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Symphonie n° 1 Ludwig van Beethoven
Carte d’identité de l’œuvre : Symphonie n° 1 de Ludwig van Beethoven |
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Genre | musique symphonique |
Composition | 1799-1800, à Vienne |
Dédicataire | le baron Gottfried van Swieten |
Création | le 2 avril 1800 au Burgtheater de Vienne, sous la direction de Beethoven |
Forme | quatre mouvements : I. Adagio molto – Allegro con brio II. Andante cantabile con moto III. Menuetto. Allegro molto e vivace IV. Finale. Adagio – Allegro molto e vivace |
Instrumentation | bois : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres : 2 cors, 2 trompettes percussions : 2 timbales cordes : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Contexte de composition et de création
Les premières esquisses d’une symphonie en ut majeur apparaissent dès 1795-1796, pourtant ce n’est véritablement qu’à partir de 1799 que Beethoven se lance dans la composition de sa première symphonie. Il a alors trente ans déjà, mais face à l’héritage imposant que lui laissent ses prestigieux prédécesseurs (Mozart, avec au moins 41 symphonies, et surtout son maître, Haydn, avec plus de 100 symphonies), le compositeur ne pouvait se lancer inconsidérément dans ce genre musical. Tout en mûrissant son projet, il se perfectionne d’abord dans les autres domaines (musique pour piano, musique de chambre…) et commence à se faire une réputation à Vienne en tant que pianiste et compositeur. Aussi, en 1800, lorsqu’il met un point final à son travail, Beethoven est déjà une personnalité reconnue dans les salons viennois.
La Symphonie en ut majeur op. 21 est créée le 2 avril 1800 au Burgtheater de Vienne, sous la direction du compositeur. Le programme de la soirée comprend également des œuvres de Mozart et de Haydn, ainsi que d’autres œuvres de Beethoven (son Septuor op. 20 et un concerto pour piano). Consécration de son travail, c’est le premier concert à bénéficeUn concert à bénéfice est un concert donné pour faire la promotion d’un artiste, qui reçoit le bénéfice du concert. du compositeur. Cependant, l’accueil de sa symphonie reste plutôt mitigé, la critique étant déroutée par son langage trop original. Quelque temps après la création de l’œuvre, on peut lire dans l’Allgemeine Musikalische Zeitung (15 octobre 1800) : Enfin M. Beethoven eut aussi une fois le théâtre à sa disposition et ce fut vraiment l’académie la plus intéressante depuis longtemps […] à la fin fut exécutée une symphonie de sa composition, où il y avait beaucoup d’art, de nouveautés et de richesses d’idées ; les instruments à vent y étaient seulement trop employés de telle sorte que c’était plutôt une musique d’harmonie qu’une musique d’orchestre.
Le 23 juillet 1801, on lira encore : C’est l’explosion désordonnée de l’outrageante effronterie d’un jeune homme.
Dédiée au baron van SwietenÀ l’origine, Beethoven avait l’intention de dédier sa symphonie à Maximilian Franz prince-électeur de Cologne. Mais la mort de ce dernier en juillet 1801 l’oblige à changer de dédicataire., la Symphonie n° 1 est publiée en 1801 par Hoffmeister, en parties d’orchestre séparées. Curieusement, Beethoven demande à son éditeur le même prix (20 ducats) pour la symphonie que pour le Septuor op. 20, le Concerto pour piano n° 2 op. 19 et la Sonate pour piano op. 22, publiés en même temps. Il s’en explique dans une lettre à Hoffmeister : Vous vous étonnerez que je ne fasse ici aucune différence entre une sonate, un septuor, ou une symphonie ? Mais il me semble qu’un septuor ou une symphonie trouve moins d’acheteurs qu’une sonate, c’est pourquoi je le fais, bien qu’il me semble qu’une symphonie doive certainement valoir davantage.
Il faudra attendre 1809 à Londres, puis 1822 à Bonn par SimrockNikolaus Simrock à Beethoven, 13 mai 1822 : J’ai pris l’initiative de publier vos 6 Symphonies en partition, ce qui aurait déjà dû se faire à plusieurs reprises – annoncé officiellement, mais jamais mis en œuvre ; étant donné qu’il n’y a rien à gagner, ce que je sais parfaitement, je voulais simplement offrir à mon vieil et respectable ami un monument digne de lui, et j’espère que l’édition vous plaira, car j’ai fait tout ce que j’ai pu !
, pour une édition en partition.
Déroulé de l’œuvre
Fruit d’un long processus de réflexion, cette première symphonie de Beethoven est encore en partie ancrée dans le classicisme, tout en annonçant le romantisme à venir (un juste adieu au XVIIIe siècle
, dira le compositeur et musicologue Donald Tovey). L’orchestre est encore celui de Haydn et de Mozart. Cependant, on voit déjà poindre les caractéristiques du futur grand Beethoven. Si les cordes prédominent, les bois prennent de l’importance et se voient de plus en plus confier un rôle thématique plutôt qu’harmonique. Beethoven utilise également certains instruments de manière originale, comme les timbales.
L’œuvre est en quatre mouvements, forme héritée de la symphonie classique : I. Adagio molto-Allegro con brio, II. Andante cantabile con moto, III. Menuetto, IV. Adagio – Allegro molto e vivace.
