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L’opéra classique
L’opéra à l’aube du classicisme
Né en Italie au début du XVIIe siècle, l’opéra est un genre qui ne cesse d'évoluer. Depuis L’Orfeo (1607) de Monteverdi (l’un des premiers opéras qui nous soient parvenus), qui cherche à renouer avec l’antique tragédie grecque à travers un texte intelligible alternativement énoncé par des solistes et des chœurs, l’opéra se décline progressivement sous plusieurs formes tandis qu’il est disséminé un peu partout en Europe. Au fil du siècle, l’évolution du genre tend vers une distinction entre les œuvres de caractère sérieux et celles de caractère comique. Au XVIIIe siècle, on rencontre ainsi deux formes majeures de drame lyrique : l’opera seria et l’opera buffa.
Opera seria
Né vers 1690 d’une réforme initiée par l’Accademia dell’Arcadia prônant plus de vraisemblance dans les livrets, l’opera seria est brillamment illustré par les compositeurs de l’époque baroque tels que Haendel. À l’époque classique, il commence à décliner mais continue néanmoins d’être pratiqué jusqu’au XIXe siècle dans toute l’Europe (à l’exception de la France, longtemps fidèle à la tragédie en musique élaborée par Lully). C’est une œuvre noble et sérieuse qui obéit à quelques règles :
- les livrets puisés dans l’histoire antique mettent en exergue la vertu et la morale ;
- le valeureux héros évolue dans un cadre musical précis : une ouverture suivie de trois actes divisés en scènes ;
- musicalement la partie chantée est répartie entre les récitatifs (une déclamation ponctuée par une basse continue – souvent le clavecin – ou l’orchestre) et les arias accompagnées par l’orchestre, qui mettent la voix en valeur par des prouesses techniques (bel canto).
La virtuosité vocale met en avant une nouvelle catégorie de chanteurs particulièrement appréciée en Italie : les castrats.
Opera buffa
Dans le même temps et dans un tout autre registre, Naples a donné naissance à un opéra « drôle », l’opera buffa. Inspiré de la commedia dell’arte, il met en scène, dans des situations comiques, des personnages empruntés au milieu populaire ou la petite bourgeoisie. Le livret peut cependant contenir certaines parties plus sérieuses, visant à atténuer l’aspect caricatural de l’œuvre. Le thème de prédilection : l’amour contrarié. Loin d’être des héros, les personnages sont vaniteux, arrogants, et usent de la ruse pour arriver à leurs fins. À l’image de l’opera seria auquel il fait pendant, l’opera buffa gagne progressivement toute l’Europe, mais contrairement au genre sérieux, il rencontre davantage la faveur du public à l’époque classique, et culmine dans les œuvres de Mozart. En deux ou trois actes, il comporte de nombreux ensembles ainsi que des finales, à la fin de chaque acte, où tous les personnages se retrouvent sur scène. Musicalement, il fait la part belle aux chansons, ariettes et cavatines aux mélodies simples et naturelles, plutôt qu’au bel canto alambiqué.
L’expression opera buffa est en réalité peu utilisée par les compositeurs de l’époque, et l’on rencontre souvent les termes dramma giocoso, dramma comico, commedia per musica ou encore burlesca pour désigner ce type d’œuvre. Il participera à la naissance de nouveaux genres dans certains pays (l’opéra-comique en France, le singspiel en Allemagne).
Tragédie lyrique
En France, les compositeurs se démarquent du modèle italien à travers le genre de la tragédie lyrique. Définie par Jean-Baptiste Lully et son librettiste Philippe Quinault (avec Cadmus et Hermione en 1673), elle est encore très appréciée jusqu’au milieu du XVIIIe siècle (notamment avec les œuvres de Rameau), bien que de nouveaux genres lui fassent concurrence (opéra-comique, opéra-ballet...). La tragédie lyrique s’inspire de la tragédie classique illustrée par Corneille et Racine : sur des sujets empruntés à la mythologie ou l’histoire, les cinq actes sont précédés d’une ouverture et d’un prologue faisant l’éloge du roi. Le genre mêle musique (récitatifs déclamés suivant le rythme de la parole, airs, ensembles, chœurs) et danse (ballets).
Gluck et la réforme de l’opéra : vers plus de naturel
Alors que l’opéra de caractère sérieux s’épanouit dans les prouesses vocales et des machineries parfois excessives, le compositeur allemand Christoph Willibald von Gluck veut revenir à davantage de simplicité, aussi bien dans l’opera seria italien que dans la tragédie lyrique française. Comme il l’explique dans la préface de son opéra Alceste (publiée en 1769), sa réforme consiste à ramener la musique à son véritable rôle, qui est de servir la poésie par son expression et de suivre le déroulement de l’intrigue sans interrompre l’action ni l’étouffer sous une prolifération d’ornements inutiles
. Ce que l’on appelle aujourd’hui la réforme gluckiste commence déjà avec Orfeo ed Euridice créé à Vienne en 1762. C’en est fini de la prééminence de l’aria da capoForme privilégiée des airs dans l’opera seria, l’aria da capo est en trois parties ABA’. La partie A’ est une reprise variée de A, dans laquelle le chanteur peut briller dans l’art de l’ornementation improvisée et dans les cadences virtuoses. et de la virtuosité gratuite, place à une virtuosité liée au drame. Le récitatif plus proche du chant est accompagné par l’orchestre. Les livrets considérés comme trop complexes mettent en scène désormais seulement deux protagonistes, selon le modèle antique.
L’opéra classique à Vienne
Si les styles seria et buffa sont encore bien représentés, d’autres genres coexistent à Vienne :
- Le singspiel se rapproche de l’opéra-comique français. C’est un mélange de jeu chanté et de dialogues en allemand. À seulement 12 ans, le jeune Mozart commence sa carrière de compositeur d’opéra avec un charmant singspiel, Bastien et Bastienne. C’est aussi en écrivant un singspiel, La Flûte enchantée, qu’il quitte la scène.
- Parfois synonyme d’opera buffa, le dramma giocoso (« drame joyeux ») est une expression utilisée par Carlo Goldoni en 1748 pour désigner une forme d’opéra qui emprunte à la fois à l’opera seria et à l’opera buffa. À l’instar du premier, les personnages appartenant à la classe aisée ou à la noblesse s’expriment avec raffinement. Issus du second, les personnages comiques de classe plus modeste s’apostrophent souvent exagérément. Le livret, une critique sociale, a pour sujet une intrigue sentimentale qui se conclut joyeusement. Dans la production de Haydn, on compte cinq œuvres de ce genre, dont Le Monde de la lune. Don Giovanni de Mozart appartient également à cette catégorie.
Auteure : Sylvia Avrand-Margot