Accueil / Instruments / Histoires d’instruments / Le saxophone baryton dans le jazz : description et techniques de jeu
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Présentation
Instrument à vent à anche simple, le saxophone appartient à la famille des bois en dépit de sa facture presque toujours métallique. La famille brevetée en 1856 par Adolphe Sax comprend principalement le sopranino en mi bémol, le soprano en si bémol, l’alto en mi bémol, le ténor en si bémol, le baryton en mi bémol et le basse en si bémol. Le baryton, s’il n’est pas le plus utilisé des saxophones, fut néanmoins le premier à être construitSon inventeur travaillait au même moment sur la clarinette basse.. À la différence de l’alto et du ténor, son utilisation dans le répertoire « classique » se limite à son rôle dans les quatuorscomprenant soprano, alto, ténor et baryton de saxophone tel celui d’Alexandre Glazounov (1932). Il est également assez peu exploité par les compositeurs du XXe siècle, Betsy Jolas ou Giacinto Scelsi constituant des exceptions. C’est au jazz qu’il doit une véritable mise en valeur même si, comme dans l’ensemble des musiques populaires, il y figure nettement en retrait au regard de l’alto et du ténor. Ses caractéristiques techniques et musicales ont conduit à une progressive spécialisation des saxophonistes baryton, tant au sein des orchestres que dans le jeu soliste.
Organologie et fonctionnement de base
Le fonctionnement général du saxophone baryton se rapproche de celui des autres membres de sa famille instrumentale. La mise en vibration de l’anche simple sous l’effet d’une poussée d’air engendre une onde acoustique dont le mouvement oscillatoire est favorisé par la percele diamètre interne conique du tuyau sonore. Cette conicité entraîne également l’existence de deux régimes de fréquence (grave et aigu) correspondant, en terme de résonance harmonique, aux deux premiers partiels du son fondamental. Pour cette raison, le saxophone est un instrument « octaviant »Le passage d’un registre à l’autre est facilité par une ou plusieurs clés d’octave.. Le spectre sonore est façonné par la matière et la longueur du tuyau, mais également par les caractéristiques de l’anche et de la pincela mise en vibration de l’anche, pour faire du saxophone l’un des instruments à vent les plus souples et les plus expressifs.
Tous les saxophones se composent d’un bec, sur lequel est fixée l’anche au moyen de la ligature, d’un bocal reliant le bec au corps de l’instrument, enfin d’une culasse et d’un pavillon. Le baryton se distingue, outre sa plus grande taille, par la forme recourbée du tuyau à l’extrémité supérieure du corps. La hauteur des notes perçues dépendant de la longueur totale du tuyau, le baryton est l’un des plus graves des saxophones. De 18 à 21 trous de registreles cheminées sont percés le long du corps de l’instrument, obturés ou ouverts par des tampons étanches eux-mêmes actionnés par des clés, leviers ou spatules. Ces trous, agissant comme un raccourcissement artificiel de la longueur du tuyau, permettent d’obtenir toutes les notes de la gamme tempérée. Instrument dit « transpositeur », le baryton est en mi bémol grave, ce qui signifie qu’à un do lu correspond un mi bémol distant d’une treizième majeure inférieure. Parmi les améliorations successives apportées à la factures des saxophones (pour l’étanchéité ou la discrétion du mécanisme, par exemple), l’une concerne l’extrême grave du baryton permettant d’atteindre le lasoit le do1 réellement entendu au moyen d’une clé actionnée par le pouce.
La sonorité du saxophone est déterminée par plusieurs facteurs, dont la facture de l’instrument lui-même, la matière du becgénéralement en ébonite ou en métal et ses caractéristiques internes. Le choix de l’anchesa matière et la densité de la fibre n’est pas moins déterminant sur la qualité du son. Les saxophonistes se distinguent également par leur embouchure ou pince, soit la nature et la puissance de la pression exercée sur l’anche et le bec par la mâchoire inférieure, mais aussi par le volume donné à la cavité buccale et le soutien apporté à l’entretien de la colonne d’air. Le baryton, de par l’important volume interne de son tuyau, exige du souffleur une quantité d’air supérieure à celle requise par l’alto et le ténor, avec une pression généralement moindre, celle-ci dépendant toutefois des qualités de l’anche et du bec. Du grave à l’aigu, son timbre est moins homogène que celui du ténor et surtout de l’alto. Dans le jazz, notamment, est exploité le fort contraste qu’il permet d’atteindre entre un grave riche et large, puissant voire percutant, et un registre aigu doux et flûté. Sa fluidité naturelle peut parfois atteindre une très forte expressivité si l’émission recherche la saturation du timbre par les harmoniques.
Techniques et effets spécifiques au jazz
Le saxophone baryton ne dispose pas des qualitéshomogénéité, vélocité, maniabilité de ses congénères plus aigus, qui leur ont permis de rivaliser, puis de s’imposer sur la clarinette, la trompette et le trombone dans le jeu soliste. Il reste, pour cette raison, d’un emploi plus restreint. Il possède en revanche une aptitude équivalente à épouser les qualités vocales et la personnalisation de la sonorité qui distinguent les instrumentistes de jazz de l’approche plus normative du timbre qui prévaut dans le répertoire « classique ».
L’ensemble des techniques développées par les saxophonistes de jazz, notamment à l’alto et au ténor, s’applique de la même façon au baryton : vibrato, effets vocaux expressifs (grow, inflexions ou courbures du son, mise en valeur du souffle), intégrations de ghost notes (notes fantômes) dans le phrasé, double ou triple détaché, subtiles altérations du timbre, en particulier par l’usage de faux-doigtés, techniques partagées par la musique contemporaine (jeu pizzicato ou slap, attaque de clés, chant dans l’instrument, respiration continue). La longueur importante de la colonne d’air en mouvement à l’intérieur du tube permet, au baryton, d’amplifier l’effet produit par certains de ces effets. Ainsi, les improvisateurs contemporains (François Corneloup, Daunik Lazro) affectionnent-ils le recours systématique à des effets de turbulence ou de perturbation de l’émission sonore au moyen de doigtés spéciaux.
Auteur : Vincent Cotro