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Histoires d’instruments : la guitare électrique
Qui a inventé la guitare électrique ? Il est bien difficile de répondre à cette question. C’est outre-Atlantique, aux États-Unis, qu’il faut chercher son origine et retracer les grands jalons d’une histoire qui a commencé il y a plus de 80 ans. Lloyd Loar, le précurseur dès les années 1920, puis Adolphe Rickenbacker, Leo Fender, Les Paul, Gibson en sont les principaux acteurs. Le succès de la commercialisation massive des guitares Fender et Gibson dans les années 1960 permet à la guitare électrique d’entrer dans le panthéon des instruments du XXe siècle.
Le Musée de la musique est riche d’une collection de 34 guitares électriques, témoins de l’histoire de cet instrument et de son évolution. Quelques exemples...
Histoire de l’instrument
Minor Swing
Concert enregistré à la Cité de la musique
le 6 mai 2005
Minor Swing, Django Reinhardt, Stéphane Grappelli, compositeurs, Didier Lockwood, violon, Titi Winterstein & Ensemble
L’idée d’électrifier un instrument, présente dès la fin du XIXe siècle, est déterminante dans l’histoire de la facture instrumentale du XXe siècle.
Le procédé découvert en 1876 (le principe du téléphone) qui permet de changer les sons en courant alternatif au moyen d’un transformateur, le micro, est à l’origine de la mise au point d’instruments électroacoustiques et électriques.
Le but de ces recherches est d’augmenter le volume sonore des instruments et d’inventer de nouveaux timbres. Les guitaristes n’échappent pas au désir de se faire davantage entendre et de mettre fin à l’hégémonie des cuivres dans les orchestres.
L’élément commun à toutes les guitares électriques est le micro, qui convertit les vibrations des cordes en impulsions électromagnétiques ensuite amplifiées puis restituées comme sons à travers des haut-parleurs. A partir de ce principe, deux types de guitares vont être construits : la guitare électrique à caisse creuse et la solid-body (à caisse pleine).
Hey Joe
Concert enregistré à la Cité de la musique
le 28 janvier 2005
Hey Joe, Billy Roberts, Otis Taylor, chant, guitare ; Cassie Taylor, basse ; Futoshi, Morioka, guitare ; Greg Anton, batterie
La guitare électrique à caisse creuse est une guitare acoustique, avec une caisse de résonance à laquelle sont adjoints un ou plusieurs micros électromagnétiques. En dépit d’une construction traditionnelle, cette guitare marque une étape réelle dans l’évolution et dans la conception de l’instrument électrique : le son amplifié prime sur la résonance naturelle de la caisse.
Lloyd Loar, musicien et acousticien chez Gibson entre 1920 et 1924, serait à l’origine de ce type de guitare. Il met au point pendant cette période plusieurs prototypes de micros sans toutefois convaincre la firme Gibson. C’est au début des années 30 que la firme Rowe DeArmond fabrique le premier micro commercialisé.
En 1935, Gibson, jusque-là peu convaincu par les projets de Loar, lance le modèle ES 150, la première guitare munie d’un micro électromagnétique. Ce type de micro porte le nom de son premier utilisateur, le guitariste de jazz Charlie Christian qui popularisa la ES 150. Différents modèles (ES 125, ES 175 D, ES 350, ES 5) se succéderont.
Depuis la Deuxième guerre mondiale, d’autres constructeurs ont investi le marché : Gretsch, Martin aux États-Unis... et en Europe, Jacobacci, Burns, Hofner, pour ne citer qu’eux.
Noise Annoys
Pete Shelley, composition, Buzzcocks
La guitare électrique à caisse pleine ou solid-body est considérée comme la « vraie » guitare électrique et marque une révolution dans la facture des guitares. Elle est construite dans un bloc de bois plein (et plus tard dans d’autres matériaux comme la fibre de carbone).