I. Adagio molto - Allegro con brio
Sur le modèle de Haydn, le premier mouvement débute par une introduction lente, Adagio molto. Mais dès le premier accord, Beethoven se montre surprenant : plutôt que d’asseoir clairement la tonalité principale de do majeur, le compositeur commence par un accord de septième de dominanteaccord ressenti comme une tension, nécessitant une détente par sa résolution, le plus souvent sur un accord de tonique (Ie degré de la tonalité)… dans la tonalité de fa majeur ! Une audace qui va dérouter les critiques de l’époque. En 1805, un article de la Berlinische Musikalische Zeitung 1 déclare : La première [Symphonie] de Beethoven a commencé abruptement par un accord de septième sur la dominante du ton principal [sic]Erreur d’analyse musicale : il s’agit du ton de la sous-dominante, fa., alors que le public curieux attendait l’éclat puissant du premier accord d’un grand orchestre. On ne reprochera pas ce genre de libertés et de singularités à un artiste génial comme Beethoven, mais un tel commencement n’est pas adapté à l’ouverture d’un grand concert dans une vaste salle d’opéra.
Toute l’introduction sera ainsi caractérisée par une incertitude tonale, créant un effet d’attente, qui ne sera clairement résolue qu’avec l’arrivée de l’allegro con brio.
L’allegro est de forme sonate (forme privilégiée dans les premiers mouvements de symphonie dès la période classique) :
- une exposition à deux thèmes : le premier thème (dans le ton principal) très rythmique, donné aux cordes, et le deuxième thème (dans le ton de la dominante, sol majeur) plus mélodique, qui fait entendre un jeu de question-réponse entre les cordes et les bois ;
- un développement : très modulant, principalement construit sur le premier thème ;
- une réexposition : retour des thèmes 1 et 2 (les deux dans le ton principal, do majeur) ;
- une coda.
II. Andante cantabile con moto
Ce mouvement lent n’est pas sans rappeler le deuxième mouvement de la Symphonie n° 40 de Mozart. Comme le mouvement précédent, il est de forme sonate. Le premier thème est un fugato (chose peu courante à cette époque) : les instruments entrent successivement sur un motif léger émaillé de rythmes pointés.
Le second thème n’est sensiblement pas différent du premier, à l’exception bien sûr qu’il est donné dans la ton de la dominanteen do majeur, dominante de fa majeur : on retrouve l’articulation des deux notes liées dans un intervalle ascendant, les rythmes pointés et la légèreté des croches tantôt piquées, tantôt liées.
Ce qui fait l’originalité de ce mouvement est sans aucun doute l’utilisation de la timbale dans la codettapartie conclusive de l’exposition, qui effectue un très discret ostinato rythmique (sur le rythme pointé), pianissimo. Après l’exposition des thèmes, vient leur développement : sur l’ostinato rythmique repris ici par les cordes, s’instaure un jeu de question-réponse entre la flûte et le duo hautbois/basson autour de l’intervalle ascendant, puis entre les cordes et les vents (tandis que la timbale reprend son ostinato).
La réexposition reprend les deux thèmes : d’abord le premier, légèrement varié avec un contrechant aux violoncelles, puis le second cette fois dans la tonalité principale. Enfin, la coda fait entendre une dernière variation du premier thème.
III. Menuetto. Allegro molto e vivace
Bien qu’indiqué « Menuetto », ce mouvement est, de par son tempo rapide, davantage un scherzoEn italien, scherzare signifie « badiner, plaisanter ».. D’ailleurs, Beethoven n’emploiera plus, par la suite, le terme « menuet » mais bien « scherzo » dans ses autres symphonies (à l’exception de la Symphonie n° 8). Tout comme le menuet classique, ce mouvement est en trois parties :
- menuet : un thème énergique ;
- trio : plus doux, essentiellement donné aux bois ;
- menuet da capo : retour au menuet initial, répété sans reprises.
IV. Finale. Adagio – Allegro molto e vivace
À nouveau, le mouvement débute par une introduction lente. Et à nouveau, Beethoven dévoile toute son originalité. Après un accord de sol majestueux à tout l’orchestre, les premiers violons seuls énoncent par paliers une gamme à partir de ce sol : d’abord les trois premiers degrés, puis un quatrième vient s’ajouter et ainsi de suite jusqu’à la gamme complète qui amorce l’arrivée de l’allegro.
Ce procédé d’écriture (construction progressive du thème avant son énonciation complète) revient plusieurs fois chez Beethoven (on le retrouve par exemple dans le troisième mouvement de la Symphonie n° 5). Le premier thème de l’allegro est donc construit autour de cette fameuse gamme. C’est un thème très vif et espiègle, dans l’esprit de Haydn. Le second thème est du même caractère, tout en légèreté avec ses notes piquées.
Le développement est construit sur l’échange du motif de la gamme (montante ou descendante) entre les cordes.
La réexposition se termine avec deux surprenants points d’orgue interrogatifs, enchaînant sur la coda. Celle-ci reprend le premier thème et lui superpose un nouveau matériau, une marche joyeuse jouée par les hautbois et cors, avant la longue cadence finale.
Pendant tout le mouvement, l’énergie est donnée par les puissants accords, les sforzandosen renforçant le son sur l’attaque de la note souvent à contre-temps, les oppositions de masse et les contrastes de nuances. Par exemple, dans la coda, l’inattendu forte subito dans la reprise du premier thème.
Sources principales
- Hector Berlioz, Textes sur les symphonies de Beethoven, Éditions Page après Page, 2005
- Elisabeth Brisson, Guide de la musique de Beethoven, Éditions Fayard, 2005
- Barry Cooper, Dictionnaire Beethoven, Éditions Jean-Claude Lattès, 1991
- Patrick Favre-Tissoy-Bonvoisin, Ludwig van Beethoven, Bleu nuit éditeur, 2016
- Jean et Brigitte Massin, Ludwig van Beethoven, Éditions Fayard, 1967
- Maynard Solomon, Beethoven, Éditions Fayard, 2003
Auteure : Floriane Goubault