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Fiche thématique
Le radeau de La Méduse
Avant d’être un des tableaux les plus célèbres du Louvre, le Radeau de la Méduse évoque une histoire vraie qui a secoué la France au début du XIXe siècle : un terrible naufrage survenu au large de l’actuel Sénégal.
Le contexte historique
En 1816, la Monarchie française est restaurée depuis un an. Pour redorer son image écornée par l’épisode de la Révolution française et de Napoléon, le roi Louis XVIII lance des expéditions maritimes.
C’est ainsi que la frégate La Méduse, conduite par le commandant Hugues Duroy de Chaumareys – qui n’a pas navigué depuis plus de vingt ans – accompagnée de trois autres navires, part à la reconquête de la colonie du Sénégal, prise entretemps par les Anglais.
Le voyage doit mener l’expédition depuis le port français de Rochefort en longeant la côte atlantique jusqu’à Saint-Louis du Sénégal, pour y conduire les membres du personnel colonial et leurs familles, des soldats, des réserves d’argent ainsi que le matériel administratif et militaire.
L’événement
Mais le 2 juillet 1816, la frégate La Méduse s’échoue sur le banc de sable d’Arguin, pourtant bien connu des navigateurs, à cinquante kilomètres des côtes de l’actuelle Mauritanie. La tempête se lève, la frégate prend l’eau et menace de couler.
Que se passe-t-il pour les hommes et les femmes à bord ?
D’abord on tente de remettre à flot le bateau échoué. Pour cela, on construit le fameux radeau, une plate-forme de 20 mètres sur 7 prévue pour alléger le bateau principal en déchargeant le matériel militaire. Mais La Méduse reste échouée. Le commandant finit par décider d’évacuer. Le personnel colonial prend place à bord des barques de secours mais leur nombre est insuffisant pour accueillir tout le monde. Le petit peuple des marins et des mousses est forcé de monter sur le radeau. Les barques regagnent la côte à la rame, tandis que le radeau sur lequel s’entassent cent cinquante personnes, entame sa dérive. La scène tourne rapidement au drame. Sans presque aucune nourriture ni eau douce, les jambes et les pieds pris dans les caillebotis, avec de l’eau jusqu’à la taille… on peut imaginer la terreur des gens, prisonniers sur une mer démontée !
Le radeau, surnommé La Machine, va dériver pendant plusieurs jours. Avec la peur, la faim, la soif, la violence prend le dessus sur la solidarité : on jette des blessés par-dessus bord, on se bat, et on finit par recourir à l’anthropophagie. Ce fait (souvent improprement appelé « cannibalisme ») qui consiste pour un humain à manger la chair d’un autre humain, va choquer l’opinion française et marquer durablement les mémoires. Au retour des quelques survivants et grâce à leurs témoignages, le scandale éclate, qui a failli renverser la monarchie française. En effet, le commandant a quitté le navire, enfreignant toutes les lois de la navigation qui lui imposent de rester à bord en dernier tant que tous les passagers ne sont pas saufs.
Les rares membres du commandement restés à bord du radeau, le chirurgien Jean Baptiste Henri Savigny et le géographe Alexandre Corréard ont décrit dans des livres-témoignages l’incroyable chaos et les débordements humains que la panique a provoqués. Mais leur version des faits sera ensuite critiquée, et l’histoire de ce naufrage n’a pas fini d’être décortiquée…
À Paris, le peintre Théodore Géricault (1791-1824), très engagé politiquement, s’empare du sujet dont il a pu suivre la chronique dans les journaux, et crée son fabuleux tableau, Le Radeau de la Méduse, conservé au musée du Louvre. Par sa construction et sa puissance d’expression, le tableau devient un emblème de tous les naufrages humains, jusqu’à aujourd’hui. Il incarne la puissance des instincts de survie des hommes pris par le désespoir, tout autant que l’espoir, encore hasardeux, qui peut venir de l’horizon.
Auteure : Élise Gruau