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Symphonie n° 9 Ludwig van Beethoven
Carte d’identité de l’œuvre : Symphonie n° 9 de Ludwig van Beethoven |
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Genre | musique symphonique avec voix |
Composition | entre 1822 et 1824, à Vienne |
Création | le 7 mai 1824 au théâtre du Kärntnertor à Vienne, sous la direction de Michael Umlauf |
Forme | symphonie en quatre mouvements : I. Allegro ma non troppo II. Molto vivace III. Adagio molto e cantabile IV. Finale : Presto |
Instrumentation | voix : solistes (soprano, alto, ténor et baryton ou basse) + chœur bois : 1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 1 contrebasson cuivres : 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones percussions : timbales, triangle, cymbales, grosse caisse cordes : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Contexte de composition
Même si l’essentiel de l’œuvre a été composé entre 1822 et 1824, la Symphonie n° 9 est le fruit d’une longue maturation qui aura duré plus de trente ans. Trente ans pour que l’idée d’une symphonie avec chœur fasse progressivement son chemin dans l’esprit de Beethoven. Trente ans durant lesquels la musique et le texte de l’Ode à la Joie évolueront en parallèle, chacun prenant progressivement forme au fil des compositions de Beethoven, avant d’être enfin réunis dans sa dernière symphonie.
Le texte de l’Ode à la Joie
Dès 1792, Beethoven envisage de mettre en musique le poème de Schiller An die Freude, édité en 1785. Enthousiasmé par le texte du poète allemand qu’il admirePeut-être pourriez-vous me faire parvenir une édition des œuvres complètes de Goethe et de Schiller […]. Ces deux poètes sont mes préférés, de même qu’Ossian et Homère, que malheureusement je ne peux lire qu’en traduction.
(lettre du 8 aout 1809 à Breitkopf et Härtel), il imagine composer un lied sur l’ensemble du poème. Mais le texte est très long et Beethoven songe plus tard à le remanier, à faire un tout avec des morceaux détachés de la Joie de Schiller
, comme il le note en marge des esquisses de la Symphonie n° 8 datant de 1812. À plusieurs reprises, le compositeur ébauche divers thèmes musicaux sur le texte de Schiller, avant de véritablement l’envisager comme final de sa symphonie avec chœur. Pour cela, il opère des coupes dans le poème original, ne conservant que le tiers du texte environ, et modifie l’ordre des fragments retenus afin de leur donner plus d’unité.
Le thème musical
Le thème de l’Hymne à la JoieDans cette page consacrée à la Symphonie n° 9, le terme Ode à la Joie désigne le texte de Schiller tandis que celui d’Hymne à la Joie désigne le thème musical, ce afin de faire la distinction entre les deux éléments. tel qu’il apparaît dans la Symphonie n° 9 se construit lui aussi progressivement. On le voit déjà se dessiner dans un lied de 1795, Gegenliebe, sur un texte de Bürger, puis dans quelques fragments d’une esquisse de 1804… sur une strophe du poème de Schiller ! Le thème musical ne commencera vraiment à prendre sa forme définitive que dans la Fantaisie pour piano, chœur et orchestre de 1808, avant de devenir l’hymne que l’on connaît dans le Finale de la Symphonie n° 9.
La symphonie avec chœur
Même si sa Fantaisie pour piano, chœur et orchestre intègre déjà des parties chorales, l’idée d’une symphonie avec chœur ne semble faire son apparition qu’un peu plus tard.
C’est en 1818 que cette idée semble se préciser avec toutefois un texte d’une toute autre teneur que celle du poème de Schiller : Dans l’adagio, le texte sera un mythe grec, un cantique ecclésiastique. Dans l’allegro, fête à Bacchus
, note Beethoven au dos d’une esquisse de la Sonate opus 106.
La composition de la Symphonie n° 9 ne débute véritablement qu’à partir de 1822. Ayant presque achevé sa Missa Solemnis qui lui accaparait tout son temps, Beethoven commence à travailler sur une nouvelle symphonie destinée à la Société Philharmonique de Londres. Toutes les idées notées, repensées et développées depuis tant d’années s’assemblent progressivement dans son esprit, telles les pièces d’un puzzle : le texte de Schiller épouse enfin le thème musical de l’Hymne à la Joie, tous les deux réunis dans le projet grandiose d’une symphonie avec chœur, donnant naissance à l’ultime chef-d’œuvre du compositeur.
Contexte de création et postérité de l’œuvre
Déçu de l’accueil que les Viennois ont réservé à ses dernières compositionsIl y a longtemps qu’elles ne sont plus à la mode et la mode fait tout
, déclare Beethoven en 1822 (selon Rochlitz, cité dans Ludwig van Beethoven de Jean et Brigitte Massin)., Beethoven envisage de donner sa Missa Solemnis et sa Symphonie n° 9 à Berlin. Lorsque les mélomanes et admirateurs de Beethoven à Vienne ont vent de la nouvelle, ils adressent une supplique au compositeur à travers une lettreNe nous privez pas plus longtemps de l’audition des nouveaux chefs-d’œuvre sortis de votre plume, et donnez enfin satisfaction à nos aspirations vers les sphères les plus élevées de l’art. […] Vous ne voudrez pas que les enfants de votre génie soient arrachés à leur patrie pour les présenter d’abord à des étrangers. Paraissez au milieu de nous, montrez-vous dans votre gloire et venez réjouir vos amis, vos ardents et respectueux admirateurs !
