Accueil / Fiches thématiques / Musiques des Caraïbes
Page découverte
Musiques des Caraïbes Contexte culturel
Histoire et sociogenèse
Dépeindre la population de la région Caraïbes renvoie aux sombres pages de la politique étrangère européenne consécutives aux voyages de Christophe Colomb (XVe siècle) : anéantissement quasi total des amérindiens (Arawak, Caribs) par les puissances coloniales, traite massive d’esclaves d’Afrique pour repeupler ces régions et cultiver la canne à sucre, le cacao et le café. Après l’abolition de l’esclavage (XIXe siècle), cette traite se mua en migration de travailleurs en provenance d’Inde, de Chine, de Java ou d’Afrique pour satisfaire les besoins en main d’œuvre des planteurs. Ces divers apports, conjugués aux influences variées des colonisateurs – espagnols, anglais, français ou hollandais – façonnèrent une multitude de cultures à travers des processus de créolisationSynthèse culturelle résultant du contact de populations d’origines variées, dont le produit, transmis au sein du cercle familial, transcende la somme des cultures initiales.. Dans cette diversité, le métissage afro-européen lié à la situation post-esclavagiste domina, générant une relative unité culturelle.
En revanche, les cultures des minorités ont évolué de façon contrastée :
- assimilation à la nouvelle population (cas des survivants amérindiens)
- métissages atypiques (GarifunasLes Garifunas (ou Black Caribs) sont une population issue du métissage de Marrons (esclaves fugitifs d’origine africaine) avec des amérindiens Caribs de Saint-Vincent et de Dominique. Déportés fin XVIIIe par les colons anglais sur l’île de Roatan (Honduras), les Garifunas s’installèrent sur la côte est de l’Amérique centrale, de Belize au Nicaragua.)
- ou adaptation avec un assez haut degré de conservation de la culture d’origine (Indiens de Trinité-et-Tobago et du Surinam).
Musiques de culte
Les esclaves étaient importés de toute la côte ouest de l’Afrique, de l’actuel Sénégal à l’Angola. Ils créèrent dans les Caraïbes des religions syncrétiques à partir de coutumes fort hétérogènes, mêlant en particulier des religions du Golfe de Guinée (notamment yoruba) et celle des colons chrétiens. Ces religions syncrétiques font appel à des musiques de culte qui accompagnent en général des rites de possession des adeptes par des divinités aux multiples facettes. C’est le cas de cultes comme la santeria, le vaudou à Haïti, shango à Trinité-et-Tobago ou les baptists dans plusieurs pays de la Caraïbe anglophone. Ces musiques rituelles sont souvent de forme cycliqueMusique dont la structure temporelle est caractérisée par la répétition périodique d’une même suite d’événements sonores., constituées de chants (ayant parfois conservé des vocables africains) mêlés au jeu polyrythmiqueLa polyrythmie est une musique fondée sur l’enchevêtrement de plusieurs figures rythmiques – jouées sur des instruments à hauteurs non définies – qui s’inscrivent dans la même période métrique mais dont les accents sont décalés. de tambours et d’idiophonesInstrument de musique dont le son est produit par la vibration du corps de l’instrument (et non pas par celle d’une corde, d’une membrane ou d’un volume d’air)..
Musiques de fêtes
Contrairement aux musiques de travail qui n’ont qu’exceptionnellement résisté à l’évolution des modes de vie, les musiques de fêtes – probable exutoire des dures conditions de subsistance – sont d’une impressionnante richesse dans les Caraïbes. Pratiquées lors de réjouissances, elles peuvent aussi être liées au carnaval, comme à Cuba ou à Trinité-et-Tobago.
Toujours associées à la danse, ces musiques sont polyrythmiques. D’influence africaine, le jeu des tambours et des idiophones s’organise cycliquement en soutenant souvent une improvisation rythmique. Ces rythmes sont souvent accompagnés par des chants – ou parfois par des instruments mélodiques – adoptant généralement le système tonal européen, sur une forme responsoriale répandue dans certaines régions d’Afrique. Cette alternance entre un soliste et un chœur se retrouve en Martinique (bel-air), en Guadeloupe (gwo-ka), à Cuba (rumba), en Jamaïque (tambù), à Porto-Rico (bomba), au Panama (tamborito), en Guyane (kasséko)...
Tradition et modernité
Les musiques de fêtes ont connu au cours du XXe siècle des évolutions qui ont produit des genres musicaux nouveaux. En remplaçant les instruments traditionnels par des instruments classiques européens (guitare, clarinette...), puis par des instruments électriques (synthétiseurs...), les musiques modernes s’affirment en continuité avec la tradition tout en explorant de nouvelles possibilités : c’est le cas par exemple du son (Cuba), du merengue (République Dominicaine), de la biguine et du zouk (Antilles françaises), du compas (Haïti), du calypso et de la socaChanson moderne sur un rythme proche du calypso, à la ligne de basse très mélodique, et souvent accompagnée d’instruments électroniques. (Trinité-et-Tobago), du reggae (Jamaïque)...
Comme le montrent la genèse du pan à Trinité, la réintroduction de la flûte des Mornes en Martinique ou l’appropriation du jazz, les nouveautés musicales témoignent non seulement de la grande faculté d’adaptation des musiciens des Caraïbes, mais également de leur inventivité. Loin d’être une simple addition de traits européens et africains, traditionnels et modernes, la musique créole est une création sur des canons esthétiques propres.
Auteure : Aurélie Helmlinger