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Cantate BWV 4 « Christ Lag in Todes Banden »Johann Sebastian Bach
Carte d’identité de l’œuvre : Cantate BWV 4 « Christ lag in Todes Banden » de Johann Sebastian Bach |
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Genre | musique sacrée |
Texte | d’après un cantique de Luther |
Langue | allemand |
Création | 24 avril 1707 ou 8 avril 1708 à Mühlhausen |
Forme | Sinfonia suivie des versus 1 à 7 |
Instrumentation | Voix : solistes et chœur Orchestre : violons 1 et 2, altos 1 et 2, continuo (+ 1 cornet et 3 trombones dans la version de 1725) |
Contexte de composition et de création
Dans le culte protestant de l’Allemagne du XVIIIe siècle, la musique occupe une place importante : une cantate est donnée chaque dimanche, sauf en temps de Carême. La cantate « Christ lag in Todes Banden » (Christ gisait dans les liens de la mort) compte parmi les premières composées par Johann Sebastian Bach, qui n’a alors que 22 ans. Deux hypothèses existent quant à la date précise de sa création : soit le 24 avril 1707, dimanche de Pâques précédant sa nomination comme organiste à l’église Saint-Blaise de Mühlhausen (il s’agirait alors de la pièce probatoire donnée pour solliciter ce poste), soit le 8 avril 1708, seule année qu’il passe dans cette ville.
Il existe deux versions de cette cantate : la première, donnée à Mühlhausen, comprend les voix, les cordes et le continuoLe continuo est l’ensemble des instruments qui réalisent la basse continue, c’est-à-dire la réalisation d’accords accompagnant la mélodie à partir d’une basse chiffrée. Le continuo comprend généralement un instrument harmonique (clavecin, orgue, théorbe, luth) auquel s’ajoute souvent une basse d’archet monodique (viole, violoncelle).. Lors de sa reprise à Leipzig, Bach ajoute un cornetinstrument à vent de la famille des cuivres et trois trombones pour doubler les chœurs et renforcer ainsi les ensembles.
Le texte de la cantate
Le texte tient une place centrale dans le genre de la cantate religieuse. En langue vernaculaire, il était distribué à l’entrée de l’église sous forme de livret et servait de prédication dans la liturgie. La cantate « Christ lag in Todes Banden » est composée sur le texte d’un choralLe choral luthérien est un chant religieux en langue vernaculaire chanté pendant le service liturgique. La mélodie simple et syllabique, et le texte facilement mémorisable, visent à l’édification du fidèle par sa participation active à l’office. écrit par Luther (1483-1546). Ce texte est traité en intégralité, chaque strophe (versus) correspondant à un mouvement (numéro) de la cantate. Il suit une progression depuis la déploration de la mort du Christ et la désolation qui s’abat sur les hommes jusqu’à la victoire de la vie sur la mort. Chaque numéro observe la même trajectoire interne, en évoquant d’abord la mort puis en s’achevant par un Alléluia.
La cantate est organisée selon une forme en arche. Après la Sinfonia introductive, l’écriture musicale et le texte sont organisés autour du versus 4, qui donne à entendre la victoire de la vie sur la mort (Ce fut un admirable combat, / quand luttèrent la mort et la vie, / et que la vie a remporté la victoire / et a englouti la mort).
Langage musical
La musique de Bach vise à mettre en lumière le texte et en amplifier l’éloquence. Le caractère général de chaque mouvement est ainsi dépeint par sa musique (instrumentation, tempo...). De plus, le compositeur souligne certains mots par l’utilisation de figuralismesprocédé qui permet d’évoquer une idée, un sentiment, par l’utilisation de certaines figures musicales (figures rythmiques, mélodiques, harmoniques...)..
La mélodie du choral original de Luther est présente dans chacun des numéros de l’œuvre : parfois à peine perceptible (Sinfonia), tantôt traité en fugue (versus 4) ou en cantus firmusLe cantus firmus est la mélodie principale donnée en valeurs longues à l’une des voix de la polyphonie, tandis que les autres voix brodent autour en valeurs plus rapides. (versus 1), ou encore harmonisé dans le style choral (versus 7). Il s’agit d’un cas unique dans la production de Bach, conférant une grande unité à l’ensemble de la cantate.
L’effectif instrumental est traité avec une grande diversité. Parfois, les instruments soutiennent les voix en les doublant, comme les altos dans le versus 1. Dans les solos et les duos, le continuo joue un rôle moteur, avec une écriture rythmique qui vient compléter celle des voix, tandis que les cordes commentent la mélodie du choral. Le versus 4, centre de la cantate, propose un contrepoint particulièrement soigné, où le chœur est accompagné du seul continuo.
Focus sur...
Sinfonia
La cantate s’ouvre dans une atmosphère de désolation laissée par la mort du Christ. Les phrases sont brèves, comme empêchées de se développer. Les répétitions de motifs donnent l’impression que la mélodie tourne en rond. Les échanges entre le premier violon et le reste de l’ensemble, sur les deux premières notes de la mélodie de choral, figurent des soupirs languissants.
Puis la phrase se déploie, premier élan de l’œuvre. De nombreux retards, qui créent des dissonances, enrichissent l’harmonie et prolongent l’expression de la souffrance.
Enfin, le rythme s’accélère avec l’apparition de croches, l’espace sonore se développe, l’ambitus s’élargit. La ligne mélodique est alors résolument ascendante, éclairant cette ouverture, avant la chute finale.
Versus 5
La mesure à trois temps, utilisée pour la première fois dans cette cantate, confère une certaine fluidité au mouvement. Après la bataille du versus 4Ce fut un admirable combat,
quand luttèrent la mort et la vie,
et que la vie a remporté la victoire
et a englouti la mort.
L’Écriture l’avait annoncé,
comme une mort allait dévorer l’autre,
la mort est devenue objet de dérision.
Alléluia !, il s’agit du début de l’ascension vers la lumière. Le texteLe voici, le juste agneau pascal
offert par Dieu,
il a, sur le bois de la croix,
rôti en un ardent amour,
son sang marque notre porte,
la foi le place devant la mort,
l’exterminateur ne peut plus nous frapper.
Alléluia ! marque ce passage de la mort à la vie : il évoque d’abord la figure du Christ crucifié, comparée à l’agneau pascal sacrifié, avant de le présenter en protecteur des hommes contre la mort.
Le versus 5 est un solo de basse, accompagné par le continuo, les deux violons et les deux altos. La basse continue commence par une descente chromatiquepar demi-tons, exprimant la douleur intense face au Christ crucifié. Puis le chanteur entre, énonçant d’abord une phrase de la mélodie du choral avant de l’orner. Les cordes lui répondent en imitation.
La mise en musique fait appel à de nombreux figuralismes, renforçant l’expressivité du texte :
- le mot « Kreuzes » (croix) est peint par un motif de croix dans la ligne vocale ;
- un grand saut d’intervalle (une douzième) vers le grave, arrivant sur l’accord très tendu de septième diminuée, souligne le mot « Tode » (mort) ;
- la figure de l’exterminateur (« Der Würger ») apparaît avec une longue tenue du chanteur, pendant que le premier violon s’agite en double croches face à cette apparition effrayante ;
- enfin, l’accélération rythmique de la ligne vocale et la présence de sauts ascendants accentuent la joie exprimée par l’Alléluia final.
Sources principales
- Gilles CANTAGREL, Les Cantates de J.-S. Bach, Éditions Fayard, 2010
- Tout Bach, sous la direction de Bernard Dermoncourt, Éditions Robert Laffont, 2009
Auteure : Adèle Gornet