Elle reprend le principe de la Lap-steel électrique apparue dès les années 30 : la production du son dépend essentiellement de l’amplification électrique. Le rôle unique du corps de l’instrument est de supporter les cordes et les micros. Cette fabrication révolutionnaire a permis de résoudre le problème des vibrations parasites (l’effet Larsen).
L’histoire de la solid-body commence avec la célèbre « poële à frire » (Frying Pan), inventée en 1932 par le luthier suisse émigré à Los Angeles Adolphe Rickenbacker. Conçue pour jouer de la musique hawaïenne, cette guitare électrique est fabriquée dans une seule pièce d’aluminium et équipée d’un micro constitué de deux puissants aimants. L’intérêt porté au modèle Lap-Steel incite Gibson et National-Dobro à fabriquer ce nouveau style de guitare.
En 1941, Les Paul, musicien et bricoleur invétéré, met au point le prototype The Log (La bûche), considéré comme la première guitare électrique à caisse pleine : une Epiphone acoustique coupée en deux, au centre une planche de bois rectangulaire munie de deux micros, un manche Gibson à son extrémité : l’originalité de sa conception lui vaudra d’être célèbre. Mais là encore, Gibson n’y porte aucun intérêt.
Improvisation sur Words
Concert enregistré au Cabaret Sauvage
le 06 septembre 2013
Neil Young, compositeur, Neil Young Never Sleeps
Il faut attendre le début des années 50 pour que la solid-body s’impose. Grâce à l’esprit inventif et déterminé d’un homme qui ne cesse de travailler à son amélioration technique tout en initiant un véritable projet commercial : Leo Fender. En 1950, il crée la Fender Broadcaster qui deviendra plus tard la Fender Telecaster.
D’une conception révolutionnaire (manche vissé, deux micros : aigu et grave), elle remporte un succès commercial considérable et en fait la première solid-body de série de l’histoire. Le même succès accompagne la sortie, un an plus tard, de la Fender Precision, première basse électrique à caisse pleine.
Dix ans plus tard, la commercialisation massive du Les Paul Model par la firme Gibson propulse la guitare électrique au-devant de la scène des musiques populaires.
Voodoo child (slight return)
Concert enregistré à la Cité de la musique
le 19 octobre 2002
Voodoo child (slight return), Jimi Hendrix, compositeur, Nguyên Lê, guitare ; Michel Alibo, basse ; Terri Lyne Carrington, batterie ; Assitan Dembélé, chant
Entre les années 50 et 80, la facture des guitares électriques ne connaît pas de changements majeurs. Elle bénéficie cependant des découvertes technologiques.
Les luthiers utilisent les nouveaux matériaux composites comme la fibre de carbone. Les synthétiseurs-guitares (Roland, ARP, Korg et Systeme 360) côtoient les synthétiseurs à clavier. Si Gibson et Fender dominent toujours le marché, ils subissent de plus en plus la concurrence des firmes japonaises et d’extrême-Orient (Yamaha).
A côté de la standardisation de quelques modèles, les luthiers et les guitaristes eux-mêmes ont initié une évolution certaine des formes : qu’il s’agisse de la Gibson Explorer, aux formes futuristes, construite en 1959, des inimitables caisses rectangulaires de BO Diddley ou des Gibson double manche utilisées par John Mac Laughlin, elles témoignent d’un désir d’appropriation et de personnalisation.
L’invention de la guitare électrique a permis de supplanter la puissance sonore des cuivres. Depuis Charlie Christian et Zecke Campbelle dans les années 30, le guitariste peut prétendre à un rôle de soliste au sein de l’orchestre. Il s’empare désormais de la mélodie et ne se contente plus des parties d’accompagnement. Par ses qualités propres (aisance de jeu, puissance, diversité des timbres), la guitare a suscité la création de nouveaux styles musicaux : le rock a popularisé le Power Trio (chant, guitare, basse, batterie). Bien plus, la guitare devient objet de culte : la Fender Stratocaster de Jimi Hendrix, la Les Paul de Jimmy Page, pour ne citer qu’elles, sont adulées comme de véritables icônes.