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Max Roach (1924-2007)
Miles Davis, qui prétendait « jouer simplement comme prêche un prédicateur », écrit dans ses mémoires : Max Roach m’a tout appris quand nous vivions ensemble et que nous jouions avec Charlie Parker. Il m’a enseigné que le drummer doit toujours protéger le rythme par une pulsation intérieure, il est le gardien du groove , et pour cela il faut la foi, un rythme au sein du rythme. Quand un drummer ne l’a pas, c’est la merde, et même la mort !
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Des rencontres décisives
Né le 10 janvier 1924 à Newland (Caroline du Nord, États-Unis), Max Roach n’a jamais été un musicien du ghetto. Miles Davis, son meilleur ami, lui reprochait sa naïveté quant aux relations raciales. Miles n’a pas supporté longtemps son séjour à la Juilliard School. Max, son aîné d’un an à peine, est sorti à 17 ans du Conservatoire (en 1942) avec son diplôme de percussion classique. Il a passé son enfance le plus loin possible de l’Amérique profonde, à Brooklyn, ce quartier-pilote de l’intégration où débarquaient en même temps les affamés des Caraïbes et les fugitifs du fascisme ou du nazisme. Il va indifféremment écouter les big bands et les orchestres symphoniques. La musique est son destin, il le sait, et la chance lui sourit.
Max Roach commence à jouer avec Dizzy Gillespie, et le beau-frère de Billie Holiday lui propose de remplacer pour quelques soirs Sonny Greer chez Duke Ellington. À 17 ans, il se retrouve au sommet de la pyramide : dans le plus bel orchestre de la musique contemporaine américaine, le voilà qui surplombe tous les autres musiciens. Duke l’a voulu ainsi : il est le chef, mais le batteur est en haut. Max Roach comprend qu’un drummer peut être aussi un leader. Il se souvient d’avoir admiré le génial Chick Webb, mort à trente ans après avoir dirigé l’un des plus beaux big bands, devenu celui de sa jeune chanteuse Ella Fitzgerald. Chick Webb était nain et bossu. Max Roach est grand et athlétique. Ses deux drummers favoris sont les disciples de Webb : Big Sid Catlett, et surtout « Papa » Jo Jones, le batteur de Count Basie dont le solo de cymbale deviendra le morceau de bravoure de Max Roach : Mr Hi Hat.
Vient la rencontre décisive : signe du destin, Max Roach est né, à quelques heures près, dix ans après Kenny Clarke. Il devient l’ami puis l’alter ego de ce génial rythmicien dont on dit que ses « bombes » ont inventé le be-bop, le jazz moderne. En alternance avec Kenny, Max joue avec Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Miles Davis, Thelonious Monk, Bud Powell... il est le benjamin de cette révolution qui superpose les rythmes les plus complexes à l’harmonie la plus subtile.
Des collaborations multiples et variées
En 1953, il participe au « concert du siècle » – à Toronto avec Gillespie, Parker, Powell et Mingus – et crève l’écran dans une scène inoubliable du Carmen Jones d’Otto Preminger. Son destin est scellé : il crée son propre groupe, où se révèlent Clifford Brown puis Sonny Rollins. Désormais, Max Roach sera son propre maître. En 1960, avec son épouse la chanteuse Abbey Lincoln et le vétéran Coleman Hawkins, il signe la Freedom Now Suite, disque-manifeste d’une décennie de luttes pour les droits civiques. Puis il retrouve Ellington et Mingus en studio, le temps d’un autre chef-d’œuvre, Money Jungle.
Sa musique se précise, et se diversifie : en solo, en quintette, en duos – avec Archie Shepp, Dollar Brand, Anthony Braxton, Cecil Taylor, Dizzy Gillespie... ou à la tête de « M’Boom », un prodigieux ensemble de percussions. Il multiplie les rencontres : avec des danseurs (Alvin Ailey, Bill T Jones), des rappeurs (avant tout le monde), des quatuors et des orchestres symphoniques, des percussionnistes du monde entier (par exemple en duo avec Tito Puente, le maestro porto-ricain des « timbales »)... Rien n’échappe à la musique de Max Roach, elle bat le pouls de toute la culture américaine, et bien au-delà, celui d’une musique universelle. Il ne lui manquait plus que de revenir à ses racines les plus profondes. Réunissant autour de lui une chorale de Gospel et des preachers, Max Roach s’inspire de son maître Duke Ellington, dont les Concerts Sacrés furent les plus belles performances de ses dernières années.
Auteur : Gérald Arnaud
(mise à jour : juin 2005 /extrait des notes de programme)