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Symphonie n° 4Ludwig van Beethoven
Carte d’identité de l’œuvre : Symphonie n° 4 de Ludwig van Beethoven |
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Genre | musique symphonique |
Composition | 1806, au château de Grätz (Silésie) puis à Vienne |
Dédicataire | le comte Franz Joachim Wenzel von Oppersdorff |
Création | mars 1807, au palais du prince Lobkowitz à Vienne |
Forme | quatre mouvements : I. Adagio – Allegro vivace II. Adagio III. Allegro vivace IV. Allegro ma non troppo |
Instrumentation | bois : 1 flûte, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres : 2 cors, 2 trompettes percussions : 2 timbales cordes : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Contexte de composition et de création
En mars 1806, après un nouvel échec de son opéra Fidelio, Beethoven retourne à la musique instrumentale : il achève son Concerto pour piano n° 4 op. 58 et composera dans l’année le Concerto pour violon en ré majeur op. 61, les Trois Quatuor à cordes op. 59 « Razumovsky », les 32 Variations pour piano WoO80, l’Ouverture de Coriolan et la Symphonie n° 4.
Durant l’été 1806, au cours d’un séjour chez le prince Lichnovsky à Grätz en Silésie, Beethoven se lie d’amitié avec le comte Franz von Oppersdorff, qui entretient un orchestre dans son château d’Oberglogau et à qui il promet de dédier une symphonie. Il songe alors à celle sur laquelle il travaille, et qui sera sa future Symphonie n° 5. Pourtant, Beethoven en interrompt momentanément la composition pour en commencer une autre, la Symphonie n° 4, qu’il termine en automne à son retour à Vienne.
La Symphonie n° 4 est créée en mars 1807 à Vienne, au palais du prince Lobkowitz, au cours d’un concert par souscription dont le programme comprend les quatre premières symphonies de Beethoven, le Concerto pour piano n° 4, l’Ouverture de Coriolan et quelques airs de son opéra Fidelio. Si l’œuvre ne reçoit pas d’emblée les faveurs du public, elle saura plus tard s’allier la critique qui apprécie ne pas y entendre les « bizarreries » habituelles du compositeur.
En 1808, au moment de la publication de l’œuvre, Beethoven envoie une lettre d’excuse au comte von Oppersdorff : dans la nécessité de céder la symphonie qui lui était promise (la Symphonie n° 5, terminée en mars 1808), ainsi que son pendant la Symphonie n°6, à quelqu’un d’autrel’éditeur Breitkopf & Härtel, avec pour dédicataires des symphonies le prince Lobkowitz et le comte Razumovski, le compositeur propose de dédommager le comte en lui dédiant sa Symphonie n° 4. Celle-ci est donc éditée (en parties séparées) au Bureau d’Art et de l’Industrie à Vienne, avec pour dédicataire le comte von Oppersdorff.
Déroulé de l’œuvre
Composée plus de deux ans après la révolutionnaire Symphonie n° 3 « Héroïque », la Symphonie n° 4 retrouve un style plus léger, aussi bien dans sa forme (d’une durée d’environ 30 min) que dans son caractère. On a souvent déclaré à tort que cette symphonie avait été composée sous le coup des fiançailles de Beethoven avec Therese von BrunsvikDepuis leur rencontre en 1799, Beethoven a tissé de forts liens avec les membres de la famille Brunsvik : le fils Franz, ses sœurs Therese, Josephine et Charlotte, ainsi que leur cousine Giulietta Guicciardi.. Aussi erronée que soit cette affirmation (les deux jeunes gens n’ayant jamais été fiancés), la Symphonie n° 4 n’en est pas moins une œuvre pleine de charme, qui tranche avec les deux « monuments » qui l’encadrent (la Symphonie n° 3 et la Symphonie n° 5) : Schumann dira d’elle que c’est une mince fille de la Grèce entre deux géants nordiques
. Dans ses écrits sur les symphonies de Beethoven, Berlioz décrit la Symphonie n° 4 comme une œuvre qui abandonne entièrement l’ode et l’élégie, pour retourner au style moins élevé et moins sombre, mais non moins difficile, peut-être, de la seconde symphonie. Le caractère de cette partition est généralement vif, alerte, gai ou d’une douceur céleste.
La Symphonie n° 4 est en quatre mouvements : I. Adagio – Allegro vivace, II. Adagio, III. Allegro vivace et IV. Allegro ma non troppo.
I. Adagio – Allegro vivace
Comme dans les deux premières symphonies du compositeur, le premier mouvement débute par une introduction lente. Dans un tempo adagio, très mystérieuse (on pense à la Symphonie n° 1 de Mahler qui, 80 ans plus tard, commencera d’une façon similaire), elle commence dans l’atmosphère sombre d’une tonalité mineure (en sib mineur, alors que la tonalité principale de la symphonie est sib majeur). Cette introduction est constituée de deux éléments thématiques :
- le premier est un motif descendant en tierces aux cordes à l’unisson, sur une pédale de sib tenue par les vents ;
- le second élément égrène des arpèges en croches entrecoupées de silences.
Les deux éléments sont ensuite repris, mais en si mineur. Tout concourt à apporter une atmosphère d’attente et de tension inquiétante. Enfin, l’allegro, de forme sonateexposition des thèmes – développement – réexposition, démarre brillamment. Beethoven persiste dans son idée de tension en martelant six accords de dominante, chacun précédé d’une fioriture ascendante de notes rapides, avant l’arrivée définitive en sib majeur (la succession d’accords tendus martelés est un procédé qu’il a déjà utilisé dans le premier mouvement de sa Symphonie n° 3). Ensuite, le premier thème poursuit sur un égrenage d’arpèges (évoquant celui de l’introduction) d’abord aux cordes puis à tout l’orchestre avec la timbale soutenant chaque temps. Le second thème est initié par les bassons, relayés par les hautbois puis la flûte. Un deuxième motif mélodique, dolce, est énoncé d’abord en canon entre la clarinette et le basson puis entre le duo flûte/violons et les cordes graves.
Le développement est essentiellement construit autour du premier thème : l’arpège en croches (précédé de la fioriture de doubles croches) est d’abord joué aux cordes, de plus en plus court, puis à la flûte et aux hautbois tandis qu’un nouveau thème très chantant, tantôt aux cordes tantôt aux bois, s’y superpose. La fin du développement retrouve le caractère mystérieux de l’introduction : sur un discret roulement de timbale, les cordes s’échangent la fioriture de notes rapides, crescendo et de plus en plus resserré jusqu’à l’éclatement du thème qui amorce la réexposition (Berlioz compare ce moment au passage entre le 3e et le 4e mouvement de la Symphonie n° 5 : Ce prodigieux crescendo est une des choses les mieux inventées que nous connaissions en musique ; on ne lui trouverait guère de pendant que dans celui qui termine le célèbre scherzo de la Symphonie en ut mineur.
).
Après la réexposition, la coda reprend une dernière fois le premier thème et termine le mouvement en apothéose.
II. Adagio
Le deuxième mouvement suscitera l’admiration de Berlioz : Pour l’adagio, il échappe à l’analyse… C’est tellement pur de formes, l’expression de la mélodie est si angélique et d’une si irrésistible tendresse que l’art prodigieux de la mise en œuvre disparaît complètement. On est saisi dès les premières mesures d’une émotion qui, à la fin, devient accablante par son intensité.
Ce mouvement est de forme rondo-sonate :
Le premier thème en mib majeur (le refrain) joué aux cordes, oppose, sur deux plans sonores simultanés, deux motifs contrastés : un rythme pointé (que l’on retrouve sous diverses formes tout au long du mouvement) qui imprime la pulsation, et un motif mélodique en valeurs longues, très étiré. Le second thème dans le ton de la dominante sib majeur (le premier couplet), cantabile, est donné à la clarinette.
Le début du développement fait entendre une reprise variée du premier thème (refrain) puis un véritable développement (deuxième couplet) : passage très sombre (dans une tonalité mineure), il fait entendre une grande gamme descendante en mib mineur, où chaque degré est ponctué d’un coup de timbale.
À la réexposition, le retour à la lumière se fait avec le premier thème dans sa forme originale à la flûte (refrain) suivit du second thème cette fois au ton principal mib majeur (troisième couplet). Enfin, la coda évoque une dernière fois, de façon très succincte, le premier thème (refrain).
III. Allegro vivace
Ce troisième mouvement est bien un scherzo, même si le terme n’est pas explicitement employé (Beethoven ne reviendra au classique menuetLa principale différence entre le menuet et le scherzo réside dans le tempo et le caractère : le scherzo est souvent plus rapide et plus vif, moins galant que le menuet., abandonné après sa Symphonie n° 1, que dans la Symphonie n° 8). Sa forme est « double » : un scherzo vient s’insérer avant la reprise du trio.
C’est une forme que Beethoven utilisera également dans sa Symphonie n° 7.
Le thème du scherzo est très énergique. Il joue sur les contrastes de nuances et d’instrumentation. Les appuis sur les contre-temps créent une impression d’instabilité et de fuite en avant. Le trio, un peu moins rapide, est plus doux : nuance piano et instrumentation allégée centrée sur les bois et cors lui donnent un caractère plus pastoral.
Le scherzo est répété avant la reprise du trio, puis une dernière évocation abrégée du scherzo vient clore le mouvement.
IV. Allegro ma non troppo
À nouveau, ce dernier mouvement est de forme sonate. Le premier thème démarre par un fourmillement ininterrompu de doubles croches aux cordes, un mouvement perpétuel qui va irriguer tout l’allegro. S’élance ensuite un motif plus mélodique aux violons puis aux vents. Le second thème, dolce, est d’abord joué au hautbois puis à la flûte. Le fourmillement s’interrompt momentanément pour mieux reprendre ensuite, suivi d’une succession d’accords tendus martelés (comme dans le premier mouvement), sforzando, avant la codetta qui clôt l’exposition.
Le développement est essentiellement axé autour du motif perpétuel, auquel se superpose un moment le motif plus mélodique du premier thème. La fin du développement reprend les accords sforzando du deuxième thème, puis la réexposition est amorcée par le basson qui joue le motif perpétuel avant la véritable reprise du premier thème par les cordes. Après la réexposition, une longue coda achève le mouvement. Beethoven y réserve quelques surprises : d’abord un motif perpétuel traité comme dans le développement, puis une série de points d’orgues (on pense au finale de la Symphonie n° 1 dans lequel le compositeur utilise un procédé similaire) à la suite desquels le motif perpétuel est traité en augmentationen valeurs deux fois plus longues, donc en croches plutôt qu’en doubles croches. Le fourmillement rapide reprend brièvement, juste le temps de l’éclatante cadence finale.
Sources principales
- Philippe Autexier, Beethoven la force de l’absolu, Éditions Gallimard, 1991
- Hector Berlioz, Textes sur les symphonies de Beethoven, Éditions Page après Page, 2005
- Elisabeth Brisson, Guide de la musique de Beethoven, Éditions Fayard, 2005
- Barry Cooper, Dictionnaire Beethoven, Éditions Jean-Claude Lattès, 1991
- Patrick Favre-Tissoy-Bonvoisin, Ludwig van Beethoven, Bleu nuit éditeur, 2016
- Maynard Solomon, Beethoven, Éditions Fayard, 2003
Auteure : Floriane Goubault