Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : juillet 2005)
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Richard Galliano (1950-)
Alors que l’accordéon semblait n’avoir jamais vraiment connu de soliste majeur et que, par les connotations qui l’entourent, il semblait irrémédiablement éloigné du swing, Richard Galliano est parvenu, avec une détermination sans pareille, à imposer l’idée que son instrument était digne de figurer aux côtés des saxophones et trompettes qui sont au cœur de la musique de jazz. Inspiré par son admiration pour son ami Astor Piazzolla, inventeur du « Tango Nuevo », l’accordéoniste a réussi, en outre, avec son « new musette », à revitaliser une tradition bien française qui semblait ne jamais devoir connaître de renouveau.
L’appel du jazz
Né le 12 décembre 1950 à Cannes, fils d’un professeur d’accordéon d’origine italienne, Richard Galliano a débuté l’instrument à l’âge de quatre ans. Parallèlement à son apprentissage, il suit une formation au conservatoire de Nice, étudiant l’harmonie, le contrepoint et le trombone. À l’âge de 14 ans, il découvre le jazz au travers de Clifford Brown dont il relève les chorus et s’étonne que l’accordéon soit si peu présent dans cette musique. Il s’intéresse alors aux accordéonistes brésiliens (Sivuca, Dominguinhos), découvre les spécialistes américains qui se sont frottés au jazz (Tommy Gumina, Ernie Felice, Art Van Damme) et les maîtres italiens (Felice Fugazza, Volpi, Fancelli), rejetant en bloc le jeu traditionnel qui domine dans l’Hexagone. En 1973, Galliano monte à Paris où il séduit Claude Nougaro. Pendant trois ans, il assure la fonction d’arrangeur, de chef d’orchestre et même de compositeur dans un groupe où il côtoie d’authentiques jazzmen. Il participe, en outre, à de nombreuses séances d’enregistrement de variété (Barbara, Serge Reggiani, Charles Aznavour, Juliette Gréco, etc.) et à des musiques de film. Dès le début des années 1980, il multiplie les occasions de fréquenter des jazzmen de toutes obédiences et de pratiquer l’improvisation à leurs côtés : Chet Baker (sur un répertoire brésilien), Steve Potts, Jimmy Gourley, Toots Thielemans, le violoncelliste Jean-Charles Capon (avec qui il signe son premier disque), Ron Carter (avec qui il enregistre en duo en 1990), etc.
Un artiste polyvalent
En 1991, sur les conseils d’Astor Piazzolla qu’il a rencontré en 1983 à la faveur d’une musique de scène pour la Comédie Française, Richard Galliano fait retour sur ses racines, revenant au répertoire traditionnel de valses musettes, de java, de complaintes et de tangos qu’il avait longtemps ignoré. Renouant avec l’esprit de Gus Viseur et Tony Murena, il permet à l’accordéon de se défaire de son image vieillotte par un travail sur le trois temps, une autre conception rythmique, un changement des harmonies, qui l’acclimate au jazz. Enregistré avec Aldo Romano, Pierre Michelot et Philip Catherine, son disque-manifeste New Musette (Label bleu) lui vaut de recevoir le prix Django-Reinhardt de l’académie du Jazz en 1993 qui salue le « musicien français de l’année ». S’ensuit une série d’albums dans lesquels Richard Galliano manifeste, sur un modèle Victoria qu’il ne quitte plus, une aisance à adapter l’accordéon aux libertés du jazz, virtuose dans le phrasé, totalement décomplexé, d’une grande richesse dans la sonorité, habile à décloisonner les musiques à l’aide d’un instrument qui ignore les frontières.
En 1996, il traverse l’Atlantique pour effectuer un enregistrement (New York Tango, avec George Mraz, Al Foster et Biréli Lagrène). Sa réputation prend une envergure internationale et les collaborations se multiplient : des duos, parfois insolites, avec Enrico Rava, Charlie Haden, Michel Portal (1997, un vrai succès commercial), son confrère Antonello Salis (en Italie) ou encore Eddy Louiss (2001) ; un trio avec Daniel Humair et Jean-François Jenny-Clarke (de 1993 jusqu’à la disparition du contrebassiste en 1998), et des rencontres plus ponctuelles avec Jan Garbarek, Martial Solal, Hermeto Pascoal, Anouar Brahem… D’une rare polyvalence, Richard Galliano trouve ainsi les moyens de s’insérer avec musicalité dans n’importe quel contexte. En 1999, avec un orchestre de chambre, il fait entendre ses compositions aux côtés d’œuvres écrites par Astor Piazzolla. Ce travail trouve un prolongement en 2003 dans Piazzolla Forever, dans lequel Galliano rejoue les pièces de son mentor. Parallèlement, la parution en 2005 d’un album en trio avec une rythmique « américaine » composée de Clarence Penn et Larry Grenadier confirme son attachement indéfectible au jazz.