(extrait de la lettre, intégralement reproduite dans la biographie que Anton Schindler a consacrée à Beethoven) publiée dans les journaux. Beethoven, touché, accepte de faire donner ses deux œuvres à Vienne où elles seront créées le 7 mai 1824 au théâtre du Kärntnertor.
C’est un véritable triompheLes annotations de Schindler dans les Cahiers de conversation de Beethoven nous laissent imaginer le succès du concert : Jamais de ma vie je n’ai entendu des applaudissements aussi furieux et sincères qu’aujourd’hui. – Le second morceau de la Symphonie a été absolument interrompu une fois par les applaudissements – et il aura fallu le recommencer. – L’accueil a été plus qu’impérial – car les gens ont éclaté d’enthousiasme quatre fois. À la dernière, il y avait des vivats !
, immortalisé par un épisode devenu célèbre : celui de Beethoven qui, dos à la foule, totalement sourd et absorbé dans sa partition, ne s’aperçoit pas de l’ovation qui lui est faite avant que la chanteuse Caroline Unger ne le tourne face au public en délire. Toutefois, le succès du concert est assombri par le climat de tension dans lequel il est donné, boudé par la famille impérialeDans sa biographie consacrée à Beethoven, Schindler raconte : Tous les sièges étaient pleins. Une seule loge demeurait vide : celle de l’Empereur.
. Aussi, au moment de l’édition de la partition de la Symphonie n° 9, Beethoven montre sa distance avec l’Autriche en dédicaçant l’œuvre au roi de Prusse Frédéric Guillaume III.
Véritable manifeste de la fraternité et de l’amour universel, la Symphonie n° 9 va devenir un symbole au fil du temps, sans cesse repris dans bien des domaines, depuis la politique jusqu’au cinéma. En 1985, le thème de l’Hymne à la Joie est choisi pour devenir l’hymne européen et, en 2001, la partition manuscrite de la symphonie est inscrite sur le Registre international « Mémoire du Monde » de l’UNESCO.
Déroulé de l’œuvre
La Symphonie n° 9 est exceptionnelle à bien des niveaux : par sa durée bien sûr (c’est la plus longue symphonie de Beethoven), mais aussi et surtout par l’introduction des voix dans le Finale. De plus, même si Beethoven conserve les quatre mouvements traditionnels des symphonies de l’époque, il les développe et les amplifie à l’extrême, multipliant les surprises et le mélange des genres.
I. Allegro ma non troppo
Comme la plupart des premiers mouvements de symphonie, cet allegro est de forme sonate : il oppose deux thèmes contrastés qui sont ensuite développés puis réexposés. Mais Beethoven prend soin d’apporter quelques touches d’originalité. L’introduction est déjà étonante et provoque un sentiment d’attente, de mystère et d’interrogation : pendant les seize premières mesures, seules deux notes, la et mi, sont jouées en continu. D’abord tout doucement, pianissimo, l’orchestre se déploie progressivement dans un grand crescendo aboutissant à l’explosion du premier thème. Puissant, imposant et majestueux, il est joué par tout l’orchestre dans la nuance fortissimo, contrastant avec le deuxième thème qui lui succède, constitué d’une multitude de motifs variés. Après un développement avec fugatoMoins rigoureux que la fugue, le fugato est un procédé d’écriture qui fait entrer les différentes voix de manière successive, en imitation. des deux thèmes, puis leur réexposition, la codapartie conclusive d’un mouvement est à son tour source d’étonnement : exceptionnellement longue (presque aussi longue que la réexposition), elle fait entendre une surprenante marche funèbre venant clore le mouvement.
Clés d’écoute
- Écouter les différentes occurrences de l’introduction au cours du mouvement : après avoir initié l’allegro, on l’entend à nouveau brièvement à la suite du premier thème, puis en introduction du développement, cette fois sans grand crescendo dramatique. Enfin, on la retrouve au début de la réexposition, puissante, explosive, avec un accompagnement des timbales déchaînées.
- Les contrastes très brusques de nuance et d’orchestration sont caractéristiques de l’écriture de Beethoven. Écouter le deuxième thème qui fait entendre un motif rythmique joué fortissimo par tout l’orchestre alterné avec un motif lyrique joué piano.
II. Molto vivace
Placé en deuxième position (et non en troisième comme dans les autres symphonies de Beethoven), ce mouvement est de forme scherzoscherzo - trio - scherzo da capo traditionnelle, mais sa longueur est inhabituelle. La partie scherzo commence d’emblée avec un fugato exposant le thème à différentes voix, avant qu’il ne soit joué par tout l’orchestre à grand renfort de timbales. Très énergique, vif et presque endiablé, ce scherzo contraste avec un trio plus calme et serein, auquel les solos de cor et de hautbois confèrent une atmosphère pastorale qui n’est pas sans rappeler la Symphonie n° 6.
Clés d’écoute
- Les timbales jouent un rôle important dans ce mouvement. Elles jouent régulièrement un rythme pointé (directement issu du début du thème du scherzo), et ce dès l’introduction. Ensuite, on les entend tantôt à découvert, comme dans la partie centrale du scherzo où elles interrompent le thème à plusieurs reprises, tantôt en accompagnement, répétant à pleine puissance le rythme à la manière d’un ostinato.
- Par certains aspects, ce deuxième mouvement se rapproche du troisième de la Symphonie n° 6 « Pastorale ». Les notes piquées des violons dans le scherzo sont semblables à celles que l’on entend dans la Pastorale, et le dialogue cor/hautbois du trio, est une combinaison déjà utilisée également dans cette précédente symphonie afin d’apporter une atmosphère bucolique.
III. Adagio molto e cantabile
Suivant la forme de variations sur deux thèmes, ce troisième mouvement est un véritable moment de paix et de sérénité. Après l’exposition des deux thèmes fondateurs (un premier thème très chantant adagio molto, puis un second légèrement plus allant, andante moderato), leurs variations font entendre tantôt de sublimes ornementations, tantôt une orchestration différente. La coda, surprenante une fois de plus, nous réserve une fanfare inattendue avant les toutes dernières variations du mouvement.
Clé d’écoute
- Écouter la deuxième variation du premier thème : Beethoven superpose le thème d’origine (joué par les bois) et sa variation ornée (jouée par les violons).
IV. Finale
Ce dernier mouvement est presque une œuvre à part entière par sa durée exceptionnelle (il est aussi long que la Symphonie n° 8 en entier !) et par son architecture, qui peut s’apparenter à celle d’une symphonie en quatre mouvements. Il mêle tous les genres musicaux : style récitatif, variations, fugato, et même une marche turque ! Et bien sûr, c’est dans ce mouvement que les voix tant attendues font enfin leur entrée (voir le texte en PDF).
On peut diviser le Finale en quatre parties :
- Introduction orchestrale. Démarrant brusquement par une terrible fanfare (la « fanfare de l’effroi » comme la surnommait Wagner), cette introduction orchestrale fait entendre une mélodie jouée par les violoncelles et contrebasses dans le style du récitatifDans les œuvres lyriques dramatiques (opéras, oratorios...), un récitatif est un chant déclamé suivant le rythme et les intonations de la parole. En confiant ici le récitatif d’abord aux instruments plutôt qu’aux chanteurs, Beethoven repousse un peu plus l’entrée des voix et crée volontairement un sentiment d’attente., entrecoupée de très courtes citations des mouvement précédents. Puis, le thème de l’Hymne à la Joie apparaît, doucement et simplement à nouveau aux violoncelles et contrebasses à l’unisson, avant d’être varié. Tandis que les autres cordes (altos et violons) entrent les unes après les autres, la tension augmente progressivement jusqu’à ce que la musique éclate, triomphante, lorsque le thème est joué par tout l’orchestre dans la nuance forte.
- Variations chantées. Après le retour de la fanfare, cette seconde partie se développe selon le même schéma que la première : la mélodie en style récitatif, chantée cette fois, est suivie de l’énonciation du thème de l’Hymne à la joie, d’abord par le barytonvoix grave d’homme, entre le ténor et la basse seul puis repris et varié en crescendo par les voix solistes et le chœur. Un grand interlude varie le thème dans le style d’une marche turque avec fugato instrumental, avant le retour de l’hymne chanté par le chœur, grandiose et éclatant.
- Andante et Adagio. Dans un tempo plus lent, majestueux, presque religieux, un nouveau thème (parfois appelé le thème de la Fraternité) fait son apparition ici. Il se mêle ensuite au thème de l’Hymne à la Joie en un grand fugato choral, dans un mouvement énergique (allegro energico) qui contraste avec le tempo précédent.
- Développement terminal. Encore une fois exceptionnellement longue, à l’image du reste de la symphonie, cette dernière section fait entendre les deux thèmes du Finale (l’Hymne à la Joie et le thème de la Fraternité) sous des formes variées, avant la coda à proprement parler. Celle-ci clôt le mouvement (et donc l’œuvre entière) dans un prestissimo déchaîné et éclatant, laissant exploser toute la Joie du poème de Schiller.
Clés d’écoute
- Écouter l’introduction et repérer les citations des autres mouvements.
- À l’apparition de l’Hymne à la Joie dans l’introduction orchestrale, écouter les entrées successives des instruments : les violoncelles et contrebasses à l’unisson sont d’abord rejoints par les altos (variation 1), puis par les premiers violons enrichis d’un contre-chant aux seconds violons (variation 2), avant l’entrée de tout l’orchestre (variation 3).
Auteure : Floriane Goubault