classiques », la couleur de la tonalité de ré majeur est souvent associée à la grandeur et à l’éclat, et Mozart l’emploie ici pour accentuer le caractère héroïque de sa musique. Mais le compositeur ne délaisse pas l’expressivité, bien au contraire : il traite les instruments à la manière de voix chantantes et marque les moments de grande intensité notamment grâce aux tuttitous les instruments jouent au même moment qui contrastent avec les épisodes légers et aériens.
Bien que parfaitement classiqueTrès schématiquement, la musique de la période dite « classique » (de 1750 à 1820 environ) se reconnaît à ses thèmes musicaux lyriques et explicites, souvent construits en deux parties symétriques, un accompagnement dont la construction harmonique est simple et qui laisse s’exprimer le thème, la possibilité de surprises et de contrastes, tant dans les nuances que le caractère, le tempo ou l’instrumentation et la prépondérance du compositeur sur l’interprète, celui-ci voyant s’amoindrir les moments de liberté et d’improvisation., cette symphonie comporte néanmoins des innovations qui préfigurent la profondeur dramatique des dernières grandes œuvres orchestrales de Mozart. Contrairement à la plupart des symphonies de cette période, la Symphonie « Prague » ne comporte que trois mouvements au lieu des quatre habituels. L’absence de menuet, une danse courante dans les symphonies classiques, réduit l’œuvre à l’essentiel.
Par ailleurs, cette symphonie possède une dimension très théâtrale, probablement sous l’influence des opéras sur lesquels travaille Mozart à cette période. Dans le dernier mouvement, le compositeur emprunte même une mélodie à son dernier opéra, Les Noces de Figaro ! De plus, il traite les instruments comme des personnages qui apparaissent, par exemple, dans la conversation raffinée entre les vents et les cordes. De nouvelles couleurs d’accords enrichissent le discours, en introduisant des tensions inattendues. Enfin, l’intensité dramatique est soulignée par des changements d’atmosphère soudains, notamment marqués par des contrastes entre forte (fort) et piano (doux).
Zoom sur le 1er mouvement (Adagio – Allegro)
Adagio
La symphonie débute par un épisode étonnant pour une symphonie de cette époque : une longue introduction adagio (lente), qui rappelle par sa gravité une ouverture d’opéra « sérieux », telle que celle d’Idoménée composé cinq ans plus tôt.
Tout l’orchestre lance un appel majestueux et théâtral, une sorte d’apostrophe à l’attention de l’auditoire, qui consiste en une série d’accords joués forte (fort) et à l’unissontous les instruments jouent les mêmes notes.
Comme en écho, la douceur des violons répond à ces accords et installe un jeu de contrastes dès les premières notes. Puis l’atmosphère s’obscurcit : l’orchestre, insistant, répète un long accord soutenu par un battement rythmique aussi régulier que le tic-tac d’une horloge, qui marque la gravité du moment. Les violons lui répondent à chaque fois par de légères arabesques.
Allegro
À la tension de l’introduction succède, sans transition, l’énergie triomphante de l’Allegro, au tempo rapide. Comme dans la plupart des premiers mouvements de symphonie de l’époque, deux mélodies principales, ou thèmes, interagissent comme deux personnages traversant différents paysages musicaux. Ils sont développés et transformés avant de réapparaître dans leur forme initiale à la fin du mouvement.
La première mélodie est jouée par un petit groupe de violons et accompagnée par les autres instruments à cordes. On la discerne à peine, car elle est jouée piano (doux), en demi-teinte, comme un petit air fredonné. Cette mélodie au caractère bucolique s’étoffe progressivement, colorée par des contrechants des autres instruments, pour devenir de plus en plus riche et élaborée.
La deuxième mélodie est présentée deux fois par les violons : la première fois, en mode majeur, elle est ensoleillée, tendre et sereine.
La deuxième fois, elle est jouée en mode mineur, ce qui assombrit son caractère et la rend plus nostalgique.
Sources
- Elias (Norbert), Mozart, sociologie d’un génie, La librairie du XXe siècle, Seuil, 1991
- Parouty (Michel), Mozart aimé des Dieux, Découvertes Gallimard Musique, 1988
- Tranchefort (François-René), Guide de la musique symphonique, Les indispensables de la musique, Fayard, 1986
Auteure : Hélène Schmit