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L’opéra aux XXe et XXIe siècles
Quel nom pour l’opéra aujourd’hui ?
Opéra de chambre, drame lyrique, monodrame, poème lyrique, théâtre musical, comédie musicale… : l’opéra du XXe siècle cherche son nom. Ces différentes appellations témoignent de sa présence dans la constellation d’esthétiques qui sont apparues depuis les années 1900 (symbolisme, expressionnisme, néo-classicisme, post-modernisme…).
Deux œuvres clefs
En 1902, est créé Pelléas et Mélisande de Claude Debussy. Le compositeur y remet en question la prosodie chantée française en se rapprochant au plus près du naturel de la langue parlée. Il s’oppose à la vocalité du type bel canto italien, et privilégie la compréhension et la beauté du texte à la virtuosité qui peut faire perdre du sens au livret. Alban Berg revoit le genre différemment : dans Wozzeck (1925), un opéra expressionniste atonal, il déploie une vocalité qui oscille entre le lyrisme et le Sprechgesang (parlé-chanté) et témoigne des premières recherches de la seconde école de Viennereprésentée par Schönberg, Berg et Webern sur l’utilisation de la voix. L’utilisation de formes instrumentales dans l’opéra marque aussi l’histoire du genre : on y retrouve par exemple les formes de la symphonie ou de la fugue. Par ailleurs, le choix d’un livret social, grave et critique fera école.
De nouvelles explorations
Les compositeurs cherchent à renouveler toutes les composantes de l’opéra :
- la vocalité (en faisant notamment appel au Sprechgesang, aux effets sonores tels que le chuchotement et le cri, à la transformation en temps réel avec l’électronique, etc.) ;
- le livret (par le recours à de nouvelles temporalités, à la poésie, en déconstruisant la langue ou la dramaturgie, par des sujets sociaux et d’actualité) ;
- la forme (par l’utilisation de formes propres à la musique instrumentale) ;
- la mise en scène (en rendant visibles les instrumentistes, par l’utilisation de la vidéo, par la mise en scène abstraite).
Le langage musical diffère selon l’esthétique à laquelle appartient le compositeur.
Un genre sans cesse exploité tout au long du XXe siècle
Bien qu’il soit de plus en plus difficile pour les compositeurs de faire jouer un nouvel opéra s’il n’est pas le fruit d’une commande, le genre continue d’habiter le paysage musical moderne. Expressionniste (Elektra de Richard Strauss, Wozzeck de Berg), sériel (Moses und Aron de Schönberg, Lulu de Berg), néoclassique (Le Chevalier à la rose de Strauss), jazz (Porgy and Bess de George Gershwin), minimaliste (Einstein on the Beach de Philip Glass), politique (Il prigioniero de Dallapiccola), post-moderne (Nixon in China de John Adams), électronique (Wagner Dream de Jonathan Harvey), en partie aléatoire (Votre Faust de Henri Pousseur), l’opéra a trouvé une place dans toutes les esthétiques contemporaines, y compris celles qui vont à contre-courant des tendances dominantes (sérialisme et spectralisme), comme Schliemann de Betsy Jolas. Aujourd’hui, la nouvelle génération continue d’explorer les possibilités du genre de l’opéra, bien que les compositeurs soient de plus en plus nombreux à ne se réclamer d’aucun courant et à construire leurs propres lois musicales. Parmi eux, citons Marco Suarez (L’Enfer musical), Bruno Mantovani (Akhmatova), Santiago Diez-Fischer (La Nuit aveugle) et de nombreux autres.
Auteure : Coline Feler - Classe des Métiers de la culture musicale du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris