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Eric Le Lann (1957-)
Trompettiste phare du jazz français dans les années 1980, longtemps considéré comme une synthèse à l’équilibre parfait entre Miles Davis et Chet Baker, Eric Le Lann s’est affirmé comme un soliste mélodiste qui doit autant à ses maîtres qu’à une inspiration personnelle à fleur de peau.
De nombreuses collaborations
Né le 4 novembre 1957 à Plœuc-sur-Lié en Bretagne, Eric Le Lann débute à vingt ans avec son installation à Paris en 1977. Sa carrière de musicien professionnel se fait alors à la fois dans les studios d’enregistrement de variété et dans les clubs de jazz de la capitale. Rapidement reconnu comme un trompettiste talentueux (peut-être le plus important depuis Roger Guérin), lauréat du Concours de La Défense en 1979, il est engagé par René Urtreger (dans un quintet qui comprend Jean-Louis Chautemps, Jean-François Jenny-Clarke et Aldo Romano) et dans le premier quartet d’Henri Texier. En 1981, il côtoie pour une série de concerts le saxophoniste baryton Pepper Adams et joue dans le Onztet de Patrice Caratini et Marc Fosset. C’est à cette époque que Martial Solal fait appel à lui pour son big band dont il devient l’un des principaux solistes : les deux hommes collaboreront régulièrement ensemble dans les années suivantes. Le groupe que le trompettiste crée alors sous son nom est un quartet composé d’Olivier Hutman, Cesarius Alvim et André Ceccarelli : ils enregistrent l’album Night Bird en 1983, année où Eric Le Lann est lauréat du prix Django-Reinhardt de l’Académie du jazz. Après une tournée en Inde avec le trio HJT (Humair, Jeanneau, Texier), le trompettiste est appelé par Bertrand Tavernier à figurer dans le film Autour de minuit (1985). Il compose par ailleurs plusieurs musiques de film pour le cinéma et apparaît aux côtés de vedettes de la chanson (Etienne Daho, Bernard Lavilliers). Après avoir été soliste invité de l’ONJ d’Antoine Hervé en 1987-1988, il part l’année suivante enregistrer un album « électrique » à New York, en compagnie de Mike Stern et Louis Winsberg, Eddie Gomez, Paco Sery et Mino Cinelu.
Aux antipodes musicales de ce disque, Le Lann signe ensuite un disque consacré aux chansons de Charles Trenet et Edith Piaf en quintet entouré d’un orchestre symphonique sur des arrangements de Martial Solal. Revenant à des couleurs plus jazz-rock, il réalise Cap Fréhel (1991) avec Lionel Belmondo, Jean-Michel Pilc, Richard Bona et André Ceccarelli, un groupe avec lequel il effectue une tournée en Afrique.
Artiste mélancolique
Un film réalisé par Valérie Stroh à l’occasion de cette tournée révèle les blessures de ce musicien souvent victime des affres d’une personnalité tourmentée, dont le style, porté par une sonorité feutrée, révèle une fragilité d’écorché vif : Trois heures du matin en duo avec le pianiste Michel Graillier (1995) laisse entendre toute la mélancolie sensible qu’il partage avec Chet Baker qu’il rappelle par bien des aspects. Revenu à l’acoustique, le trompettiste se produit en trio avec Riccardo Del Fra et le jeune Baptiste Trotignon, et enregistre au Duc des Lombards, l’un des clubs de jazz parisiens dont il est l’une des figures familières en 1998.
Collaborant régulièrement avec le saxophoniste Archie Shepp, autre oiseau nocturne, il continue de se produire régulièrement avec Martial Solal, avec lequel il signe un album en duo (Portrait in Black and White), enregistre la musique de Duke Ellington revue par le pianiste français au sein du Dodecaband (2000) et participe à la musique composée par ce dernier pour le film de Bertrand Blier, Les Acteurs. Renouant avec ses origines bretonnes, Le Lann fonde l’Ecole de création musicale (ECM) qui, après Rennes, prend ses quartiers à Dinan. Ayant collaboré avec Didier Squiban en 1995, lui-même s’essaye en 2004 à fusionner l’esprit des musiques celtiques avec le jazz en compagnie des chanteurs traditionnels bretons Manu Lann-Huel et Marthe Vassallo (Origines). Peu après avoir contribué au come-back d’Henri Salvador, il rend hommage au génie mélodiste d’Antonio Carlos Jobim en duo avec le guitariste Jean-Marie Ecay, confirmant que le matériau musical importe moins à ses yeux que le lyrisme qu’il provoque en lui et l’émotion qu’il dégage.
Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : août 2005)